Un squelette d’enfant néandertalien trouvé en Espagne suggère que la croissance de Néandertal était assez proche de celle de l’Homme moderne. Pourtant, des travaux précédents suggéraient que Néandertal grandissait plus vite, atteignant l’âge adulte plus tôt.

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    L'Homme moderne a besoin de plus de temps qu'un chimpanzé pour atteindre l'âge adulte. Une explication pour cette croissance humaine lente est que le développement du cerveaucerveau de l'Homme moderne est coûteux du point de vue énergétique ; ceci serait compensé par un rallongement de l'enfance, avec un ralentissement de la croissance des autres parties du corps.

    Mais cette enfance longue est-elle une spécificité d'Homo sapiensHomo sapiens ? Si on regarde du côté de la lignée humaine, les australopithèques, mais aussi Homo erectus, grandissaient plus vite que nous.

    Le saviez-vous ?

    Homo habilis est apparu vers -2,4 millions d’années, avant Homo erectus (-1,9 million d’années) ; Néandertal et Homo sapiens ont cohabité jusqu’à la disparition de l’Homme de Néandertal vers -30.000 ans.

    L'Homme moderne (Homo sapiens) et l'Homme de Néandertal dérivent d'un ancêtre commun. Or, les Néandertaliens possèdent une capacité crânienne supérieure à celle d'Homo sapiens. Certains ont suggéré que ce grand cerveau s'expliquait par une croissance rapide après la naissance. En effet, des études sur les dents adultes de NéandertalNéandertal ont montré que celles-ci grandissaient plus vite et sortaient plus tôt que les nôtres (voir article ci-dessous). Ceci suggérait que Néandertal atteignait l'âge adulte quelques années plus tôt que nous.

    Mais voici que l'étude du squelette d'un enfant néandertalien vient remettre en cause cette hypothèse. Ce squelette a été trouvé dans la grotte d'El Sidrón, dans le nord-ouest de l'Espagne, un site daté de 49.000 ans. Dans un article paru dans Science, des chercheurs espagnols présentent les résultats qu'ils ont obtenus en étudiant ces os qui leur ont permis de mieux comprendre la croissance des Néandertaliens.

    Homo sapiens ne serait pas le seul Homme à croissance lente

    Les chercheurs ont travaillé sur les dents, le crânecrâne, la colonne, l'épaule, la main, le poignet et le genou. Le squelette appartenait probablement à un garçon au vu de la robustesse de ses os. L'âge de l'enfant a été évalué en étudiant la croissance d'une molairemolaire : celui-ci avait environ 7,7 ans à son décès.

    Sa croissance a été comparée à celle d'enfants actuels : les os des membres semblaient avoir une maturation comparable. Il y avait quand même quelques différences. Tout d'abord, les vertèbres du centre de la colonne n'avaient pas encore fusionné, contrairement à celles d'enfants actuels du même âge. De plus, l'arrière du crâne de l'enfant néandertalien semblait indiquer qu'il continuait à grossir. La taille du cerveau atteignait environ 87 % de la taille de celui d'un adulte néandertalien, alors que chez les Hommes modernes, à cinq ans, le cerveau a atteint 90 % de la taille adulte.

    Cependant, il faut noter que cette étude ne porteporte que sur un squelette. Il peut être hâtif de bâtir des conclusions à partir d'un seul spécimen. D'après Sciencemag, les chercheurs espèrent confirmer leurs observations avec d'autres os d'enfants de Néandertal.


    La croissance rapide des Néandertaliens

    Article de Jean Étienne, paru le 10 décembre 2007

    Les enfants de l'Homme de Néandertal grandissaient bien plus vie que les Homo sapiens, conclut une équipe de chercheurs du Max PlanckMax Planck Institute for Evolutionary Anthropology en se basant sur l'étude de la dentition.

    Une fois de plus, cette molaire d'un enfant néandertalien fait parler d'elle. Découverte sur une mâchoire le 16 juillet 1993 dans la grotte de Scladina, en Belgique, elle date d'environ 100.000 ans et a été rejointe par 18 autres pièces du squelette crânien. De l'ADNADN avait pu en être extrait, toujours considéré comme le plus ancien ADN humain du monde. Il avait démontré que les Hommes de Néandertal ne sont pas nos ancêtres.

    L'équipe de chercheurs s'est basée sur l'examen des lignes d'évolution à la surface des dents de l'enfant de Scladina pour reconstituer l'histoire de leur formation ainsi que l'âge du sujet à sa mort. Ils ont mis en évidence des différences significatives dans la vitessevitesse de la croissance entre ce spécimen et des individus de notre propre espèce (Homo sapiens). La dentition et l'ossature crânienne du Scladina juvenile semble appartenir à un enfant de 10 à 12 ans, alors que l'examen de la dent indique un âge de 8 ans.

    Cette configuration semble indiquer un état intermédiaire entre les premiers représentants de notre genre (Homo erectus) et les humains contemporains, semblant suggérer qu'un développement exceptionnellement lent, comparé à d'autres animaux, et une longue période d'enfance soient une caractéristique récente de notre espèce.

    Image du site Futura Sciences
    Section réelle de la première couronne de la molaire (à gauche) et section virtuelle produite par scanner micro-CT (à droite). © Max Planck Institute

    Comment vivaient les Néandertaliens ?

    La vie de l'Homme de Néandertal, qui comprend aussi la synchronisation de son développement physiquephysique et de ses actes reproducteurs, a été abondamment discutée durant les dernières décennies et reste encore l'objet de nombreuses interrogations. Ainsi, au développement des dents, prenant en compte l'âge de l'émergenceémergence des molaires, sont corrélées d'autres bornes développementales telles l'âge du sevragesevrage ou de la reproduction.

    Lignes d'évolution de la molaire étudiée, à l’intérieur (lignes diagonales) et à l'extérieur (lignes incurvées horizontales). Elles indiquent un âge approximatif âgé de 8 ans à sa mort. © <em>Max Planck Institue</em>

    Lignes d'évolution de la molaire étudiée, à l’intérieur (lignes diagonales) et à l'extérieur (lignes incurvées horizontales). Elles indiquent un âge approximatif âgé de 8 ans à sa mort. © Max Planck Institue

    Les scientifiques réfutaient auparavant l'idée selon laquelle la croissance de Néandertal se serait accomplie différemment de celle des autres espèces. Mais cette nouvelle étude, basée sur l'examen tomographique de l'intérieur d'une molaire par scanner micro-CT (permettant d'obtenir des images de sections ultrafines d'un échantillon osseux), ainsi que de l'étude de l'effort développemental sur les renfortsrenforts des couronnes et des racines de dent, démontre une nette différence de rapidité de développement entre Néandertal et Homo sapiens d'âge identique.

    Cela suggère une corrélation avec d'autres aspects du développement physique, impliquant des différences significatives dans le comportement ou même l'organisation sociale de ces humains antiques.

    Cette étude est en cours de publication dans les Proceedings of the National Academy of Sciences USA (Pnas).