Dans l’océan Indien se trouve une anomalie de gravité que les scientifiques cherchent depuis longtemps à expliquer. Une nouvelle étude suggère qu’elle serait liée à la perturbation du super-panache présent sous l’Afrique.


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    Excepté pour quelques irréductibles « platistes » qui se bornent à nier l'une des évidences scientifiques les plus élémentaires, la Terre est ronde. Aristote en a d’ailleurs fait la démonstration il y a maintenant plus de 2 300 ans. Plus besoin de revenir dessus. Pour autant, la forme de la Terre est toujours l'objet de discussions scientifiques. Car il existe des nuances. En effet, la Terre n'est pas une sphère parfaite. Elle est légèrement aplatie au pôle, du fait de sa rotation.

    Distribution des masses, géoïde et forme de la Terre

    Mais la complexité va plus loin si l'on considère le champ de pesanteur. Si l'on se promène sur l'ellipsoïde dit de référence, qui sert à modéliser la forme de la Terre, on se rend compte que le champ de pesanteur varie légèrement. En cause : la répartition non homogène des massesmasses qui composent la Terre. Ainsi, les scientifiques ont défini une autre surface (théorique) qui rend compte de ces variations du champ de pesanteur et de la répartition des masses : c'est le géoïde. Le géoïde représente ainsi ce que l'on appelle une équipotentielle de pesanteur, c'est-à-dire qu'en tout point de cette surface théorique, la valeur de g est constante et la direction du champ de pesanteur lui est perpendiculaire. D'une certaine façon, la forme du géoïde est donc ce qui s'approche au plus près de la forme de la Terre. En dézoomant et en regardant avec un degré de précision extrême, la forme de la Terre s'apparenterait ainsi plutôt à un « patatoïde », avec des bosses et des creux qui témoignent de l'inégale répartition des masses en profondeur. Il faut cependant garder à l'esprit que les variations du géoïde n'excèdent pas +/- 100 mètres. L'approximation de l'ellipsoïde est donc plus que satisfaisante !

    Le géoïde terrestre et sa forme de patatoïde. L'anomalie négative dans l'océan Indien est bien visible (en bleu). © ESA
    Le géoïde terrestre et sa forme de patatoïde. L'anomalie négative dans l'océan Indien est bien visible (en bleu). © ESA

    Un « creux » dans l’océan Indien

    Mais revenons à notre patatoïde. Car il y a bien une zone qui intrigue les scientifiques depuis longtemps. En effet, l'une des anomaliesanomalies les plus marquantes dans la forme du géoïde est celle située dans l'océan Indien. Il s'agit d'une anomalie négative, qui forme un « creux » dans le géoïde. Il serait donc associé à un défaut de masse quelque part sous la surface terrestre. Mais de quoi s'agit-il exactement ?

    Une remontée de matériel chaud suite à une perturbation au niveau du super-panache africain

    Une nouvelle étude, publiée dans la revue Geophysical Research Letters, propose une nouvelle hypothèse. Pour comprendre, il faut plonger à plus de 1 000 kilomètres sous la croûte terrestre, au cœur du manteaumanteau. C'est là que se trouverait le coupable : un ancien morceau de croûte de l'ancien océan TéthysTéthys ayant plongé sous l'Afrique au niveau d'une zone de subductionzone de subduction il y a 30 millions d'années. Ce morceau de croûte, froid et dense, serait venu perturber le super-panache mantellique (LLSVP pour Large Low Shear Velocity province) qui s'enracine à l'interface noyau-manteau sous le continent africain. Cette perturbation aurait engendré la remontée de matériel chaud au sein de plusieurs panaches mantelliques sous l’océan Indien. Or, qui dit masse importante de matériel chaud et peu dense, dit anomalie de gravitégravité négative ! Ces résultats sont issus de modélisationsmodélisations numériquesnumériques ayant pris en compte l'évolution géodynamique et tectonique depuis 140 millions d'années.

    Le super-panache localisé sous l'Afrique aurait été déstabilisé par l'arrivée d'un morceau de croûte océanique. © Clinton Conrad, SOEST
    Le super-panache localisé sous l'Afrique aurait été déstabilisé par l'arrivée d'un morceau de croûte océanique. © Clinton Conrad, SOEST

    Une hypothèse qui ne fait cependant pas encore consensus au sein de la communauté scientifique, certains chercheurs mettant en avant le fait qu'il n'existe pas de preuve sismologique claire de ces panaches mantelliques sous l'océan Indien.