Les hominines du genre Paranthropus ont de très grandes molaires mais celles-ci servaient-elles réellement à consommer des aliments très durs, contrairement aux dents plus petites des espèces humaines ? Une analyse dentaire à large échelle fournit des éléments de réponse à cette question.


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    ParanthropusParanthropus est un genre d'hominines dont les trois espèces ont vécu il y a plus d'un million d'années. Ces espèces partagent des caractéristiques physiquesphysiques telles qu'un petit corps, un crânecrâne « robuste » et de larges mâchoires inférieures. Elles sont également caractérisées par de très grandes molairesmolaires dont la taille contrastecontraste avec celle des incisives et des canines. Ces espèces ont vécu en Afrique dans des environnements boisés ou de la savane.

    Vue d'artiste de <em>Paranthropus boisei.</em> © John Gurche, Smithsonian, <em>National Museum of Natural History</em>
    Vue d'artiste de Paranthropus boisei. © John Gurche, Smithsonian, National Museum of Natural History

    Du fait de ses grandes dents postérieures avec une large couche d'émailémail et de leurs caractéristiques crâniennes robustes, Paranthropus a souvent été considéré comme se nourrissant principalement d'aliments durs tels que les graines et les noix. Le débat à ce sujet demeure néanmoins ouvert et une équipe de chercheurs de Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et d'Afrique du Sud apporte de nouveaux éléments permettant de réévaluer cette hypothèse. Ils publient les résultats de cette étude dans le Journal of Human Evolution.

    Les chercheurs ont examiné les premières molaires et prémolaires de six hominines incluant P. boisei et P. robustus et de 17 espèces de primates actuels, parmi lesquels figurent le chimpanzé communchimpanzé commun, le langur à queue de cochon, le mandrill et le singe vert mangabey. Ils se sont particulièrement intéressés à la présence de fractures dentaires afin de déterminer le niveau de duretédureté des aliments ingérés.

    Les mandrills ont une alimentation qui comprend de nombreux aliments durs. © EBFoto, Adobe Stock
    Les mandrills ont une alimentation qui comprend de nombreux aliments durs. © EBFoto, Adobe Stock

    Paranthropus n'était pas durophage

    Les auteurs ont établi que parmi les hominines, Homo neanderthalensis avait le plus de fractures (45 % des dents étaient fracturées) et que venaient ensuite H. naledi (37 %), H. sapiens datant de la période entre le Paléolithique supérieur et le Néolithique (29 %), Australopithecus africanus (17 %) puis P. robustus (11 %) et P. boisei (4 %). Les valeurs atteintes pour les deux espèces de Paranthropus sont en fait plus proches de celles des chimpanzés (4 %), gibbons (7 %) et gorilles (9 %) qui ne se nourrissent qu'occasionnellement d'aliments durs que de celles des mandrills, singes verts mangabey et des sakis (28 % à 48 %) qui sont essentiellement durophages.

    Prévalence de fractures au niveau des premières molaires et des quatre prémolaires chez différents primates actuels et chez des hominines fossiles. © Towle et al, 2021
    Prévalence de fractures au niveau des premières molaires et des quatre prémolaires chez différents primates actuels et chez des hominines fossiles. © Towle et al, 2021

    Les auteurs de l'étude concluent donc que Paranthropus ne se nourrissait pas régulièrement d'objets durs. Ils expliquent par ailleurs que la présence importante de fractures sur les dents des humains peut résulter d'un comportement de transformation des aliments, de traumatismes ou de comportements culturels n'impliquant pas la mastication et non d'une alimentation durophage.  

    Paranthropus ne se nourrissait pas régulièrement d'objets durs

    Les recherches de l'un des auteurs de l'étude, le Dr Towle, se concentreront à présent sur le fait que l'Homme a subi une diminution de la taille de ses dents au cours de son évolution. Cette diminution a pu s'effectuer parallèlement à l'expansion d'autres parties du crâne. La robustesse des dents humaines aurait alors été assurée par un émail différent plutôt que par des dents plus grandes. De plus, cette hypothèse permettrait de comprendre l'excellente hygiène dentaire qui caractérise les fossiles humains.