L’étude de populations contemporaines de chasseurs-cueilleurs révèle que nous serions programmés pour recevoir un très haut niveau de soins affectifs durant notre petite enfance. Une attente qui ne pourrait être comblée que par l’intervention de plusieurs personnes veillant sur les besoins quotidiens de l’enfant et de la mère. Une situation bien loin de l’actuelle, dans laquelle les mères se retrouvent très souvent seules pour s’occuper de leur nourrisson.   


au sommaire


    Les neuropsychiatres sont de plus en plus nombreux à l'affirmer : un entourage affectif fort est essentiel au bon développement des nourrissons et jeunes enfants. Figure emblématique de cette thématique, Boris Cyrulnik insiste ainsi depuis de nombreuses années sur l'importance de la qualité de l'environnement affectif, notamment durant les deux premières années de vie. Une qualité qui, dans nos sociétés modernes et occidentales, n'est pourtant souvent pas au rendez-vous, notamment à cause de l'isolement très prononcé des mères à la suite de leur accouchementaccouchement.

    Un schéma familial trop réduit qui impacte la qualité de l’environnement affectif de l’enfant

    Famille non disponible, congé paternité trop court, manque d'accompagnement bienveillant, pression pour le retour au travail, absence de solution de garde..., la mère se retrouve en effet souvent seule pour faire face au défi que représente l'arrivée d'un bébé. Et force est de constater que les dépressions ou sentiments d'insécurité et de stressstress augmentent dramatiquement. Si la commission des 1 000 premiers jours de l’enfant pointait du doigt cet isolement (qui peut s'apparenter à une forme de maltraitance envers le couple mère-enfant) en préconisant un allongement du congé paternité à 9 semaines, le gouvernement n'aura finalement accordé qu'une petite rallonge au père, soit 28 jours, pour aider et soutenir la mère dans cette période difficile mais ô combien cruciale pour le développement des enfants.

    La présence du père ou de tout autre personne au quotidien est fondamentale pour aider la mère à s'occuper correctement d'un nouveau-né. © PublicDomainPictures, Pixabay, CC0 Creative Commons
    La présence du père ou de tout autre personne au quotidien est fondamentale pour aider la mère à s'occuper correctement d'un nouveau-né. © PublicDomainPictures, Pixabay, CC0 Creative Commons

    Nous serions psychologiquement programmés pour recevoir un très haut niveau de soins affectifs

    Ce schéma familial extrêmement réduit serait pourtant totalement contraire à celui développé durant des dizaines de milliers d'années par nos ancêtres. Force est de constater que les 95 % de notre histoire évolutive sont en effet marqués par la culture sociétale des chasseurs-cueilleurs. Et nous avons beau nous targuer d'être plus intelligents que nos ancêtres de la préhistoire, il y a des choses qui ne s'effacent pas en un claquement de doigt. Une nouvelle étude suggère ainsi que nous serions psychologiquement programmés pour connaître un haut niveau de soins affectifs et de contacts physiques durant nos premières années de vie. Une attention particulière qui ne serait pas portée par l'unique couple mère-père, mais bien par toute une communauté.

    Plus de 10 adultes pour s’occuper d’un seul enfant

    Les chercheurs ont ainsi étudié la façon de vivre des sociétés contemporaines de chasseurs-cueilleurs comme analogue aux sociétés préhistoriques. Il apparaît que chez les Mbendjele, un groupe ethnique vivant dans la forêt tropicaleforêt tropicale congolaise, les jeunes enfants bénéficient d'une attention affective et de contacts physiques avec plus d'une dizaine d'adultes au cours d'une journée. Le but de ces interactions : répondre le plus rapidement possible aux besoins de l'enfant mais également soutenir et accompagner la mère dans son nouveau rôle.

    La société de chasseurs-cueilleurs Mbendjele implique un grand nombre d'adultes dans les soins affectifs donnés quotidiennement aux jeunes enfants. © Dr Nikhil Chaudhary
    La société de chasseurs-cueilleurs Mbendjele implique un grand nombre d'adultes dans les soins affectifs donnés quotidiennement aux jeunes enfants. © Dr Nikhil Chaudhary

    Les chercheurs ont observé que ce système de soutien impliquant parfois plus de 20 personnes permettait de répondre à plus de la moitié des épisodes de pleurs d'un bébé. Cet accompagnement bienveillant permettrait d'augmenter notablement le bien-être de la mère, améliorant ainsi en retour la qualité des soins maternels et donc le développement psychoaffectif et cognitif de l'enfant. Malgré cette haute disponibilité de l'entourage, les chercheurs notent cependant que l'enfant bénéficie principalement de l'attention étroite d'une petite poignée de personnes, dont les parents.

    Des solutions de garde inadaptées

    Certes, des solutions de garde existent dans nos sociétés actuelles. Mais pour les auteurs de l'étude publiée dans la revue Developmental Psychology, ces solutions ne sont le plus souvent qu'une substitution temporaire aux soins parentaux, permettant simplement aux parents d'aller travailler. Il ne s'agit donc en rien d'un soutien donnant aux parents le temps de se reposer. De plus, alors que dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs plus de 10 adultes sont disponibles pour s'occuper d'un seul enfant, ce ratio est totalement inversé dans nos systèmes de garde où un adulte a souvent la charge de plusieurs enfants.

    L'étude met donc le doigt sur un véritable problème sociétal qui peut mener à des troubles du développement émotionnel et cognitif chez les enfants. Il devient donc urgent de prendre au sérieux ces considérations afin de permettre aux parents et aux enfants de recevoir le soutien dont ils ont besoin pour s'épanouir.