Le prix Nobel de physique Adam Riess a continué son travail avec les supernovae et les étoiles variables appelées des Céphéides pour percer l'énigme de ce que l'on appelle depuis quelques années la tension de Hubble, un désaccord entre deux méthodes permettant de mesurer l'expansion du cosmos observable. Riess et ses collègues ont encore mobilisé pour cela le télescope spatial James-Webb pour tenter de confirmer ou non les observations faites depuis des décennies avec Hubble. La tension persiste et pourrait donc bien impliquer que les cosmologistes doivent revoir leur copie avec l'Univers.


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    Un communiqué de l'ESA fait état d'une publication le mois dernier d'un article dans la célèbre revue The Astrophysical Journal Letters que l'on peut trouver aussi en accès libre sur arXiv. Il est question d'observations menées grâce au télescope James-Webb par une équipe de chercheurs comptant parmi ses membres Adam Riess, astrophysicienastrophysicien à l'université Johns-Hopkins de Baltimore et qui est un des lauréats du prix Nobel de physique attribué aux découvreurs de l’accélération de l’expansion du cosmos observable depuis quelques milliards d'années.

    Ce qui attire tout de suite l'attention, c'est la déclaration d'Adam Riess au sujet des conclusions à tirer de son travail avec ses collègues : « Une fois les erreurs de mesure annulées, ce qui reste est la possibilité réelle et passionnante que nous ayons mal compris l'Univers. ».

    L'enjeu est d'importance car derrière cette déclaration se cache la nature de ce qui accélère l'expansion de l'Univers observable, que l'on pense être une énergie noire faisant intervenir plusieurs types de nouvelles physiques possibles mais aussi le destin du cosmos qui dépend justement de la nature précise de l’énergie noire.

    La tension de Hubble et l'échelle des distances cosmiques

    Adam Riess a continué à explorer une voie de recherche à ce sujet, dont Futura avait déjà parlé dans l'article ci-dessous auquel nous renvoyons pour plus de détails, et cela dans le cadre du fameux problème de ce qui est appelé la tension de HubbleHubble.

    La loi de Hubble-Lemaître permet de relier la distance d'une galaxiegalaxie à son décalage spectral en faisant intervenir une constante dite de Hubble-Lemaître. Cette constante, un paramètre fondamental du modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard peut s'évaluer en mesurant précisément les caractéristiques du rayonnement fossilerayonnement fossile, ce qui a été fait avec la mission PlanckPlanck. Les « Planckiens », comme on les appelle et dont la regrettée Cécile Renault faisait partie, ont analysé les mesures de Planck avec grand soin, tenant compte de plusieurs sources d'erreurs possibles.

    De son côté, Riess et ses collègues avaient fait de même en utilisant le télescope Hubble pour étudier les explosions de supernovaesupernovae SNSN Ia dans des galaxies de plus en plus lointaines et trouvaient une valeur différente pour la constante de Hubbleconstante de Hubble. Le fossé n'a fait que s'agrandir au cours des années, de sorte que c'est une énigme très sérieuse qui ébranle peut-être les fondations de la cosmologiecosmologie standard.

    Il peut s'agir aussi d'une erreur dans ce que l'on appelle l'échelle des distances cosmiques.


    Une présentation simple des méthodes combinées pour mesurer les distances dans l'Univers, de celle de la parallaxe à celle de Hubble pour les supernovae SN Ia. © Unisciel

    En gros, on commence par mesurer des distances d'étoilesétoiles proches du SoleilSoleil dans la Voie lactéeVoie lactée en utilisant la méthode de la parallaxeparallaxe, notamment en recherchant des étoiles variablesétoiles variables que l'on appelle des Céphéides. Connaissant leur distance et leur luminositéluminosité apparente on peut en déduire leur luminosité absolue et découvrir que celle-ci est liée à la période de variation de sa luminosité. En découvrant des Céphéides dans des galaxies proches, on peut donc en déduire en mesurant leur périodicité et leur luminosité apparente la distance des galaxies.

    Comme pour les mesures de parallaxe, la méthode à des limites quand on cherche à faire des observations plus lointaines. Heureusement, on peut utiliser les explosions de supernovae SN Ia dont on pense que la luminosité absolue est presque toujours la même et qui sont bien visibles à des milliards d'années-lumièreannées-lumière. Il suffit d'établir une loi entre la luminosité apparente des supernovae et leurs distances dans des galaxies proches où on peut étudier des Céphéides pour cela.

    Malheureusement, les erreurs de chaque méthode peuvent s'ajouter et pour mesurer la constante de Hubble-Lemaître avec une grande précision il faut en faire de même avec chaque partie de l'échelle des distances. Le maillon faible était peut-être les mesures des Céphéides qui sont soumises à trois problèmes.

    Cette image de NGC 5468, une galaxie située à environ 130 millions d'années-lumière de la Voie lactée, combine les données des télescopes spatiaux Hubble et James-Webb. Il s’agit de la galaxie la plus éloignée dans laquelle Hubble a identifié des étoiles variables Céphéides. Ce sont des jalons importants pour mesurer le taux d’expansion de l’Univers. La distance calculée à partir des Céphéides a été corrélée avec une supernova de type Ia dans la galaxie. Les supernovae de type Ia sont si brillantes qu’elles sont utilisées pour mesurer des distances cosmiques bien au-delà de la portée des Céphéides, étendant ainsi les mesures du taux d’expansion de l’Univers plus profondément dans l’espace. © Nasa, ESA, CSA, STScI, A. Riess (JHU/STScI)
    Cette image de NGC 5468, une galaxie située à environ 130 millions d'années-lumière de la Voie lactée, combine les données des télescopes spatiaux Hubble et James-Webb. Il s’agit de la galaxie la plus éloignée dans laquelle Hubble a identifié des étoiles variables Céphéides. Ce sont des jalons importants pour mesurer le taux d’expansion de l’Univers. La distance calculée à partir des Céphéides a été corrélée avec une supernova de type Ia dans la galaxie. Les supernovae de type Ia sont si brillantes qu’elles sont utilisées pour mesurer des distances cosmiques bien au-delà de la portée des Céphéides, étendant ainsi les mesures du taux d’expansion de l’Univers plus profondément dans l’espace. © Nasa, ESA, CSA, STScI, A. Riess (JHU/STScI)

    Les Céphéides et le James-Webb

    Le premier problème, c'est que plus elles sont loin, moins elles sont lumineuses et plus il est difficile de les distinguer des étoiles qui en sont proches sur la voûte céleste.

    Le deuxième, c'est qu'il y a de la poussière dans les galaxies et qu'elle absorbe une partie de la lumière visible quand on fait des observations avec le télescope Hubble.

    Enfin, Hubble lui-même peut avoir un biais systématique comme on dit, c'est-à-dire un instrument mal réglé sans qu'on le sache ou qui ne fonctionne pas dans l'espace selon ce que l'on croyait connaître de l'instrument dans les laboratoires sur Terre.

    Adam Riess et ses collègues avaient donc entrepris de refaire les mesures de Hubble concernant des supernovae en utilisant le télescope James-Webb comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous. Il est fabriqué différemment de Hubble, n'a donc pas les mêmes biais systématiques potentiels, observe dans l'infrarougeinfrarouge, donc en étant moins perturbé par la poussière, et enfin possède une résolutionrésolution supérieure, ce qui permet de limiter la contaminationcontamination provenant de la lumière d'une étoile proche sur la voûte céleste puisqu'on peut distinguer plus facilement que l'on voit en fait deux étoiles.

    Au centre de ces images côte à côte se trouve une classe spéciale d’étoiles utilisée comme repère pour mesurer le taux d’expansion de l’Univers – une étoile variable Céphéide. Les deux images sont très pixelisées car chacune est une vue très zoomée d'une galaxie lointaine. Chacun des pixels représente une ou plusieurs étoiles. L'image du télescope spatial James-Webb est nettement plus nette dans les longueurs d'onde du proche infrarouge que celle de Hubble (qui est principalement un télescope observant dans les bandes de la lumière ultraviolette et visible). Grâce à la vision plus nette de Webb, la Céphéide se démarque plus clairement, éliminant toute confusion potentielle. Webb a été utilisé pour examiner un échantillon de Céphéides et a confirmé l’exactitude des observations précédentes de Hubble, fondamentales pour mesurer avec précision le taux d’expansion et l’âge de l’Univers. © Nasa, ESA, CSA, STScI, A. Riess (JHU/STScI)
    Au centre de ces images côte à côte se trouve une classe spéciale d’étoiles utilisée comme repère pour mesurer le taux d’expansion de l’Univers – une étoile variable Céphéide. Les deux images sont très pixelisées car chacune est une vue très zoomée d'une galaxie lointaine. Chacun des pixels représente une ou plusieurs étoiles. L'image du télescope spatial James-Webb est nettement plus nette dans les longueurs d'onde du proche infrarouge que celle de Hubble (qui est principalement un télescope observant dans les bandes de la lumière ultraviolette et visible). Grâce à la vision plus nette de Webb, la Céphéide se démarque plus clairement, éliminant toute confusion potentielle. Webb a été utilisé pour examiner un échantillon de Céphéides et a confirmé l’exactitude des observations précédentes de Hubble, fondamentales pour mesurer avec précision le taux d’expansion et l’âge de l’Univers. © Nasa, ESA, CSA, STScI, A. Riess (JHU/STScI)

    L'équipe Shoes (Supernova H0 for the Equation of State of Dark Energy), dirigée par Riess, a donc obtenu des observations supplémentaires avec Webb par la suite, au point que Riess déclare maintenant : « Nous avons désormais couvert toute la gamme de ce que Hubble a observé, et nous pouvons exclure une erreur de mesure comme cause de la tension de Hubble avec une très grande confiance. La combinaison de Webb et Hubble nous offre le meilleur des deux mondes. Nous constatons que les mesures de Hubble restent fiables à mesure que nous montons plus loin sur l'échelle des distances cosmiques. ».


    Le James-Webb confirme l'énigmatique tension entre les mesures de la vitesse d'expansion de l'Univers

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco, publié le 14/09/2023

    La constante de Hubble-Lemaître, H0, est tout à la fois une mesure de la vitessevitesse d'expansion de l'Univers observable et une indication de son âge. Depuis 10 ans, l'écart se creuse entre ces mesures obtenues par deux méthodes. L'étude du rayonnement fossile donne H0 = 67.4 ± 0.5 km s−1 Mpc−1 et les supernovae H0 = 73.0 ± 1.0 km s−1 Mpc−1. Le télescope James-Webb vient de confirmer plus solidement la tension entre les mesures qui sans remettre en cause le Big BangBig Bang pourrait indiquer l'existence d'une nouvelle physique.

    On parle depuis quelques années d'une tension dans deux méthodes de détermination de la fameuse loi de Hubble-Lemaître (HL), il s'agit bien d'une tension et pas d'une crise de la cosmologie pour autant que l'on puisse en juger. Le plus probable est que cela se terminera comme dans l'affaire des neutrinos qui semblaient dépasser la vitesse de la lumière, c'est-à-dire par la mise en évidence d'une source d'erreur ayant résisté pendant un temps à la sagacité et la rigueur des chercheurs. On ne peut pas exclure totalement non plus qu'elle soit le signe qu'il va falloir introduire des éléments d'une nouvelle physique. Mais de quoi s'agit-il ?

    La loi de Hubbleloi de Hubble-Lemaître relie la distance des étoiles d'une galaxie à la Voie lactée au décalage spectral de la lumière émise par ses étoiles et mesuré finalement aujourd'hui après un voyage dans l'espace de parfois des milliards d'années. On peut l'établir en déterminant selon une méthode la distance de ces étoiles et en mesurant le décalage. Il existe en fait toute une série de méthodes s'appuyant les unes sur les autres pour étalonner la loi de HL dans le cadre de ce que l'on appelle l'échelle des distances cosmiques.

    Dans le cadre d'un modèle relativiste cosmologique donné, donc avec une géométrie/topologie d'espace-tempsespace-temps particulière (un espace sphérique ou torique par exemple) et un contenu qui l'est tout autant (avec ou sans matière noirematière noire par exemple), il est possible de déduire non seulement la loi de HL mais aussi une loi plus générale associée aux variations dans le temps de la vitesse d'expansion de l'espace depuis le Big Bang ou presque.


    En cosmologie, on parle de l'échelle des distances cosmiques pour désigner un ensemble de méthodes qui prennent appui les unes sur les autres pour déterminer de proche en proche les distances des astres dans le cosmos observable. Tout commence avec des mesures de parallaxe dans le Système solaire, c'est-à-dire des angles que fait une étoile proche sur la voûte céleste à deux périodes de l'année. La géométrie du triangle permet alors de déduire une distance si les angles sont assez grands pour être mesurables. © Hubble, ESA

    Des valeurs divergentes pour la constante de Hubble-Lemaître

    Les analyses des caractéristiques du rayonnement fossile mesurées par le satellite Plancksatellite Planck et qui sont très poussées aident à déterminer dans quel modèle nous vivons et que valait la constante de HL environ 380 000 ans après le Big Bang. Le modèle permet alors de calculer la valeur que l'on devrait mesurer aujourd'hui en étudiant des galaxies relativement proches.

    On peut faire la même chose en étudiant les supernovae de type SN Ia. Ce sont des explosions de naines blanchesnaines blanches dont la luminosité ne doit pas beaucoup varier. Comme ces explosions sont très lumineuses, elles permettent de sonder des distances sur plusieurs milliards d'années, étant attendu que plus une « chandelle standardchandelle standard » est loin moins elle est brillante, ce qui permet de déterminer une distance en comparant luminosité apparente et luminosité absolue. En mesurant un décalage spectral, on en déduit ensuite la valeur de la constante de HL.

    C'est à ce jeu qu'a notamment joué le prix Nobel de physique Adam Riess avec ses collègues comme Saul Perlmutter. Mais au cours de ces dernières années, en réduisant les barres d'erreurs, l'écart entre la détermination de la constante de HL au moyen du rayonnement fossile et au moyen des supernovae s'est accentué. Les deux valeurs divergent et on ne sait toujours pas vraiment pourquoi.

    Futura avait déjà consacré un long article à la désormais célèbre tension associée à la loi de HL à l’occasion des 20 ans de Futura et pour un édito de Françoise Combes.

    Une façon d'y voir plus clair et de tenter de rendre encore plus rigoureuses les méthodes qui permettent de déterminer avec les supernovae la valeur de la constante de Hubble-Lemaître. C’est ce que Adam Reiss avait tenté de faire en utilisant le télescope Hubble et ses observations concernant de célèbres étoiles variables que l’on appelle des céphéides.

    Adam Riess et ses collègues ont appliqué à nouveau cette stratégie mais en utilisant cette fois-ci le regard plus puissant et notamment dans l'infrarouge proche du télescope James-Webb, comme l'explique un communiqué de la NasaNasa et comme l'atteste un article dans The Astrophysical Journal que l'on peut lire en accès libre sur arXiv.

    Les observations du James-Webb confirment en les affinant celles de Hubble et la conclusion immédiate est que le conflit avec les mesures du rayonnement fossile en sort une fois de plus renforcé.

    Dans le communiqué de la Nasa, Reiss explique que pour lui, en ce qui concerne ces nouveaux résultats : « Cela peut indiquer la présence d'une énergie noire exotique, d'une matière noire exotiqueexotique, une révision de notre compréhension de la gravitégravité ou la manifestation d'une théorie unifiée des particules et des champs. L'explication la plus banale serait celle de multiples erreurs de mesure conspirant dans la même direction (les astronomesastronomes ont exclu une seule erreur en utilisant des méthodes indépendantes), c'est pourquoi il est si important de refaire les mesures avec une plus grande précision. Avec Webb confirmant les mesures de Hubble, ses mesures fournissent la preuve la plus solidesolide à ce jour que les erreurs systématiques dans la photométrie des céphéides de Hubble ne jouent pas un rôle significatif dans la tension actuelle. En conséquence, les possibilités les plus intéressantes restent sur la table et le mystère est devenu plus profond. »

    Les observations combinées de la NIRCam <em>(Near-Infrared Camera)</em> de la Nasa et de la WFC3 <em>(Wide Field Camera 3)</em> de Hubble montrent la galaxie spirale NGC 5584, qui réside à 72 millions d’années-lumière de la Terre. Parmi les étoiles brillantes de NGC 5584 se trouvent des étoiles pulsantes appelées variables céphéides. Les astronomes utilisent les variables céphéides comme marqueurs de distance fiables pour mesurer le taux d’expansion de l’Univers. © Nasa, ESA, CSA et A. Riess (STScI)
    Les observations combinées de la NIRCam (Near-Infrared Camera) de la Nasa et de la WFC3 (Wide Field Camera 3) de Hubble montrent la galaxie spirale NGC 5584, qui réside à 72 millions d’années-lumière de la Terre. Parmi les étoiles brillantes de NGC 5584 se trouvent des étoiles pulsantes appelées variables céphéides. Les astronomes utilisent les variables céphéides comme marqueurs de distance fiables pour mesurer le taux d’expansion de l’Univers. © Nasa, ESA, CSA et A. Riess (STScI)

    Les céphéides, une clé de l'échelle des distances cosmiques

    Toujours dans le communiqué de la Nasa, Adam Reiss donne plus de détails sur ce qui a été fait. Il commence par rappeler que les céphéides sont des étoiles variables dont on s'est aperçu dans la Voie lactée, grâce à des mesures de distance par la méthode de la parallaxe, qu'elles possédaient une relation entre la période de variation de leur luminosité et leur luminosité intrinsèque. On pouvait donc s'en servir là aussi comme chandelles standards pour déterminer des distances aux galaxies les plus proches, distances qui une fois connues permettent d'étalonner les estimations des distances des supernovae SN Ia, et finalement d'étalonner la loi de Hubble non plus sur des distances de quelques millions mais de plusieurs milliards d'années-lumière.

    Le premier problème concernant les supergéantes rougessupergéantes rouges que sont les céphéides et qu'au-delà d'une centaine de millions d'années-lumière leur visibilité apparente est particulièrement faible - il faut des instruments avec un fort pouvoir de résolution pour les trouver. De plus, la poussière et la matière s'intercalantintercalant entre ces étoiles et les observateurs terrestres rendent leur luminosité apparente plus basse qu'elle ne l'est en réalité.

    Ces problèmes que rencontrait déjà le télescope Hubble, le James-Webb y est moins sujet ayant un pouvoir de résolution supérieur et surtout, étant donné que les nuagesnuages poussiéreux sont partiellement transparentstransparents dans le domaine de l'infrarouge accessible avec le JWSTJWST, le biais concernant la luminosité apparente des céphéides est plus faible avec le James-Webb qu'avec Hubble.

    Reiss et ses collègues se sont donc concentrés sur un étalonnage plus précis de la relation luminosité/distance des céphéides en étudiant 320 d'entre elles dans la galaxie NGC 4258NGC 4258. Ce qui alors permit d'étalonner de façon plus précise des SN Ia dans des galaxies proches avec des céphéides.

    Ce diagramme illustre la puissance combinée des télescopes spatiaux Hubble et Webb de la Nasa pour déterminer des distances précises jusqu'à une classe spéciale d'étoiles variables utilisée pour calibrer le taux d'expansion de l'Univers. Ces étoiles variables céphéides sont visibles dans des champs d'étoiles bondés. La contamination lumineuse des étoiles environnantes peut rendre la mesure de la luminosité d'une céphéide moins précise. La vision infrarouge plus nette de Webb permet d’isoler plus clairement une cible céphéides des étoiles environnantes, comme le montre le côté droit du diagramme. Les données Webb confirment l’exactitude de 30 années d’observations des céphéides par Hubble, qui ont été essentielles à l’établissement de l’échelon inférieur de l’échelle des distances cosmiques pour mesurer le taux d’expansion de l’Univers. À gauche, NGC 5584 est visible dans une image composite de la NIRCam <em>(Near-Infrared Camera)</em> de Webb et de la <em>Wide Field Camera 3</em> de Hubble. © Nasa, ESA, A. Riess (STScI), W. Yuan (STScI)
    Ce diagramme illustre la puissance combinée des télescopes spatiaux Hubble et Webb de la Nasa pour déterminer des distances précises jusqu'à une classe spéciale d'étoiles variables utilisée pour calibrer le taux d'expansion de l'Univers. Ces étoiles variables céphéides sont visibles dans des champs d'étoiles bondés. La contamination lumineuse des étoiles environnantes peut rendre la mesure de la luminosité d'une céphéide moins précise. La vision infrarouge plus nette de Webb permet d’isoler plus clairement une cible céphéides des étoiles environnantes, comme le montre le côté droit du diagramme. Les données Webb confirment l’exactitude de 30 années d’observations des céphéides par Hubble, qui ont été essentielles à l’établissement de l’échelon inférieur de l’échelle des distances cosmiques pour mesurer le taux d’expansion de l’Univers. À gauche, NGC 5584 est visible dans une image composite de la NIRCam (Near-Infrared Camera) de Webb et de la Wide Field Camera 3 de Hubble. © Nasa, ESA, A. Riess (STScI), W. Yuan (STScI)

    Le saviez-vous ?

    Au début du siècle dernier, malgré les arguments visionnaires de Wright et Kant, la majorité des astronomes pensaient que les galaxies n’étaient que des objets particuliers à l’intérieur de notre propre Voie lactée. Tout devait changer grâce à la découverte en 1912 par Henrietta Leavitt d’une relation mathématique précise liant la luminosité d’étoiles variables particulières, des céphéides, à leur période de pulsation, des astres qu'elle avait repérés dans les deux Nuages de Magellan.

    On sait aujourd’hui que les céphéides sont des étoiles géantes de classe I en train de faire fusionner leur cœur d’hélium en carbone. L’étoile elle-même est donc enrichie en hélium. Or, la température de l’étoile augmentant, l’hélium de ses couches supérieures s'ionise, ce qui augmente l’opacité de l’étoile. La pression de radiation devenant plus forte, elle peut contrecarrer les forces de gravitation et l’étoile se dilate, devenant ainsi plus brillante puisque sa surface augmente. Ce faisant, sa température diminue et les ions d’hélium finissent par capturer des électrons. L’opacité de l’hélium neutre baissant, la pression de radiation chute et la gravité de l’étoile la fait se contracter. Sa surface et donc aussi sa luminosité diminuent et l’étoile se retrouve au début d’un nouveau cycle de pulsation.

    Quatre à quinze fois plus massives que le Soleil, les céphéides sont particulièrement brillantes, de 100 à 300 000 fois plus que notre étoile. La relation trouvée par Henrietta Leavitt donne un moyen puissant de déterminer les distances des galaxies possédant des céphéides. En effet, la relation précise liant luminosité et période de pulsation donne une estimation de la magnitude absolue de ces étoiles. Par conséquent, en comparant leur magnitude apparente avec celle, absolue, obtenue par la relation de Leavitt, on peut estimer la distance à laquelle se trouve l’étoile. C’est le même principe qui permet de connaître la distance d’une bougie en fonction de sa luminosité, elle sera d’autant plus faible que la bougie se trouve loin.

    En utilisant la relation de Henrietta Leavitt, Hubble démontra en 1923 que la galaxie d’Andromède était située à plus d'un million d’années-lumière (on estime aujourd'hui cette distance à au moins 2,4 millions d'a.-l.). Étant donné sa taille apparente, elle devait en plus être d’une taille comparable à celle de la Voie lactée. Le royaume des galaxies et des Univers-îles de Kant-Wright s’imposait désormais à l’Humanité.

    La relation de Henrietta Leavitt est calibrée d’après les distances des céphéides déterminées par des moyens comme la parallaxe et n’est donc pas exempte d’erreurs. Elle sert à son tour à calibrer la loi de Hubble au prix d'incertitudes. Pour les astronomes, il existe ainsi une gamme de distances que l'on peut déterminer par une succession d'outils opérant à des échelles de plus en plus grandes. Les erreurs se propageant, l’estimation des distances devient de moins en moins précise à mesure que l’on plonge dans les profondeurs de l’Univers observable. En particulier, au-delà de cent millions d’années-lumière, les céphéides deviennent trop peu lumineuses pour être facilement utilisables. Leur luminosité se noie dans celle des galaxies observées.