Même inactif, le rover chinois Zhurong continue de faire parler de lui. Il aurait en effet fourni les preuves tant attendues qu’un océan occupait bien la région boréale de Mars il y a 3,6 milliards d’années !


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    Mars la rouge aurait bien pu être bleue dans un lointain passé. C'est du moins ce que suggèrent les observations rapportées par le rover chinoisrover chinois Zhurong. Elles viennent supporter une hypothèse émise voilà plusieurs dizaines d'années à propos de l’existence passée d’un océan boréal sur la planète. Une hypothèse qui, jusqu'à présent, manquait cruellement de données recueillies in situ.

    Et c'était bien là l'une des missions de Zhurong. Collecter des preuves permettant d'affirmer ou d'infirmer la présence d'un ancien océan sur Mars. Le site d'atterrissage du rover a en effet été finement choisi pour réaliser cet objectif. En 2021, Zhurong s'est ainsi posé à l'extrémité sud d'Utopia Plain, dans l'hémisphère nordhémisphère nord de la planète, au niveau de ce qui était alors interprété comme une ancienne ligne de côte.

    Carte en projection polaire de Mars. L'étoile indique la position du rover Zhurong. Les lignes de couleur sont les différents tracés proposés pour l'ancien littoral de l'océan boréal. © <em>Science China Press</em>
    Carte en projection polaire de Mars. L'étoile indique la position du rover Zhurong. Les lignes de couleur sont les différents tracés proposés pour l'ancien littoral de l'océan boréal. © Science China Press

    Des sédiments qui portent des marques étranges mais révélatrices du passé de Mars

    Au cours de son périple de près de deux kilomètres, le rover a collecté toutes sortes d’informations, notamment grâce à sa caméra multispectrale MSCam, permettant de mieux comprendre la nature du sol dans cette région. Zhurong a ainsi étudié en détail une formation géologique nommée Vasitas Borealis. Ses caméras ont produit 106 images panoramiques qui ont permis aux scientifiques d'étudier la morphologiemorphologie de la surface et les caractéristiques structurales des roches exposées tout au long du chemin du rover.

    Les résultats ont été présentés dans un article publié dans la revue National Science Review. Et là, surprise ! Les images relayées par le rover montrent que les roches sont finement structurées et enregistrent un schéma bien connu sur Terre. Il ne s'agit pas ici de roches volcaniquesroches volcaniques, si fréquentes à la surface de Mars, mais bien de roches sédimentairesroches sédimentaires présentant des laminations obliques. Les affleurementsaffleurements étudiés sont en effet structurés par différentes unités sédimentaires qui se composent de stries obliques. L'orientation de ces stries (on parle de laminations) s'oppose cependant entre chaque unité. Cette organisation est révélatrice d'une dynamique particulière dans le dépôt des sédimentssédiments : elle indique un flux bidirectionnel qui n'est pas associé à des formations éolienneséoliennes, comme la plupart des dunes que l'on observe actuellement à la surface de Mars. Sur Terre, ces laminations obliques dont le sens alternealterne régulièrement sont en effet typiques... d’un environnement marin peu profond soumis à l’action des marées !

    Photos et interprétations des affleurements étudiés par Zhurong. On y voit la succession de laminations planes à la base, puis des laminations obliques avec des sens différents et enfin, les structures en auge au sommet de la colonne stratigraphique. © <em>Science China Press</em>
    Photos et interprétations des affleurements étudiés par Zhurong. On y voit la succession de laminations planes à la base, puis des laminations obliques avec des sens différents et enfin, les structures en auge au sommet de la colonne stratigraphique. © Science China Press

    Un courant qui va dans un sens, puis dans l’autre

    Lorsque la marée monte, le courant agence les sédiments sous forme de petites rides qui se construisent en progressant vers la côte. En coupe, on observera donc des laminations pentées vers l'océan. Lors de la marée descendante, au contraire, de nouvelles rides de sédiments vont se déposer sur les précédentes, mais en progressant cette fois vers l'océan. En coupe, on observera donc, pour cette unité sédimentaire, des laminations obliques pentées vers la côte. L'ensemble de la colonne stratigraphique montre ainsi de fines unités sédimentaires présentant des alternances d'orientation des laminations obliques. C'est exactement la configuration observée sur Mars dans la formation de Vasitas Borealis ! Mais les observations de Zhurong permettent d'aller encore plus loin dans l'analyse paléoenvironnementale.

    Magnifiques stratifications croisées dans des sédiments (terrestres) produites par les courants des marées montantes et descendantes. Le niveau du bas indique un courant vers la gauche et le niveau du haut indique un courant vers la droite. On observe exactement la même architecture sédimentaire sur Mars. © Geozz86, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0
    Magnifiques stratifications croisées dans des sédiments (terrestres) produites par les courants des marées montantes et descendantes. Le niveau du bas indique un courant vers la gauche et le niveau du haut indique un courant vers la droite. On observe exactement la même architecture sédimentaire sur Mars. © Geozz86, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    À la base de la colonne stratigraphique (partie la plus ancienne), on trouve en effet des sédiments sans laminations, indiquant un milieu de dépôt calme, non soumis à l'action des marées. Sur le haut de la colonne (partie la plus jeune), on observe au contraire des unités non planes, dont la forme en auges entrecroisées est typiquement associée au développement de petits chenaux se recoupant au fil du temps. La superposition de ces unités (planaires, laminées, puis en auge) témoigne donc d'une évolution de l'environnement côtier de ce paléo-océan, et plus particulièrement d'une régression marine (baisse relative du niveau marin).

    Interprétation du paléo-océan boréal de Mars avec la position de la colonne sédimentaire qui reflète une baisse relative du niveau marin (régression). © <em>Science China Press</em>
    Interprétation du paléo-océan boréal de Mars avec la position de la colonne sédimentaire qui reflète une baisse relative du niveau marin (régression). © Science China Press

    Ces discrètes structures sédimentaires se révèlent donc extrêmement riches en informations et apportent la preuve qu'un océan occupait bien la région boréale de Mars il y a 3,6 milliards d'années. Un résultat essentiel pour la restauration du passé de la planète et la recherche de potentielles traces de vie.