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    Si l'on s'en tient à cette définition, il peut y avoir, comme pour les communications, des langages simples, dont tout élément de conscience est absent, et des langages plus élaborés où, comme le formule Joëlle Proust, est aussi présente « l'intention avec laquelle le locuteur produit (le) message ».

    Les abeilles ont un langage très élaboré. © Oldiefan, Pixabay, DP
    Les abeilles ont un langage très élaboré. © Oldiefan, Pixabay, DP

    Le premier cas correspond à ce qu'on a appelé le « langage des abeilles », le second peut sans doute être attribué aux langages que l'on peut apprendre, en laboratoire, à certains anthropoïdesanthropoïdes comme les chimpanzéschimpanzés ou les gorillesgorilles, et, bien sûr, aux langues humaines.

    Les abeilles communiquent. © Tous droits réservés
    Les abeilles communiquent. © Tous droits réservés

    Protolangage chez les abeilles

    L'abeille qui, comme le formule Joëlle Proust, « ne peut communiquer qu'une orientation précise dans un référentiel spatial circonscrit une fois pour toutes » ne communique vraisemblablement pas avec une intention élaborée. Il reste que son « langage », s'il ne peut assurément se qualifier comme un langage complexe, au sens où l'on entend les langages humains, en garde cependant la propriété qui nous a servis de définition : la capacité de faire référence à des éléments non directement présents dans l'environnement immédiat quand l'abeille fait son rapport. Les données rapportées par l'abeille à ses congénères s'apparentent à un « rapport de faits » (comme : « ceci est la direction de la source de nourriture », « voici une idée de la quantité de nourriture disponible ailleurs »), mais, en comparaison du langage (humain) restent d'une pauvreté extrême : deux ou trois éléments sémantiques seulement (distance, direction, quantité de nourriture...), aucune combinaison ou syntaxe. Il paraît difficile de faire plus simple ! Néanmoins, pour distinguer de telles communications des communications « classiques », je pense que le terme de « protolangage », qui a aussi l'avantage de distinguer ces systèmes du langage humain, serait tout à fait bienvenu. Le même terme peut sans doute être utilisé aussi pour les langages, plus complexes déjà, mais sans commune mesure avec les langages humains, que l'on peut apprendre aux anthropoïdes.

    Protolangage animal, ébauche des langages humains ?

    Remarquons au passage que, pour étayer une coupure, à leurs yeuxyeux radicale, entre l'Homme et les anthropoïdes, certains penseurs insistent sur le fait que le protolangage, enseigné par l'Homme aux chimpanzés ou aux gorilles, n'existe pas naturellement chez les anthropoïdes sauvages, alors que, toujours selon ces penseurs, tout être humain normal parle. On peut évidemment rétorquer que tout être humain normal parle s'il est mis au contact (social) du langage : l'enfant sauvage humain n'apprend pas davantage à parler que le chimpanzé sauvage ! Le protolangage des anthropoïdes est certes très loin des performances du langage humain. Le protolangage est constitué d'environ 150 signes (ou mots) et de quelques règles élémentaires de combinaison (ou syntaxe). Certes, cela reste d'un niveau sommaire, comme celui du petit enfant qui commence à associer « papa-dodo-pyjama », mais c'est évidemment infiniment plus complexe que le protolangage des abeilles !

    L'auteur, jeune, avec des amis chimpanzés. © Georges Chapouthier, tous droits réservés
    L'auteur, jeune, avec des amis chimpanzés. © Georges Chapouthier, tous droits réservés

    Quoi qu'il en soit, ces deux exemples, très différents l'un de l'autre, amènent à la conclusion qu'existe, chez l'animal, un protolangage, les ébauches de ce que seront les langages humains, et que ces ébauches s'insèrent, elles-mêmes, dans une longue histoire évolutive, qui part des interactions comme on en trouve chez tous les êtres vivants, et passe ensuite par les communications animales.