La Nasa a soudainement assombri l'avenir de sa prochaine fusée, SLS, qui doit être la plus puissante de tous les temps mais a déjà coûté 12 milliards de dollars et pris des années de retard.


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    L'administrateur de la Nasa, Jim Bridenstine, a annoncé mercredi 13 mars que le développement de la grande fuséefusée SLS (Space Launch System) se heurtait à de nouveaux retards et que l'agence spatiale voulait désormais confier à des lanceurs privés la prochaine mission autour de la Lune.

    Cette annonce illustre le basculement rapide de la Nasa dans un rôle de cliente de l'industrie spatiale privée, où elle ne possèderait plus ses fusées mais achèterait un service de transport à un coût bien inférieur. Le programme SLS est géré à bien des égards comme le furent les programmes ApolloApollo et des Navettes il y a des décennies, à une époque où SpaceXSpaceX et ses fusées réutilisables n'existaient pas.

    Le futur lanceur lourd SLS de la Nasa mesurera 98 mètres de hauteur. © Nasa
    Le futur lanceur lourd SLS de la Nasa mesurera 98 mètres de hauteur. © Nasa

    SLS : un premier vol très attendu

    Space Launch System, qui sera haute de 98 mètres et entièrement « jetable », était jusqu'à présent décrite comme l'élément indispensable et non négociable des prochaines missions lunaires américaines, dès juin 2020 pour un voyage autour de la Lune sans astronaute, et en 2022 avec un équipage. La capsule OrionOrion, développée par Lockheed Martin et l'ESA, sera au sommet de cette mégafusée, plus puissante que la Saturn V des missions Apollo. Mais l'administrateur de la Nasa a confirmé lors d'une audition au Sénat que la fusée ne serait pas prête en 2020.

    Ce nouveau retard n'a pas surpris les experts de l'industrie spatiale qui observent depuis des années les problèmes de développement de la fusée construite par Boeing avec plus de 1.000 sous-traitants, dans 43 États américains. Le Congrès avait initialement, en 2010, demandé un premier vol fin 2016. La Nasa l'avait ensuite reporté à 2017, 2018... puis juin 2020. Mais au lieu de reporter encore la date, le chef de la Nasa a fait l'annonce choc que l'agence envisageait de confier à des lanceurs privés cette première mission... contredisant pour la première fois l'idée que le contribuable américain dépensait une fortune dans SLS justement car le secteur privé était incapable d'envoyer Orion vers la Lune.

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    « Nous avons appris la semaine dernière que nous ne pourrions pas maintenir le calendrier, a déclaré Jim Bridenstine, nommé par Donald Trump. Des capacités extraordinaires existent aujourd'hui, nous pouvons les acheter pour accomplir cet objectif », a-t-il lâché devant des sénateurs médusés. Lundi encore, le même martelait dans un discours : « Nous avons besoin de SLS ».

    Illustration d’une capsule Orion prenant la direction de la Lune. © Nasa
    Illustration d’une capsule Orion prenant la direction de la Lune. © Nasa

    Il n'y a aucune fusée assez puissante actuellement pour aller sur la Lune

    En réalité, aucune fusée actuelle n'est capable de lancer à la fois Orion et « l'étage » de propulsion dont la capsule aura besoin pour s'arracher à l'attraction terrestre et se propulser vers la Lune : les deux éléments sont trop lourds et c'est le problème que SLS était censée résoudre. Le patron de la Nasa a affirmé que ce n'était finalement plus un obstacle et qu'il suffirait de lancer séparément Orion et l'étage moteurs, qui seraient ensuite assemblés en orbiteorbite.

    Ce brusque changement implique d'importantes modifications techniques, tout cela dans un calendrier très serré. « On est en 2019 », a rappelé un sénateur... « La Nasa a souvent dans le passé manqué ses dates de lancements, c'est ce que j'essaie de changer », a répondu Jim Bridenstine. Le gouvernement Trump avait laissé filtrer son exaspération face aux retards du programme.

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    Dans sa proposition de budget, lundi, l'administration avait déjà décidé de confier au secteur privé l'assemblage de la mini-station en orbite lunaire que la Nasa veut assembler dans les années 2020, ainsi que le lancement d'une sonde vers la lune Europe de JupiterJupiter... Deux missions qui devaient initialement revenir à SLS. En pratique, seules deux fusées peuvent emporter des charges très lourdes dans l'espace actuellement : la Falcon HeavyFalcon Heavy de SpaceX et la Delta IV HeavyDelta IV Heavy de United Launch Alliance, une joint-venture entre Boeing et Lockheed Martin. La décision de marginaliser -- voire sacrifier -- SLS ne revient toutefois pas à la Nasa. La question est très politique : c'est le Congrès qui vote le budget spatial.

    Le programme SLS représente des milliers et des milliers d'emplois dans 43 États américains... 86 des 100 sénateurs sont donc concernés, à tel point que les mauvaises langues ont rebaptisé le programme « Senate Launch System ». Le budget 2020 doit être adopté dans les prochains mois.

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