Grande figure militaire prussienne du début du XIXe siècle, Carl Von Clausewitz est considéré comme le théoricien de la guerre moderne. 


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    Général prussien, écrivain et théoricien militaire, Carl Von Clausewitz théorise le concept de guerre moderne. Profondément marqué par les guerres contre la France révolutionnaire et les guerres napoléoniennes, il participe au siège de Mayence en 1793, est admis à l'école militaire de Berlin en 1801, devient aide de camps du prince prussien Auguste, puis est fait prisonnier à Iéna en 1806 et est envoyé en France. Il est libéré quelques mois plus tard et devient instructeur militaire du jeune prince héritier de Prusse. Son aversion pour la France le pousse à délaisser sa Prusse natale bien trop complaisante à l'égard de Napoléon, pour rejoindre la Russie. Il devient un membre central de l'état-major en Russie et participe aux campagnes militaires russes avant de retourner en Prusse à la chute de Napoléon en 1814.

    Carl Von Clausewitz (1780–1831). © Wikimedia Commons, domaine public
    Carl Von Clausewitz (1780–1831). © Wikimedia Commons, domaine public

    En 1818, il prend la direction de l'école militaire de Berlin, celle-là même qui l'avait formée dans sa jeunesse. C'est à ce moment qu'il consolide l'ensemble de son expérience et rédige un ouvrage fondateur : « De la guerre ». Son œuvre ne sera publiée qu'en 1832, soit un an après sa mort, dans une version inachevée. C'est sa femme qui décide de rendre public le travail monumental de son défunt mari.

    La théorisation de la violence dans la guerre

    Dans son ouvrage, Clausewitz insiste sur un premier point fondamental : le but de la guerre est d'anéantir l'ennemi. Par conséquent, tout doit être mis en œuvre pour parvenir à cette fin. Ainsi la violence ne saurait être limitée dès lors qu'elle permet d'atteindre cet objectif. La guerre est intrinsèquement violente par nature. Mais il n'existe pas une forme unique de violence, la violence revêt une multitude de visages.

    La guerre est plutôt un moyen pour atteindre ses objectifs politiques

    Toutefois, la guerre n'est selon Clausewitz, pas une fin en soi. Elle n'est qu'un moyen, parmi d'autres, d'atteindre un but précis. Or ce but est bien souvent politique. La guerre est plutôt un moyen pour atteindre ses objectifs politiques. Ainsi, Clausewitz soutient que la guerre est une extension de la politique et que guerre et politique sont étroitement liées. Il souligne d'ailleurs l'imbrication qui existe entre gouvernement politique de l'État et commandement militaire. La guerre serait donc avant tout un duel entre États. Ces États vont alors mobiliser l'ensemble des moyens à disposition pour soumettre l'autre. Cette soumission peut aller jusqu'à l'anéantissement de l'adversaire. Dans le cadre de ces conflits, il souligne l'importance de la bataille décisive qu'il qualifie de « centre de gravité de la guerre ». C'est au cours de ces batailles que se déterminent le vainqueur et le vaincu.

    La théorie de Clausewitz et les guerres modernes

    Ainsi, selon Clausewitz, la stratégie militaire doit être subordonnée à l'objectif politique. Cette théorie se retrouve dans les grands conflits du XVIIIe siècle. Dans le cas de la guerre de Sept Ans (1756-1763), les principaux belligérants - la Prusse, l'Autriche, la France et la Grande-Bretagne - s'opposent pour étendre leur influence politique et économique. La France et la Grande-Bretagne rivalisent pour étendre leurs empires coloniaux alors que l'Autriche veut récupérer la Silésie sous domination prussienne. Le conflit a donc été principalement motivé par des objectifs politiques et économiques. De plus, Clausewitz a souligné que la guerre est caractérisée par l'incertitude et l'imprévisibilité. La guerre de Sept Ans a été marquée par des changements de coalition et de brusques renversements de situation. Par exemple, la Prusse réussit à repousser contre toutes attentes les forces combinées de la France et de l'Autriche grâce à la tactique de son roi, Frédéric II. Enfin, Clausewitz a souligné que la guerre est un acte de violence qui doit être mené avec détermination et vigueur avec, en son centre, les batailles décisives. La bataille de Rossbach en 1757 et la victoire de la Prusse sur la France marquent un tournant. En outre, les armées sont souvent contraintes de combattre dans des conditions difficiles, notamment en hiverhiver et sur des terrains hostiles. 

    Charge des cuirassiers prussiens du général Seydlitz à la bataille de Rossbach (5 novembre 1757). © Wikimedia Commons, domaine public
    Charge des cuirassiers prussiens du général Seydlitz à la bataille de Rossbach (5 novembre 1757). © Wikimedia Commons, domaine public

    Toutefois, ce sont bien les guerres de la France révolutionnaires et napoléoniennes qui marquent une rupture et un point de bascule définitif vers la guerre moderne. La France doit faire face à des coalitions successives qui entendent la combattre au nom d'une idéologie contre-révolutionnaire, mais aussi politique pour faire plier la puissante France. Si la confrontation entre États est indéniable comme lors de la Guerre de Sept Ans, une nouvelle composante émerge comme le souligne Clausewitz, à savoir l'engagement populaire. Le système de la conscription tel que voté en 1798, et qui rend mobilisable tous les jeunes de 20 à 25 ans, engage la constructionconstruction d'une véritable armée nationale.

    En définitive, Clausewitz s'appuie sur son expérience de la guerre. Il peut ainsi en extraire de grandes caractéristiques que l'on retrouve dans son ouvrage posthume. Selon sa théorie militaire, la guerre est une opposition entre États, elle est un moyen parmi d'autres d'atteindre ses objectifs politiques. Elle repose sur trois grands principes : la politique, le militaire et le populaire. Cette théorie peut ainsi expliquer les conflits de l'époque. Prépondérance des enjeux politiques, importance décisive des batailles et mobilisation populaire sont les principales motivations des conflits qui s'engagent à l'époque moderne selon Clausewitz.

    Carl Von Clausewitz a influencé de nombreux penseurs et stratèges militaires, y compris des personnalités telles que Liddell Hart, Sun Tzu et Mao Zedong. Sa théorie de la guerre a été étudiée et utilisée dans des contextes militaires et politiques pendant plus d'un siècle, et elle reste pertinente aujourd'hui dans certains cas de figure.