De nombreux aspects essentiels de la vie des espèces éteintes sont extrêmement difficiles à reconstituer à partir du registre fossile parcellaire qui nous est parvenu, en particulier leurs comportements. Mais certains indices, comme la différence de morphologie entre mâle et femelle, permettent heureusement d’en déduire quelques-uns !

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    Le principal problème que rencontrent les paléontologuespaléontologues, c'est le peu de restes disponibles, qui mène souvent à l'impossibilité d'effectuer des analyses statistiques fiables sur de si petits échantillons. Et même en présence de plusieurs fossiles appartenant à une seule espèce, il est difficile de déterminer si les différences observées sont dues à des modifications survenues durant la fossilisation, à un dimorphisme sexuel, à l'âge des individus, ou simplement à la variation naturelle au sein de l'espèce. C'est pourquoi les sites fossilifères à préservation exceptionnelle (appelés « lagerstätte ») sont si importants. Le lagerstätte français d'Angeac-Charente (Nouvelle-Aquitaine) a permis de décrire pour la première fois un dimorphisme sexuel chez des dinosaures théropodesthéropodes, dans une étude du CNRS et du Muséum national d'Histoire naturelle publiée dans la revue eLife. 

    Cette image superpose les deux types morphologiques de fémurs retrouvés dans le troupeau de dinosaures, l'un coloré, l'autre en transparence grise. On voit que la différence la plus notable se trouve au niveau de la courbure du tiers de l'os le plus proche de la hanche (en haut). © Romain Pintore
    Cette image superpose les deux types morphologiques de fémurs retrouvés dans le troupeau de dinosaures, l'un coloré, l'autre en transparence grise. On voit que la différence la plus notable se trouve au niveau de la courbure du tiers de l'os le plus proche de la hanche (en haut). © Romain Pintore

    Le site français qui livrait un troupeau de dinosaures

    Parmi les nombreux restes que contient le site, qui date de 140 millions d'années, se trouve un troupeau de dinosaures théropodes, un cladeclade qui comprend les célèbres tyrannosaurestyrannosaures et VelociraptorVelociraptor, mais aussi les oiseaux actuels. Le troupeau d'ornithomimosaures (dont l'espèce n'est pas encore décrite) se compose d'une soixantaine d'individus. Ce grand nombre de spécimens a permis aux chercheurs d'effectuer des analyses statistiques qui ont démontré que deux types morphologiques (morphotypes) se dégageaient de l'échantillon. 

    Les fémurs des ornithomimosaures d'Angeac-Charente montrent une différence de courbure. L'os, coloré en rouge, est replacé au sein du squelette de <em>Struthiomimus</em>, un ornithomimosaure. © A et B, d'après Pintore <em>et al</em>. (2023), et C, Longrich (2008)
    Les fémurs des ornithomimosaures d'Angeac-Charente montrent une différence de courbure. L'os, coloré en rouge, est replacé au sein du squelette de Struthiomimus, un ornithomimosaure. © A et B, d'après Pintore et al. (2023), et C, Longrich (2008)

    Le premier morphotype est caractérisé par des fémursfémurs dont le tiers supérieur (proximal) est plus courbé vers le côté extérieur du corps (latéral), tandis que l'extrémité inférieure (distale) est peu large. À l'inverse, le second morphotype comporte des fémurs plus droits, voire courbés vers l'intérieur du corps (côté médial), et dont l'extrémité distale est élargie. Lorsque deux types morphologiques apparaissent au sein d'une même population, on parle de dimorphisme, et les auteurs pensent que celui-ci pourrait être d’ordre sexuel, car des différences morphologiques similaires ont été observées entre les mâles et femelles chez des taxonstaxons phylogénétiquement proches des dinosaures non-aviensaviens, comme les oiseaux ou les crocodilienscrocodiliens. 

    L'analyse montre que les mesures effectuées sont clairement réparties en deux groupes différents (l'un en orange, l'autre en gris sur les graphiques), en ce qui concerne la courbure de la partie proximale (Pr) des fémurs sur le côté latéral (L) de l'animal (A, C), et la largeur de leur extrémité distale (B, D). © Pintore <em>et al</em>. (2023)
    L'analyse montre que les mesures effectuées sont clairement réparties en deux groupes différents (l'un en orange, l'autre en gris sur les graphiques), en ce qui concerne la courbure de la partie proximale (Pr) des fémurs sur le côté latéral (L) de l'animal (A, C), et la largeur de leur extrémité distale (B, D). © Pintore et al. (2023)

    Les chercheurs ont aussi analysé les tibiastibias de ces dinosaures, et n'y ont pas trouvé de dimorphisme. Chez de nombreux parents actuels des dinosaures, le dimorphisme sexuel est similairement observé sur le fémur mais aussi sur le bassin, qui sont en contact. Cela peut laisser penser que c'est la capacité à porter des œufs qui gouverne ce trait, mais il n'est pas encore possible de l'affirmer en ce qui concerne les dinosaures français d'Angeac-Charente.