Pour trouver des traces d'animaux très anciens, si mous qu'ils fossilisent mal, des paléontologistes ont eu l'idée de chercher des molécules spécifiquement animales. Bonne pioche : de tels biomarqueurs, en l'occurrence des stéroïdes produits par des éponges, font reculer d'une centaine de millions d’années l’apparition des premiers animaux sur notre planète.

au sommaire


    Examen de strates par Gordon Love dans le nord d’Oman. Crédit David Fike, Caltech

    Examen de strates par Gordon Love dans le nord d’Oman. Crédit David Fike, Caltech

    Jusqu'ici, les plus anciennes traces de vie animale avérées remontaient à l'explosion cambrienne, entre 520 et 540 millions d'années avant notre ère. Marquant la fin de la plus importante glaciationglaciation, cet épisode avait vu apparaître de nombreuses grandes familles animales, comme les mollusques, les arthropodes ou les vertébrés. Cette apparition apparemment brutale de fossiles paraissait déjà suspecte aux yeuxyeux de Charles DarwinCharles Darwin.

    Une équipe de scientifiques coordonnés par Roger Summons (MIT, Etats-Unis) et Gordon Love (University of California, Etats-Unis) viennent peut-être de résoudre le mystère en analysant les moléculesmolécules renfermées dans les sédiments extraits des plus gisementsgisements pétrolifères de la planète, dont les résultats ont été publiés dans la revue Nature.

    Carottages provenant des forages pétroliers d’Oman en cours d’archivage et d’enregistrement. Crédit David Fike, Caltech

    Carottages provenant des forages pétroliers d’Oman en cours d’archivage et d’enregistrement. Crédit David Fike, Caltech

    Il y a 635 millions d'années, les premières éponges, pionnières du monde animal

    De nombreux scientifiques estiment que la diversification avait déjà commencé  bien avant l’Age de Glace, qui remonte à 640 millions d'années. Celui-ci, rappelle Gordon Love, aurait pu favoriser le développement de formes de vie complexes apparues au cours des vaguesvagues évolutionnaires provoquées par les extinctions multiples. Cette idée est renforcée par la découverte de la faune d’Ediacara, à proximité des collines du même nom en Australie (appelée aussi faunefaune vendéenne car l'époque correspondante est le VendéenVendéen). Très diversifiée et comportant des animaux complètement différents des phylumsphylums actuels, elle montre les premiers fossiles d'organismes marins complexes apparus il y a 565 millions d'années.

    Etudier des formes vivantes si anciennes est une tâche ardue. Les premiers animaux multicellulaires, en effet, étaient mous, sans carapace ni squelette à même de se fossiliser.

    Les éponges forment l’une des formes de vie multicellulaire les plus simples. Crédit Love lab, UC Riverside

    Les éponges forment l’une des formes de vie multicellulaire les plus simples. Crédit Love lab, UC Riverside

    C'est une voie toute différente qu'ont empruntée les chercheurs, en tentant de découvrir, dans 64 échantillons de sédiments vieux de 635 millions d'années remontés lors de forages au sud du sultanat d'Oman, la présence de molécules qui témoigneraient de l'existence d'organismes complexes.

    L'idée était bonne. Les analyses ont révélé la présence d'un stéroïdestéroïde particulier à un taux relativement élevé, le 24-ipc, produit exclusivement par certaines éponges, les démosponges.

    « Nos découvertes suggèrent que l'évolution des animaux multicellulaires a débuté bien plus tôt que nous le croyions. Nos théories convergent à présent vers une divergence de la faune multicellulaire complexe qui aurait débuté sur le fond océanique à faible profondeur à une période comprise entre 635 et 750 millions d'années », résume Gordon Love.