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L'Icann veut bouleverser le Web. © Icann
Rien n'indiquait que la 23ème réunion international de l'Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers)), l'organisme qui gère les noms de domaine au niveau mondial, marquerait une date particulière. On savait qu'elle entérinerait un effort redoublé pour déployer un nouveau protocole, baptisé IPv6, destiné à remplacer l'actuel IPv4. Son adoption contraint à des modification dans les serveurs qui forment la toile d'Internet mais elle est plus qu'un détail : elle est indispensable pour empêcher la pénurie d'adresses Internet qui se profile à l'horizon.
IPv4, en effet, n'autorise que 4,2 milliards d'adresses IPadresses IP différentes, chacune étant attribuée de façon permanente ou, pour les internautes, le temps d'une session. Autrement dit si le nombre d'utilisateurs simultanés d'Internet sur la planète dépasse cette limite, le Web s'engorge. Avec la multiplication des accès, notamment dans les pays émergentsémergents, la coupe est bientôt pleine. Et la saturation se rapproche même plus vite qu'on pourrait le penser car les humains ne sont plus les seuls à se connecter. Les industriels aimeraient doter d'une adresse Internet des appareils ménagers, par exemple les lave-linge qui pourraient télécharger des programmes de lavage spéciaux, les appareils photos pour y installer des modes de fonctionnement particuliers ou même les fours à micro-ondesfours à micro-ondes, ainsi capables de récupérer des recettes. Les constructeurs automobilesautomobiles imaginent connecter les voitures, voire leurs sous-ensembles (moteur, carrosserie, électronique de bord...) pour en assurer la maintenance à distance. A ce rythme, les 4,2 milliards d'adresses ne suffiront plus dès 2011.
Mis au point en 1995, à une époque où le problème avait déjà été anticipé, IPv6 code les adresses sur 128 bits (soit 2128 combinaisons) et éloigne définitivement le risque d'une saturation. Mais il a tardé à se mettre en place, à cause des investissements à effectuer sur le réseau. Mais cette fois, l'urgence est là. L'Icann nous explique qu'il faut vraiment y songer. Les entreprises devront s'assurer rapidement que leurs installations sont compatibles IPv6. En prime, promet l'Icann, les adresses pourront bientôt accueillir des caractères aujourd'hui interdits, comme l'apostrophe ou les caractères accentués du français par exemple, et les alphabets arabes, chinois et indiens.
Combien faudra-t-il payer ?
Mais ces mêmes entreprises, ainsi que les particuliers d'ailleurs, se trouvent face à un nouveau problème. Hier lundi, le président australien de l'Icann, Paul Twomey, a lâché une bombe lors d'une interview au magazine Les Echos. L'attribution des noms de domaines (le terme situé après le dernier point), actuellement limités à un certain nombre (.com, .biz, .fr, etc.), va devenir totalement libre ou presque. « Dès le premier trimestre de 2009, les 1,3 milliard d'internautes pourront acquérir des adresses génériques, en déposant des mots courants comme .amour, .haine ou .ville ou encore des noms propres, comme .lesechos, par exemple » précise Paul Twomey au journaliste qui l'interroge. Personne, semble-t-il, n'avait prévu cette annonce, même pas à l'Afnic, qui gère le domaine .fr.
(Cliquez sur l'image pour l'agrandir.) Le calendrier de mise en place du projet des nouveaux noms de domaines. Il est prévu une période d'essai qui amènera le déploiement au plus tôt à la fin du premier trimestre 2009 (CQ1 9). © Icann
Il suffira d'en faire la demande et de payer. A qui ? Pour l'instant, l'organisation serait « confidentielle ». Il s'agira d'intermédiaires qui devront sans doute gérer un nombre de demandes important et pas mal de conflits. Quelques règles seulement ont été pour l'instant imaginées. Le nom de domaine ne pourra être un nom de marque (oubliez .futura-sciences...) ni offenser la morale ni s'approcher d'une extension existante (.kom ou .comm, par exemple, cas cités par Paul Twomey). Si deux internautes déposent le même nom, l'Icann, ou son représentant, demanderont un règlement à l'amiable, faute de quoi le nom sera vendu... aux enchères.
Le moins que l'on puisse dire est que la déclaration a provoqué la surprise. Le nombre de noms de domaine a déjà été élargi deux fois, en 2000 et en 2003. Mais à part le .biz, les autres propositions (.museum, .travel, .mobi, .jobs...) n'ont guère connu de succès. L'annonce a même suscité des inquiétudes. Actuellement, les conflits sur les noms de domaines existent déjà et sont même en augmentation. Cette libéralisation totale ne pourra qu'en multiplier le nombre. Que faire si une personne malveillante a usurpé l'identité de quelqu'un en déposant son nom ? Les entreprises doivent-elles dégager un budget pour mieux protéger leurs noms de marque et de produits ?
Mais les abus seront peut-être limités par le coût d'un nom de domaine (encore inconnu) et les contraintes imposées (non précisées). Actuellement, cette propriété n'est à la portée que d'une entreprise, car il faut en assurer la gestion en tant que « registre » (registry en anglais). A nos confrères de 01Net, Loïc Damilaville, adjoint au directeur général de l'Afnic, précise qu'entre l'assurance, les frais techniques et la dîme versée à l'Icann, le coût annuel est de 100.000 dollars. On ne sait pas quelles seront les modalités pour les futurs domaines libres.
La seule certitude est que cette décision de l'Icann profitera... à l'Icann qui verra ses rentrées financières augmenter linéairement avec le nombre de noms de domaine déposés. L'Icann vient de publier aujourd'hui un document succinct (téléchargeable au format PDF), qui indique une période d'évaluation s'étalant jusqu'au premier trimestre 2009. Ce n'est pas si loin...