Sans le réchauffement climatique, l’ouest des États-Unis et du Canada aurait-il connu une vague de chaleur ? Vraisemblablement, reconnaissent les scientifiques. Mais elle aurait été sans commune mesure avec celle qui sévit actuellement sur la région.


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    Plus de 46 °C à Portland (États-Unis).

    Et même 49,6 °C à Lytton (Canada).

    Le 23 juin dernier, les services météométéo avaient annoncé une « vague de chaleur historique et dangereuse ». Et depuis quelques jours en effet, dans le nord-ouest du Pacifique, le mercuremercure s'affole. Imaginez : à Portland comme à Lytton, les normales du mois de juin se situent aux alentours des 20 °C ! Les experts n'hésitent pas à parler de « vague de chaleurchaleur la plus extrême que la Terre ait connue depuis longtemps ». En cause, le « dôme de chaleur » sans précédent qui recouvre actuellement la région.

    Un dôme de chaleur ? C'est un événement qui se produit l'été, lorsque le courant-jet -- le fameux « jet-stream » qui fait voyager l'airair à haute altitude -- se tourne vers le nord. De l'air chaud s'élève alors. La pression atmosphérique augmente. Ajoutez-y l'influence du phénomène La Niña. Et vous obtenez un effet dôme. L'air chaud cherche à s'en échapper. Un peu comme dans une cocotte-minute. Mais il est retenu par les fortes pressions. Rabattu vers la surface, il libère de la chaleur. Tout en continuant à subir le poids de l'atmosphèreatmosphère au-dessus de lui. Il devient plus dense, plus chaud. Il ne peut plus échapper au cycle infernal. Circulant sans fin de haut en bas.

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    49,6 °C à Lytton au Canada : il n'a jamais fait aussi chaud à plus de 45° de latitude nord !

    L'ennui, ici, c'est que plus la température est élevée, plus le dôme est puissant et inversement. D'autant que les dômes de chaleur écartent les nuagesnuages, laissant le champ libre aux rayons du soleilsoleil pour réchauffer encore un peu plus l'atmosphère. Favorisant encore un peu plus la sécheressesécheresse déjà en cours qui, elle-même, permet aux systèmes de haute pression de générer plus facilement des vagues de chaleur, faute d'eau à évaporer dans le sol. Et lorsque le phénomène survient juste après le solstice d'étésolstice d'été, c'est encore pire...

    Avec le réchauffement climatique, les températures normales ont augmenté. Mécaniquement, les chances de battre des records en cas de vague de chaleur sont plus importantes. Mais il n’y a pas que ça. © John Smith, Adobe Stock
    Avec le réchauffement climatique, les températures normales ont augmenté. Mécaniquement, les chances de battre des records en cas de vague de chaleur sont plus importantes. Mais il n’y a pas que ça. © John Smith, Adobe Stock

    Le réchauffement climatique au banc des accusés

    Il est donc question ici d'une dynamique atmosphérique plutôt classique. Qui peut assurément se développer hors contexte de réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Mais les experts sont unanimes : sans le changement climatique anthropique, un dôme de chaleur d'une puissance aussi extrême n'aurait presque sûrement pas pu se mettre en place.

    Nous savons depuis longtemps déjà maintenant qu'un réchauffement climatique entraînerait davantage de températures extrêmement chaudes. « Le climatclimat, c'est comme des stéroïdesstéroïdes pour la météo », compare Zeke Hausfather, climatologueclimatologue au Breakthrough Institute. La science est claire à ce sujet. Selon les chercheurs, la question ne se pose plus. Le réchauffement climatique rend les vagues de chaleur plus fréquentes, plus longues et plus intenses.

    Les scientifiques l'annoncent depuis longtemps maintenant. Les vagues de chaleur se produisent désormais trois fois plus souvent que dans les années 1960. Elles touchent 25 % de superficies en plus dans l'hémisphère Nordhémisphère Nord qu'en 1980. Dans la région du nord-ouest du Pacifique touchée aujourd'hui, les chercheurs annoncent un stressstress thermique qui triplera d'ici 2100.

    Pour expliquer le caractère extrême de la vague de chaleur qui sévit actuellement sur le nord-ouest du Pacifique, des climatologues, Michael Mann en tête, invoquent un phénomène de résonancerésonance des vagues favorisé par le réchauffement plus important de l’Arctique que du reste de la Planète. Selon eux, lorsque les différences de températures s'amenuisent entre le pôle Nord et les régions subtropicales, le courant-jet ralentit. Il peut alors s'installer dans une configuration très ondulante et plutôt stable. De quoi permettre à de hautes pressions de rester en place pendant plusieurs jours. Des conclusions qui font toutefois encore débat au sein de la communauté scientifique.

    Notre maison brûle !

    Parmi tous les événements météorologiques extrêmes, Michael Mann, toujours, rappelle dans un article du New York Times que les vagues de chaleur sont les plus meurtrières. Au cours des 30 dernières années, elles ont causé plus de morts aux États-Unis que les ouragansouragans et les inondationsinondations additionnés.

    Alors les autorités prennent des mesures. Fermetures d'écoles, de centres de vaccinationvaccination ou même d'entreprises. Ouvertures, à l'inverse, de bâtiments climatisés comme les cinémas ou les bibliothèques. Malgré ces précautions, des centaines, des milliers de personnes ont déjà été admises à l'hôpital pour des troubles liés à la chaleur. Un afflux comparé par les médecins à celui du début de la pandémiepandémie de Covid-19Covid-19. À Vancouver, ce mardi, la police annonçait avoir répondu à plus de 130 appels pour des morts subitesmorts subites dans lesquelles la chaleur était un « facteur contributif ».

    Le saviez-vous ?

    À Portland, le service du tramway a été suspendu suite à… la fonte des câbles électriques sous la chaleur ! Ailleurs, des routes se sont déformées. Et les fournisseurs d’électricité demandent à leurs clients de consommer moins pendant la vague de chaleur.

    Et pour boucler la boucle, revenons à Lytton qui avait hier, pulvérisé son record de température en frôlant les 50 °C. Pour noter que les habitants de la ville, située à quelque 300 kilomètres à l'est de Vancouver, ont reçu, il y a quelques heures, l'ordre d'évacuer leurs maisons. Juste avant que la ville ne prenne littéralement feufeu. « Entre les premiers signes de fumée et l'embrasement général, il n'a fallu que 15 minutes », raconte Jan Polderman, le maire de Lytton à CNN. « Ce sera un miracle si tout le monde a pu s'en sortir indemne. »

    Dans le seul État de Colombie-Britannique, 67 feux de forêt sont en cours dont 44 qui se sont déclarés ces deux derniers jours.