La reconnaissance faciale n'est pas l'apanage de certains mammifères : Polistes fuscatus, une espèce de guêpes sociales, en est également capable. Des biologistes ont tenté de mieux comprendre comment cette capacité s'est mise en place. Conclusion : l'évolution leur a appris à apprendre.

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    Certaines guêpes sont capables d'apprendre à discerner leurs congénères par reconnaissance faciale. © Goshzilla - Dann, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Certaines guêpes sont capables d'apprendre à discerner leurs congénères par reconnaissance faciale. © Goshzilla - Dann, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Chez les polistes, des guêpes souvent sociales, la reconnaissance faciale des congénères est très efficace. Et c'est grâce à cela que l'organisation sociale est maintenue. Cela avait déjà été mis en évidence il y a quelques années mais de nouveaux travaux semblent montrer que cette habilité est le fruit de l'évolution, qui sélectionne la capacité à apprendre, et de l'apprentissage lui-même.

    L'origine de cette étude vient de l'organisation sociale dans les sociétés de l'espèce Polistes fuscatus. Les colonies de cet hyménoptère sont composées de plusieurs reines et d'ouvrières. Les tâches (nourriture, reproduction, etc.) se répartissent en fonction de la caste de la guêpe et une reconnaissance individuelle semble indispensable afin que cette organisation fonctionne.

    Apprentissage rapide

    La reconnaissance d'individus grâce à des caractéristiques corporelles a été soupçonnée. Toutefois, il est davantage probable que les traits faciaux permettent à ces insectes de faire la différence entre leurs congénères.

    Afin de le prouver, deux scientifiques de l'université du Michigan ont réalisé plusieurs expériences au cours desquelles cet insecte ainsi qu'une autre guêpe d'une espèce proche mais à l'organisation sociale différente - P. metricus - étaient placées dans un labyrinthe. Pour se diriger, il leur fallait reconnaître les têtes de guêpes qu'on leur exposait. Elles recevaient une petite décharge si elles se dirigeaient vers un visage étranger. Une autre expérience reproduisait ce schéma avec des images diverses.

    Les différentes catégories d'images que les guêpes devaient distinguer : tête de <em>P. fuscatus</em>, tête de <em>P. fuscatus</em> sans antenne, images déformées de têtes, forme géométrique, chenilles et têtes de <em>P. metricus</em>. © Sheehan et Tibbetts, 2011, <em>Science</em>

    Les différentes catégories d'images que les guêpes devaient distinguer : tête de P. fuscatus, tête de P. fuscatus sans antenne, images déformées de têtes, forme géométrique, chenilles et têtes de P. metricus. © Sheehan et Tibbetts, 2011, Science

    Convergence évolutive avec les mammifères ?

    Les scientifiques ont découvert que P. fuscatus apprend plus vite que P. metricus pour discerner le faciès de ses congénères. De même, P. fuscatus apprend très vite à distinguer ses semblables et les guêpes de l'espèce P. metricus. Pourtant, paradoxalement, elle n'excelle pas dans la reconnaissance de formes. À l'inverse de P. metricusP. fuscatus met davantage de temps à faire la distinction entre plusieurs chenilleschenilles ou même entre deux figures géométriques très différentes.

    Comme les scientifiques l'expliquent dans un article de Science, ces résultats montrent que pour P. fuscatus il s'agit d'un apprentissage au cours de la vie de l'individu. Chez elle, au cours de l'évolution, la sélection a donc porté non pas sur la faculté à reconnaître les caractéristiques de la face mais sur la facilité à apprendre à les reconnaître.

    Bien que le système nerveux et les yeuxyeux de ces insectes soient très éloignés de ceux des mammifèresmammifères, les auteurs considèrent qu'il s'agit bien d'une convergence évolutive. En effet, si le processus d'apprentissage est visiblement le même, les mécanismes physiologiques sur lesquels il repose sont en revanche probablement différents. Afin de s'en assurer il faudrait désormais comparer les activités du système nerveux au sein des deux taxonstaxons.