L’intelligence artificielle prend les commandes et s'initie à Top Gun en menant ses premiers véritables exercices de combats aériens tournoyants entre deux vrais avions de chasse. Une façon d’aguerrir l’IA pour qu’elle puisse accompagner un jour en tant qu’ailier, un avion de chasse.


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    C'est ce que l'on appelle un « dogfight », un combat aérien où les adversaires se trouvent à proximité et manœuvrent pour échapper ou cibler l'avion ennemi. C'est en quelque sorte Top Gun, sauf qu'en lieu et place d'un pilote chevronné, la Darpa a mis une intelligence artificielle (IA) dans le siège d'un des deux avions de chasse. Ces expérimentations en combat tournoyant sont menées depuis l'an dernier à l'AirAir Force Test Pilot School de la base aérienne d'Edwards, en Californie aux États-Unis. L'IA est aux commandes d'un véritable chasseur, le X-62A (VistaVista), un avion d'essai basé sur un F-16D modifié. Futura avait déjà évoqué ce duo, puisque l'IA avait alors pu piloter lors de tests l'avion de chasse durant 17 heures. De même, dès 2020, un combat aérien avec une IA avait eu lieu dans le cadre du projet Alpha Dogfight de la Darpa. Mais, à l'époque, l'avion piloté par l'IA était virtuel et s'affichait sur la visière du pilote de chasse en réalité augmentée.

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    Une inquiétante attaque de drone autonome

    Malgré leurs côtés spectaculaires, sans lesquels les scènes d'actions du célèbre as Maverick seraient bien fades, les dogfights sont devenus désuets, car non pertinents pour le combat moderne. Le chasseur du futur, comme le Scaf européen sera plutôt loin de l'ennemi. Il se trouvera au centre d'un réseau de capteurscapteurs, accompagné de drones ailiers spécialisés dans certaines tâches. Le pilote de chasse du XXIe siècle n'est donc plus vraiment censé voir visuellement l'ennemi ni s'y frotter. Alors pourquoi entraîner l'IA au combat aérien rapproché ? Parce que la pratique du dogfight associe complexité et imprévisibilité. Deux paramètres très utiles pour tester et entraîner une IA et surtout évaluer la confiance que l'on peut avoir en elle. Également, pour ce type d'entraînement, l'IA doit suivre les mêmes règles de sécurité que les élèves pilotes. L'altitude de combat peut descendre à 600 mètres avec une évolution à 1 900 km/h. Malgré ces conditions extrêmes, les règles de sécurité doivent être respectées.

    Le X-62A est piloté par une IA depuis plusieurs années. Celle-ci s’entraîne désormais au combat tournoyant rapproché pour apprendre à réagir correctement face à l’imprévisibilité. © Darpa

    La lente voie vers la confiance en l’IA militaire

    Avec cet apprentissage, l'IA suit sa formation d'élite pour intégrer à terme des drones ailiers de type Loyal Wingman, dont les premiers prototypes sont en cours d'expérimentation. L'IA pourrait aussi prendre les commandes d'un avion de chasse, même durant le combat. Cela permettrait au pilote de se consacrer à la supervision de sa mission et mener la gestion de ses drones ailiers et autres capteurs.

    Aguerrir l'IA en tant que pilote militaire, c'est tout l'objet de ce programme Air Combat Evolution (ACE) de la Darpa. Mais la route du ciel est longue et le X-62A devrait donc encore voler de nombreuses heures piloté par l'IA avant de lui décerner son macaron de pilote. D'ailleurs, durant tous les vols, un pilote se tenait prêt à reprendre les commandes à tout moment en cas de problème. Pour le moment, l'IA reste toujours très loin des objectifs de la Darpa et de l'US Air Force. Elle repose sur l'apprentissage automatique et son sens de l'air est progressif et doit être fiable. L'algorithme ajuste donc au fur et à mesure son comportement en fonction des données historiques et de ses expériences. L'apprentissage est laborieux, mais doit être aussi parfait que celui d'un véritable pilote. L'idée est, à terme, qu'elle puisse réagir systématiquement de façon adéquate en faisant les bons choix lors de situations où les règles sont floues et les résultats imprévisibles. De fait, tant que cette IA n'aura pas atteint un certain niveau de confiance de la part des humains, elle ne pourra pas les accompagner au combat. Mais les aptitudes au pilotage autonome progressent, puisque au cours de 21 vols d'essai, le programme a permis de modifier et d'améliorer plus de 100 000 lignes de code sur les algorithmes. Le chemin vers ces ailiers du futur n'est donc pas vraiment pour demain, même si les progrès sont là. En attendant, les tests de cette IA sur X-62A se poursuivront tout au long de l'année.