Le casoar est extrêmement agressif lorsqu’il est élevé en captivité. Ce serait pourtant le premier oiseau que les humains auraient choisi d’élever pour leur consommation, près de 10.000 ans avant la domestication du poulet.


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    Le casoar est souvent décrit comme l'oiseau le plus dangereux du monde. Ce volatile apparenté aux émeus et aux autruches est particulièrement agressif en captivité. En 2019, il a ainsi mortellement blessé un homme en Floride, en 1926, un adolescent de 16 ans s'est vu égorgé par les griffes de l'animal en Australie. Rien à voir, donc, avec nos paisibles volailles élevées en basse-cour. C'est pourtant cet oiseau qui aurait été le premier à être élevé par l'Homme il y a 18.000 ans, bien avant la domestication du poulet, qui date d'environ 8.000 ans.

    Le saviez-vous ?

    Avec sa taille de 1,5 mètre de long pour 50 kilogrammes, le casoar peut causer de graves blessures à l’aide de son « casque » en kératine dont il se sert pour donner des coups, mais aussi de ses griffes aussi acérées que des poignards. Il est ainsi classé par la Florida Fish and Wildlife Conservation Commission (FWC) dans la faune sauvage de classe II, soit parmi des animaux « pouvant représenter un danger pour les humains », et un permis est requis pour sa possession.

    Les premiers humains sont arrivés en Nouvelle-Guinée il y a environ 42.000 ans, où ils ont trouvé un environnement constitué de montagnes couvertes par des forêts tropicales humides, dans lesquelles vivait le casoar. Selon une étude publiée dans la revue PNAS, ils auraient alors chassé et élevé ces oiseaux pour les manger. Kristina Douglass et ses collègues ont ainsi examiné plus de 1.000 coquilles d'œufs et différents ossements de casoar retrouvés sur deux sites à l'est de l'île et datant de 17.800 ans à 6.500 ans avant J.-C.

    Des œufs prélevés à un stade avancé de développement

    Afin de déterminer le stade de développement des embryonsembryons à la date auxquels les œufs ont été récoltés, les chercheurs ont créé un modèle informatique en statistique en se fiant à des coquilles actuelles d'oiseaux vivants, dont des dindons, des émeus et des autruches, des espècesespèces proches du casoar. En analysant l'intérieur des œufs via l'imagerie 3D, ils ont pu évaluer à quoi ressemblent les œufs à différents stades de l'incubation et constaté que la majorité des coquilles d'œufs retrouvés correspondent à un âge tardif. Une partie de ces derniers ont sans doute été consommés tels quels. Aujourd'hui, les œufs fécondés à un stade avancé constituent un aliment populaire dans plusieurs pays d'Asie de l'Est et du Pacifique Sud. Connu sous le nom de « balut », le plat est généralement à base d'œufs de canard aujourd'hui, mais cette pratique indique que les premiers colons de Nouvelle-Guinée auraient également pu le consommer de cette façon.

    Œufs de casoar. © Ashley P, Flickr
    Œufs de casoar. © Ashley P, Flickr

    La chasse aux œufs de casoar, pas de tout repos

    Cependant, la majorité des coquilles d'œufs ne comportent pas de traces de brûlure, ce qui suggère qu'ils n'ont pas été consommés bouillis ou cuits, avancent les chercheurs. Selon eux, ces œufs n'auraient pas été récoltés pour être mangés directement mais pour élever des poussins casoars. « Cette supposition est étayée par le fait que la chasse au casoar et l'élevage des poussins ont été documentées ethnographiquement en Nouvelle-Guinée, et que les oiseaux et leurs plumes sont très appréciés dans le commerce et la tradition aujourd'hui, avance Kristina Douglass. Malgré le danger qu'ils représentent pour l'humain à l'âge adulte, les poussins casoars sont faciles à entretenir et à élever », poursuit-elle. Reste à savoir comment les humains ont pu récolter des œufs dans les nids sans faire face à la fureur de leurs parents, qui eux sont très dangereux. Il aurait fallu connaître l'emplacement exact des nids pour pouvoir retirer les œufs peu avant leur éclosion et sans éveiller l'attention des parents. Difficile car les oiseaux ne nichent pas à l'exact même endroit chaque année. De plus, les oiseaux mâles veillent au grain pendant au moins 50 jours durant l'incubation des œufs.

    Néanmoins, si cette hypothèse s'avère exacte, « cela modifie radicalement la chronologie et la géographie connues de la domesticationdomestication », estime dans le New York Times Megan Hicks, archéologue au Hunter College à New York et qui n'a pas participé à l'étude. « Nous avons beaucoup étudié la domestication des mammifères, mais peu d'attention a été portée aux espèces aviaires. »

     

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