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Elément authentique de la Machine de Babbage. Licence GPL
Né en 1791 à Teignmouths, Devonshire (Grande Bretagne), Charles Babbage a pu effectuer des études de mathématiques grâce à la fortune de son père, mais aussi à un don particulier tant pour les choses de l'esprit que pour l'habileté manuelle. Cette dernière faculté, notamment, lui permettra de mener à bien un des projets les plus porteurs de notre civilisation moderne : l'ordinateur.
Cet objet, que Babbage appelait la "machine à différences", reposait sur un fonctionnement entièrement mécanique, seule possibilité offerte à l'époque. Qu'il ait pu la réaliser entièrement eût relevé du miracle. Pour cela, il aurait dû disposer de matériaux plus résistants, mais aussi d'une force motrice suffisante car le nombre de mécanismes mis en mouvementmouvement excluait pratiquement la force humaine exclusive... Il a cependant réussi à en construire certains éléments, ce qui démontre que sous cette réserve, la Machine de Babbage aurait pu voir le jour il y a près de deux siècles.
Genèse d’une invention historique
En 1812, Charles Babbage s'aperçoit que les tables de calcul mathématiques, largement en usage à l'époque et sur lesquelles reposent bien des procédures tant civiles que militaires, sont littéralement truffées d'erreurs. Passionné de mathématiques, il fonde en 1812 la Société analytique au Trinity College de Cambridge et s'adjoint les services d'une brillante mathématicienne, AdaAda Lovelace, fille du poète lord Byron, qui l'aidera à concevoir les diagrammes de calcul. Mais surtout, on doit à cette femme le premier langage informatique qui servira ultérieurement à programmer la machine (elle mourra quelques années plus tard, complètement ruinée par l'expérimentation d'une machine destinée à prévoir les résultats des courses de chevaux, qui ne lui a permis d'engranger que des dettes...). Le langage de programmation ADA a été ainsi nommé en sa mémoire.
Lady Ada Lovelace. Licence GPL
Un premier modèle partiel, mais fonctionnel, de la machine est présenté en 1821 à la Société Royale d'Astronomie de Londres. Celle-ci s'enthousiasme pour le projet et le gouvernement britannique accorde à Charles Babbage en 1823 une bourse de 1500 £ afin qu'il puisse mener à bien la constructionconstruction de l'ensemble complet.
L’élaboration du concept
Charles Babbage avait compris qu'il ne pourrait réaliser un projet aussi complexe sans une approche soigneusement planifiée. Il en vint à définir des concepts fondamentaux pour la structure de la machine qui semblent aujourd'hui étonnamment modernes.
- Deux dispositifs séparés permettant, l'un l'entrée des données, l'autre la sortie des résultats. Versions modernes : le clavier et le moniteur.
- Un organe de traitement de l'information, organisant l'agencement des nombres afin de faciliter leur traitement. Version moderne : le microprocesseur.
- Un espace de stockage des résultats intermédiaires ou des résultats finaux. Version moderne : la mémoire vivemémoire vive et les disques durs.
- Un moulin, actionné manuellement, chargé de distribuer la force motrice et d'animer les nombreux rouages permettant les opérations de calcul sur les nombres. Version moderne : l'unité de calcul, ou unité arithmétique et logique, aujourd'hui intégrée dans les microprocesseurs.
- Un dispositif d'impression des résultats. Version moderne : l'imprimante.
La Machine de Babbage manquait pourtant d'un élément essentiel pour qu'elle fût qualifiée de premier véritable ordinateur : elle n'était pas programmable. La suite logique des opérations à effectuer, au demeurant très complexe, reposait sur la disposition de ses mécanismes physiquesphysiques, décidée lors de son élaboration. Mais le grand saut n'allait pourtant pas tarder à s'accomplir, ou du moins à être rendu possible par le développement de l'algèbre booléenne, qui s'intéresse aux fonctions sur les variables logiques. Son inventeur, George BooleGeorge Boole, était d'ailleurs contemporain de Charles Babbage mais il ne semble pas que les deux hommes se soient rencontrés.
La réalisation… 170 ans plus tard
Le développement insuffisant de la science des matériaux empêchera Charles Babbage de mener son œuvre à bien. Les très nombreux rouages, leviers, tambours à réaliser et à animer constitueront un obstacle infranchissable pour l'époque. Il nous en reste cependant des plans extrêmement précis, qui ont permis à des chercheurs du Musée des Sciences de Londres d'en réaliser un exemplaire en 1991. Cette équipe a pu répondre, positivement, à la question que l'on se posait alors : la machine de Babbage aurait-elle fonctionné ?
Alors que les ordinateurs modernes effectuent des milliards d'opérations par seconde (le petaflop, c'est-à-dire le million de milliards d'opérations par seconde devrait être atteint cette année), la Machine de Babbage culmine à une opération toutes les six secondes. Elle n'utilise pas le système binairesystème binaire mais le système décimal : une manivelle fait tourner les roues par dixièmes de tour. La machine mesure 2,7 mètres de long pour 3,5 mètres de long, pèse 4,5 tonnes et intègre 248 rouages dont la conception, et surtout la réalisation, a fait blanchir les cheveux de nombreux techniciens durant les trois années qu'a duré sa construction.
La vénérable institution britannique vient de construire (pour un million de dollars) un second exemplaire tout aussi fonctionnel pour le compte d'un milliardaire, Nathan Myhrvold, vice-président de MicrosoftMicrosoft, aussi considéré comme le gourou de Bill GatesBill Gates. Mais celui-ci a décidé de prêter cette machine exceptionnelle au musée de l’histoire informatique de Mountain View, où elle sera exposée jusqu'en novembre prochain avant de rejoindre sa collection personnelle.