Une équipe de chimistes britanniques a fait une découverte qui concerne la chimie prébiotique à l'origine de la vie sur Terre. Ces scientifiques ont en effet identifié une série de plusieurs réactions réalisées avec un mélange de cyanure d'hydrogène, de sulfure d'hydrogène et d’ions de cuivre. Le mélange produit des petites molécules carbonées, mais aussi des sucres, des acides aminés, du glycérol et des précurseurs des ribonucléotides : des éléments essentiels aux cellules vivantes.

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    Planck et le LHC permettent d'explorer le mystère de l'origine de l'univers observable. De son côté, le Human Brain Project devrait contribuer significativement à élucider une part du mystère du fonctionnement du cerveaucerveau humain. Les chimistes et les exobiologistes, quant à eux, se penchent sur le mystère de l'origine de la vie. Dans une lettre adressée à son ami, le grand botanistebotaniste et explorateur britannique Joseph Dalton Hooker, DarwinDarwin évoque brièvement en 1871 un lieu et un scénario possible pour cette origine : « Quelque petite mare chaude, en présence de toutes sortes de sels d'ammoniac et d'acide phosphorique, de lumière, de chaleur, d'électricité, etc. », « un composé de protéineprotéine fut chimiquement formé, prêt à subir des changements encore plus complexes ».

    Une variante de ce scénario sera considérée au XXe siècle tout d'abord avec la théorie de la soupe chaude primitive proposée par les biochimistesbiochimistes Alexandre Oparine (1894-1980) et John Haldane (1892-1964) dans les années 1920 puis avec la fameuse expérience de Miller en 1953.


    L'expérience Miller met en évidence les origines chimiques de l'apparition de la vie comme l'explique cet extrait de la neuvième émission du magazine Cassiopée, Sommes-nous seuls dans l'univers ? (France Supervision, 1996) avec un texte et la voix off de Jean-Pierre Luminet. Il est possible de trouver d'autres vidéos similaires sur le site du projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine « Du Big Bang au vivant ». © Jean-Pierre Luminet

    Métabolisme, système génétique et membrane en coévolution

    Depuis cette date, le problème de l'apparition des premières cellules vivantes est resté notoirement difficile et peu de progrès ont été accomplis. Une percée avait cependant été faite la même année lorsque Crick et Watson ont découvert la structure de l'ADN. Mais c'était pour être rapidement confronté à un problème du type de celui de l'œuf et de la poule pour expliquer l'origine du métabolismemétabolisme et celle du système génétiquegénétique.

    Rappelons que le métabolisme est l'ensemble des processus qui permettent à un être vivant de fabriquer (anabolismeanabolisme) ou de détruire (catabolismecatabolisme) ses constituants (sucressucres, protéines, lipideslipides...) à partir de précurseurs et qui assurent aussi la collecte ou la production d'énergieénergie. Le système génétique repose lui sur l'ADNADN qui contient l'information permettant la synthèse des protéines du vivant. Problème : certaines de ces protéines, des enzymesenzymes, sont nécessaires à la duplication de l'ADN par leur propriétés de catalyseurscatalyseurs. On a cependant découvert que l'ARN, qui joue un rôle primordial dans la constructionconstruction des protéines à partir de l'information issue de l'ADN, pouvait avoir des propriétés autocatalytiques lui permettant de se comporter un peu comme des enzymes. Cette observation a conduit à postuler qu'un « monde d’ARN » a peut-être, à l'aubeaube de la vie, précédé celui de l'ADN et des protéines. Mais un système génétique et des mécanismes pour le métabolisme ne suffisent pas pour la vie. Il faut aussi des compartiments dans lesquels prennent place le métabolisme et le système génétique. En d'autres termes, se pose le problème de l'origine des membranes cellulairesmembranes cellulaires à base de lipides.

    Les scientifiques restent confrontés depuis lors à un véritable nœudnœud gordien faisant intervenir l'origine du métabolisme, celle du système génétique et enfin celle de la compartimentation de la vie. Dans quel ordre ces trois composants sont-ils apparus et comment ? On tente de trancher ce nœud en partant de l'hypothèse qu'ils ont dû coévoluer tout en se complexifiant. Mais comment cette coévolution s'est-elle mise en place ?

    Une remarquable série de réactions conduit conjointement à la formation de plusieurs molécules, à la base des constituants cellulaires, à partir du cyanure d'hydrogène et du sulfure d'hydrogène. Des réactions similaires, mais plus complexes, ont peut-être mené à l'émergence des cellules vivantes sur la Terre de l'Hadéen il y a plus de 4 milliards d'années. © Nature Chemistry

    Une remarquable série de réactions conduit conjointement à la formation de plusieurs molécules, à la base des constituants cellulaires, à partir du cyanure d'hydrogène et du sulfure d'hydrogène. Des réactions similaires, mais plus complexes, ont peut-être mené à l'émergence des cellules vivantes sur la Terre de l'Hadéen il y a plus de 4 milliards d'années. © Nature Chemistry

    Des acides aminés, des précurseurs de l'ARN et des lipides

    Ce problème se présente sous un jour nouveau grâce à la publication des résultats de travaux d'une équipe de chercheurs du Medical Research Council (MRC) Laboratory of Molecular Biology (LMB) de l'université de Cambridge, Royaume-Uni, menée par le célèbre John Sutherland. Comme l'explique Robert Pascal, le vice-président de la société française d'ExobiologieExobiologie sur la page de la SFE, l'article publié par cette équipe dans Nature Chemistry montre qu' « une chimiechimie particulière basée sur la présence d'HCN et de sulfure d'hydrogènesulfure d'hydrogène (H2S) pouvait non seulement donner naissance aux ribonucléotidesribonucléotides mais aussi à une large gamme d'espèces chimiquesespèces chimiques couvrant plus de la moitié des vingt acides aminésacides aminés naturels et un des précurseurs des lipides ». Le chercheur ajoute que « l'obtention simultanée dans un même environnement de composants des acides nucléiquesacides nucléiques, des protéines et des phospholipidesphospholipides membranaires suggère fortement que les trois systèmes ont pu coopérer à l'apparition de la vie (coévolution) au détriment de la vision d'une vie primitive basée sur un seul de ces systèmes (monde d'ARNARN, monde de lipides) ».

    Les chercheurs du LMB sont en effet parvenus à trouver une fascinante série de réactions basées sur un mélange de cyanure d'hydrogènecyanure d'hydrogène et de sulfure d'hydrogène avec des ionsions de cuivrecuivre dans le rôle du catalyseur. Sous l'action de la lumière ultraviolette du Soleil, ce mélange produit d'abord des moléculesmolécules organiques à 2 ou 3 atomesatomes de carbonecarbone puis des sucres, des acides aminés, du glycérolglycérol et des précurseurs des ribonucléotides donc, dans la foulée, des précurseurs des molécules impliquées dans le métabolisme, le système génétique et les membranes cellulaires.

    Bien que cette série de réactions soit encore très éloignée des réactions biochimiques du vivant et que l'on puisse discuter de son occurrence réelle dans les conditions prébiotiquesprébiotiques qui régnaient à la surface de la Terre pendant l'Hadéen, elle ouvre tout de même de nouvelles perspectives. Cette étude autorise à penser que les conditions nécessaires à son émergenceémergence pouvaient se mettre en place rapidement et de manière relativement simple. Une des voies pour avancer nécessite de comprendre comment les fortes concentrations de cyanure d'hydrogène nécessaires ont pu exister sur la Terre primitive, concurremment avec la présence, entre autre, de sulfure d'hydrogène. Les chercheurs du LMB proposent d'ailleurs un scénario à ce sujet faisant intervenir les impacts d'astéroïdes.