C’est officiel, les quatre détecteurs enfouis sous le Gran Sasso, dont celui de la fameuse expérience Opera, ont rendu leur verdict. Les neutrinos muoniques ne violent pas la théorie de la relativité en allant plus vite que la lumière. Les résultats précédents d’Opera qui semblaient donner tort à Einstein sont dus au branchement défectueux d’un câble de synchronisation optique des horloges de précision employées.

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    Wolfgang Pauli, un des grands maîtres de la relativité et de la mécanique quantique, et le découvreur du neutrino. © Cern

    Wolfgang Pauli, un des grands maîtres de la relativité et de la mécanique quantique, et le découvreur du neutrino. © Cern

    On se souvient de la bombe médiatique qui avait explosée en septembre 2011 lorsque des membres de la collaboration Opera avaient annoncé leur perplexité devant la mesure du temps de vol de neutrinos muoniques entre le Cern et le détecteur enfoui sous le Gran Sasso. Malgré tous leurs efforts, ils n'étaient pas parvenus à trouver une erreur dans leur chaîne de mesure qui aurait pu expliquer pourquoi ces neutrinos semblaient avoir parcouru les quelque 730 km séparant les deux laboratoires en dépassant la vitesse de la lumière. Bien conscients des multiples contraintes issues des tests portant sur la relativité restreinte et la physique des neutrinos, les chercheurs s'abstenaient avec prudence de toute interprétation théorique des résultats qui en feraient des signes d'une nouvelle physique au-delà du modèle standard.

    Il semblait en effet bien peu probable que les mesures effectuées ne soient autre chose que le produit d'une erreur systématique quelconque. Il existe pourtant des théories spéculatives laissant entendre que l'on peut parfois défier Einstein et le murmur de la lumière. Ainsi, tout en ne prenant pas vraiment au sérieux ce résultat, on ne pouvait s'empêcher de rester ouvert et de se poser la question : « Et si l'expérience Opera était l'équivalente de celle de Michelson et Morley ? ».

    Toutefois, on n'allait pas tarder à apprendre d'une part que les expériences IceCube et Icarus n'étaient pas compatibles avec les mesures d'Opera et d'autre part que des doutes sérieux portaient sur le branchement d'un câble de synchronisation optique des horloges de précision employées pour mesurer le temps de vol. Après le redémarrage du LHC en début d'année, il était prévu que de nouvelles mesures soient effectuées avec Opera en mai.

    La mythique photo d'Einstein tirant la langue. © Arthur Sasse

    La mythique photo d'Einstein tirant la langue. © Arthur Sasse

    Aujourd'hui à Kyoto, à l'occasion de la 25e Conférence internationale sur la physique du neutrino et l'astrophysiqueastrophysique, la collaboration Opera et celles de Borexino, Icarus et LVD, toute les quatre voisines sous le Gran Sasso, ont annoncé par l'intermédiaire de Sergio Bertolucci avoir mesuré de manière cohérente une vitesse des neutrinos compatible avec celle de la lumière. Il s'agissait bien d'un problème de branchement défectueux d'un câble. EinsteinEinstein triomphe !

    Neutrinos transluminiques : une erreur et non une faute

    Mais que penser au final de toute cette histoire ? Sans aucun doute la même chose que Jacques Martino, directeur de l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS lorsqu'il a déclaré dans un communiqué du CNRS : « On ne peut que se réjouir de la résolutionrésolution rapide de l'énigme posée par une vitesse des neutrinos semblant dépasser celle de la lumière. Comme cela a été noté dans la presse française et étrangère, ainsi que le magazine Nature, cette démarche critique constitue un bel exemple du fonctionnement de la science et du doute scientifique. La science et les chercheurs acceptent le questionnement de principes, même et surtout les plus fondamentaux, et se basent avant tout sur l'expérience et l'examen par les pairs afin de faire progresser notre connaissance des lois de la nature.

    Il me semble important d'apporter notre soutien et notre confiance aux chercheurs d'Opera et en particulier aux chercheurs français qui ont joué un rôle important dans cette mesure, pour l'attitude de rigueur scientifique qu'ils ont toujours suivie dans cette analyse. Si in fine nous avons affaire à une erreur expérimentale, il est impossible de parler de faute. L'annonce par Opera de nouveaux résultats sur l'oscillation des neutrinos, but scientifique principal d'Opera, montre que ce soutien et cette confiance sont mérités ».