Pourquoi au cœur des noyaux atomiques, la désintégration bêta se produit-elle à un rythme plus lent que dans le cas de neutrons libres ? Pour résoudre cette énigme vieille de quelque 50 ans, des chercheurs américains ont intégré à leurs équations, quelques effets d’interaction des plus subtils. Et leurs calculs s’accordent bien aux résultats d’expériences.


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    La radioactivité est un phénomène physique qui se produit au cœur des noyaux atomiques. Elle transforme les atomes et s'accompagne d'une émission de particules et d'énergie. La radioactivité bêta est celle qui donne naissance à des électronsélectrons ou à des positronspositrons tout en transformant des neutronsneutrons en protonsprotons et inversement.

    Les principes de base de cette désintégration restaient encore mystérieux. Ainsi les spécialistes s'étonnaient de voir qu'au cœur d'un noyau atomique, la désintégration bêtabêta apparaît plus lente que lorsqu'elle touche un neutron libre. Mais une équipe du Laboratoire national Oak Ridge (États-Unis) propose aujourd'hui une réponse à cette énigme vieille de quelque 50 ans.

    Les physiciensphysiciens ont notamment étudié la décroissance de l'étainétain-100 en indiumindium-100. L'étain 100, noté 100Sn, compte 50 protons et 50 neutrons. Des chiffres qui aux yeuxyeux des physiciens le rendent « doublement magique ». Dans le monde de la physique nucléaire, en effet, il existe des nombres - de protons ou de neutrons - dits magiques qui correspondent à une structure nucléaire particulièrement stable. C'est le cas du nombre 50. Pourtant l'étain-100 est bien un isotope radioactif du fait de son déficit prononcé en neutrons pour un atome de sa taille. Par le biais d'une désintégration bêta plus qui émet un positron et un neutrinoneutrino et qui transforme un proton en neutron, l'étain-100 devient donc indium-100, un isotopeisotope de l'indium noté 100In et qui compte 49 protons et 51 neutrons.

    Les travaux de chercheurs américains montrent que les fortes corrélations et interactions qui existent entre deux nucléons réunis au sein d’un noyau atomique ralentissent la désintégration bêta par rapport à ce qu’il se passe lors de désintégrations de neutrons libres. © Andy Sproles/Laboratoire national d’Oak Ridge, Département de l’énergie des États-Unis
    Les travaux de chercheurs américains montrent que les fortes corrélations et interactions qui existent entre deux nucléons réunis au sein d’un noyau atomique ralentissent la désintégration bêta par rapport à ce qu’il se passe lors de désintégrations de neutrons libres. © Andy Sproles/Laboratoire national d’Oak Ridge, Département de l’énergie des États-Unis

    Le coup de pouce des supercalculateurs

    Pour décrire précisément ce phénomène, les chercheurs ont dû simuler avec précision la structure du noyau de 100Sn et celle du noyau de 100In. Une tâche relativement aisée concernant l'étain-100 « doublement magique » dont la structure « n'est pas si compliquée ». Mais une tâche un peu plus complexe concerne le noyau d'indium-100. Une complexité à laquelle les physiciens sont venus à bout en empruntant quelques idées à la chimiechimie quantique pour modéliser les forces qui agissent entre ses différents nucléonsnucléons.

    L'intégration au calcul des interactions et des corrélations entre nucléons au cours de la désintégration a constitué un défi de taille pour l'équipe. Par le passé, les physiciens s'en sortaient en ajoutant à leurs équationséquations, un facteur arbitraire permettant de rapprocher les taux de désintégration des neutrons dans et à l'extérieur du noyau. « Personne ne savait pourquoi cela fonctionnait, mais cela fonctionnait », commente Gustav Lansen. « Grâce à notre supercalculateursupercalculateur TitanTitan, nous avons montré qu'il était inutile de recourir à ce facteur arbitraire simplement en considérant que le phénomène fait intervenir deux nucléons. » Ainsi, deux protons qui se désintègrent en un proton et un neutron.

    L'équipe compte maintenant mobiliser la puissance du supercalculateur Summit pour simuler comment le calciumcalcium-48 - un autre noyau « doublement magique » - pourrait subir une désintégration bêta sans émission de neutrino. Et ainsi aider les expérimentateurs à déterminer le matériaumatériau idéal à la détection d'un tel phénomène. Car si cette bizarrerie théorique pouvait être observée, elle éclairerait d'un regard nouveau le mystère de la masse du neutrino.