Des voyageurs de l'espace importuns grouillent dans la Station spatiale internationale (ISS). Certains sont reconnus sur Terre comme des germes notoires. Or, les conditions de vie extrêmes dans l'espace pourraient jouer sur leur capacité à infecter les astronautes.


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    La Station spatiale internationale (ISS) abrite elle aussi dans ses entrailles un microbiotemicrobiote constitué d'innombrables bactériesbactéries et champignonschampignons qu'une étude de la Nasa a répertorié pour la première fois par une double analyse associant culture microbienne et séquençageséquençage de l'ADNADN. Les bactéries présentes en majorité sont les staphylocoques, dont le redoutable staphylocoque doré (Staphylococcus aureusStaphylococcus aureus), et les entérobactériesentérobactéries, que l'on retrouve couramment sur et à l'intérieur du corps humain, respectivement dans les voies respiratoires et sur la peau pour les premiers, et dans les intestins pour les seconds. Rhodotorula mucilaginosa, une espèceespèce pathogènepathogène, domine du côté des champignons.

    La communauté de micro-organismesmicro-organismes de l'ISS ressemble fortement à celle vivant dans des environnements clos soumis à une occupation humaine, sur Terre, tels que les salles de sport, les immeubles de bureaux et les hôpitaux. Ils étaient plus abondants sur les lieux les plus visités par les astronautes, tels que les espaces de repos, la table à manger ou encore les toilettes, d'après l'étude, dirigée par des chercheurs au Jet Propulsion Laboratory (JPL), et parue dans le journal Microbiome.

    De potentiels agents infectieux et corrosifs

    Entre mars 2015 et mai 2016, des micro-organismes ont été prélevés à trois reprises par des astronautes de la Nasa, Terry Virts et Jeffrey Williams, sur diverses surfaces dans huit endroits répartis dans le segment américain de l'ISS. En faisaient partie la coupole d'observation, les toilettes, l'appareil de musculation, la table à manger, les quartiers des astronautes et un espace de rangement. Les prélèvements ont été renvoyés sur Terre pour être étudiés.

    Photographies des huit sites au sein de la partie américaine de l'ISS où des échantillons ont été prélevés à l'aide de lingettes stériles par deux astronautes de la Nasa, en mars 2015, mai 2015 et mai 2016 : la cupola ou coupole d'observation (1), les toilettes (2), l'appareil de musculation (3), la table à manger (4), un espace de rangement (5), l'intérieur d'un module de stockage (6), un panneau près du distributeur d'eau (7), les quartiers des astronautes (8). © Aleksandra Checinska Sielaff <em>et al.</em>, <em>Microbiome</em>, 2019
    Photographies des huit sites au sein de la partie américaine de l'ISS où des échantillons ont été prélevés à l'aide de lingettes stériles par deux astronautes de la Nasa, en mars 2015, mai 2015 et mai 2016 : la cupola ou coupole d'observation (1), les toilettes (2), l'appareil de musculation (3), la table à manger (4), un espace de rangement (5), l'intérieur d'un module de stockage (6), un panneau près du distributeur d'eau (7), les quartiers des astronautes (8). © Aleksandra Checinska Sielaff et al., Microbiome, 2019

    Il ressort de l'analyse des cultures microbiennes que la population de bactéries est majoritairement composée de staphylocoques (26 %), de bactéries du genre Pantoea (23 %) et de bacillesbacilles (11 %). Des bactéries pathogènes reconnues sont particulièrement bien représentées, telles que le staphylocoque doré (11 %) et Pantoea conspicua (9 %). Dans les résultats de l'autre méthode d'analyse, basée sur l'amplification et le séquençage de l'ADN, les entérobactéries prédominent (plus de 50 %), suivies des bactéries du genre Methylobacterium (13 %) et des staphylocoques (10%).

    Voir aussi

    Une bactérie découverte dans l'espace sur l'ISS

    Parmi les champignons mis en culture, les deux espèces les plus abondantes sont Rhodotorula mucilaginosa (41 %), responsable d'infections chez l'Homme, et le fameux PenicilliumPenicillium chrysogenum (15 %) à l'origine de la découverte de la pénicillinepénicilline. D'après les chercheurs, les risques que des bactéries et des champignons pathogènes infectent des astronautes de l'ISS « dépendent de l'état de santé de chaque individu et de la façon dont les organismes fonctionnent dans l'environnement spatial ».

    En plus des agents infectieux potentiels, des bactéries et des champignons identifiés sur l'ISS dans cette étude pourraient dégrader les matériaux, par corrosioncorrosion microbienne, en formant des biofilms, c'est-à-dire qu'ils sécrètent une matièrematière leur permettant d'adhérer ensemble et aux surfaces. Les chercheurs pointent notamment du doigt des bactéries du genre Methylobacterium, du genre Sphingomonas et les bacilles (Bacillus), ainsi que des champignons du genre Penicillium et Aspergillus.

    Un environnement extrême sous influence humaine

    En réalisant leur étude sur huit sites différents et sur 14 mois, correspondant à trois missions, les chercheurs ont pu avoir un aperçu de l'évolution spatiale et temporelle du microbiote de l'ISS. Aucun changement significatif n'a été détecté pour les champignons. En revanche, la diversité des bactéries était plus riche durant la deuxième mission sur l'ensemble des surfaces échantillonnées, probablement parce que l'équipage des astronautes a changé au cours de l'étude.

    Le saviez-vous ?

    Entre le début de sa construction (1998) et août 2017, l'ISS a accueilli un total de 222 astronautes.

    Des micro-organismes débarquent au fil du temps sur l'ISS, transportés par les astronautes ou cachés dans les cargaisons. La micropesanteur, le manque de ventilationventilation et le rayonnement cosmique sont autant de facteurs susceptibles de les pousser à développer des résistances et d'influencer leur virulence. Sans tirer la sonnettesonnette d'alarme, cette étude souligne la nécessité d'évaluer la menace que peuvent représenter les microbes pour la santé et la sécurité des astronautes afin de mettre en place des mesures de protection adéquates. Cela vaut non seulement pour les missions à bord de l'ISS, pour de futurs voyages vers la LuneLune ou interplanétaire, mais aussi pour d'autres espaces clos sensibles sur Terre, tels que les milieux hospitaliers, précisent les chercheurs.


    ISS : plus de 10.000 espèces vivent à bord de la Station spatiale

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman, publié le 08/12/2017

    L'être humain n'est pas la seule espèce à bord de la Station spatiale. L'analyse de plusieurs échantillons ont révélé la présence de plusieurs milliers d'espèces de bactéries que l'on a l'habitude de côtoyer dans nos maisons. Les chercheurs sont plutôt surpris.

    Vous pensiez que l'être humain est la seule espèce à bord de la Station spatiale internationale (ISS) ? Loin s'en faut : une étude montre qu'il y aurait « 12.554 espèces microbiennes différentes » qui ont colonisé le laboratoire orbital, en plus de celles sciemment embarquées aux fins d'études. Les chercheurs sont surpris car les populations de bactéries identifiées sont davantage similaires à celles qui vivent à l'intérieur de nos maisons que dans nos corps...

    Surprenant, en effet, puisque tout ce qui arrive à bord de cette « maison » bâtie dans l'espace est stérilisé... Pour les bactéries, l'unique moyen d'y pénétrer consiste à embarquer sur ses visiteurs humains (plus de 200 depuis les premiers occupants en 2000). Les chercheurs s'attendaient donc à ce que la population des microbes vivant à l'intérieur de la Station spatiale reflète celle du microbiome des passagers. Pas du tout.


    Soirée pizza pour tout l'équipage, début décembre 2017, à bord de la Station spatiale. © Nasa

    Faut-il s’inquiéter de cette prolifération de bactéries ?

    Les recherches reposent sur des échantillons prélevés en 2014 dans 15 endroits et objets différents à l'intérieur de la Station spatiale qui ressemblent le plus possible à ceux de nos intérieurs (microphones, ordinateursordinateurs, portesportes, chaussures, etc.), même si les comparaisons sont nécessairement « imparfaites », selon les chercheurs eux-mêmes dans la revue PeerJ puisque la poussière ne s'accumule pas aux mêmes endroits en absence de pesanteur. Ils ont pour comparer utiliser les données du Wildlife of Our Homes, qui a soigneusement enquêté sur les micro-organismes de nos intérieurs. Pour chercher des similitudes avec les bactéries intestinales, l'étude a utilisé les résultats du Human MicrobiomeMicrobiome Project.

    Une vue de la Station spatiale. © Nasa
    Une vue de la Station spatiale. © Nasa

    Pour la petite histoire, les prélèvements dans l'ISS, pour le compte de l'université UC Davis, ont été réalisés en contrepartie d'une expérience de science citoyenne, Merccuri pour Microbial Ecology Research Combining Citizen and University Researchers on ISS, dans laquelle sont impliqués des scientifiques et ingénieurs par ailleurs supporters de la NFL et de la NBA. Il s'agissait d'emporter dans la Station spatiale des prélèvements effectués dans plusieurs stades, des gradins aux terrains, pour voir comment ces bactéries supporteraient le voyage... La vie d'une communauté microbienne est bien sûr un élément important à connaître pour de longs séjours d'humains dans l'espace, à l'heure où on se prépare à voyager vers la Lune, Mars et au-delà...

    « Bien que différant significativement des maisons sur Terre et des échantillons du Human Microbiome Project, la composition de la communauté microbienne sur l'ISS était plus similaire aux surfaces domestiques qu'aux échantillons de microbiome humain », ont écrit les auteurs dans leur étude qui vient de paraître dans la revue PeerJ.

    Voir aussi

    Une bactérie découverte dans l'espace sur l'ISS

    Les chercheurs ont trouvé que ces surfaces d'ISS sont, chacun, « riches de 1.036 à 4.294 unités taxonomiques opérationnelles (OTU) par échantillon », des espèces connues sur Terre. Alors, faut-il s'inquiéter de cette prolifération bactérienne ? Pour l'un des auteurs, David Coil, pas du tout. C'est plutôt une bonne nouvelle : « la diversité est généralement associée à un écosystèmeécosystème sain », a-t-il déclaré, ajoutant que c'est plutôt la signature d'un vaisseau en bonne santé.