Il est espagnol, il a 33 ans, il est un des rares élus parmi 22 500 candidats : Pablo Alvarez Fernandez fait partie des cinq astronautes actifs sélectionnés en 2022 par l’Agence spatiale européenne. Découvrons avec lui son parcours.


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    Il fait partie des astronautes de carrière de la nouvelle promotion de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA), il était jusque-là ingénieur pour Airbus Defence & Space. C'est à l'occasion de l'Airbus Summit le 30 novembre 2022, qu'il accorde une interview exclusive à Futura Sciences.

    Futura : Quelles études avez-vous fait ?  

    Pablo Alvarez Fernandez : J'ai réalisé des études d'ingénieur à l'Université de Leòn (Espagne), ma ville natale. Puis je suis allé en Pologne en Erasmus pour passer un Master à l'Université de Technologie de Varsovie. 

    Au cours de votre carrière à Airbus Defence & Space, vous avez travaillé sur le projet ExoMars de l’ESA. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

    Pablo Alvarez Fernandez : Pour la mission ExoMars, j'étais un architectearchitecte mécanique. Cela veut dire que j'étais en charge des dessins techniques, des procédures d'assemblage, de la manière d'intégrer les charges utiles, et des règles liées à la contaminationcontamination biologique. Nous avons travaillé dur pour livrer dans les temps ce que nous avons fait. Malheureusement, ExoMarsExoMars n'a pas pu décoller en 2020, et non plus en 2022 à cause de la guerre en Ukraine. J'ai aussi travaillé à Toulouse dans les salles de test satellite. 

    Avant d'être sélectionné, Pablo Alvarez Fernandez a passé quelque temps en salle blanche ou à « dessiner » Exomars. © Daniel Chrétien, Futura
    Avant d'être sélectionné, Pablo Alvarez Fernandez a passé quelque temps en salle blanche ou à « dessiner » Exomars. © Daniel Chrétien, Futura

    Quelles étaient vos motivations pour devenir astronaute ? Qu’est-ce qui vous a inspiré ? 

    Pablo Alvarez Fernandez : Ma principale inspiration était l'astronaute espagnol Pedro Duque [2 missions spatiales, ndlr]. Bien sûr, quand on est enfant, on rêve tous de devenir astronaute mais on ne croit jamais en faire un jour son métier. Quand j'ai vu l'ESA ouvrir une première sélection en 2008, j'ai pensé que c'était un train à ne pas rater, et j'étais destiné à le prendre un jour. 

    Comment avez-vous préparé votre candidature ? 

    Pablo Alvarez Fernandez : Il m'a fallu au moins trois semaines pour préparer mon CV et ma lettre de motivation. J'ai demandé leur avis à tous mes amis qui travaillent dans le spatial et chacun a apporté sa petite touche. Quand j'ai appris que l'on était plus de 22 000 candidats, j'ai beaucoup travaillé et étudié pour me préparer au processus de sélection. 

    Justement, comment s’est déroulée cette sélection ? 

    Pablo Alvarez Fernandez : C'était très dur, surtout l'attente. Après chaque étape, chaque entretien ou test médical, il fallait attendre en se demandant si l'on a réussi ou pas. Il y avait aussi plusieurs tests psychologiques très intéressants. C'était parfois basé sur des vrais scénarios où les astronautes doivent quitter l'ISS, parfois purement spéculatifs. Mais j'ai beaucoup apprécié. 

    Comment s’est passé votre ultime entretien avec Josef Aschbacher, directeur général de l’ESA ? 

    Pablo Alvarez Fernandez : C'était génial. Josef Aschbacher était très content de tous nous recevoir à Paris [siège social de l'ESA, ndlr]. Il nous a posé beaucoup de questions, jouant parfois « good cop/bad cop » [bon flic/mauvais flic, ndlr]. J'avais un bon feeling en sortant de l'entretien.

    Comment avez-vous appris votre sélection ?

    Pablo Alvarez Fernandez : J'ai reçu un appel de la part du directeur général Joseph Aschbacher. Je n'ai pas pu lui répondre, tellement l'émotion était forte. Je pouvais à peine retenir mes larmeslarmes. C'était sans doute un des meilleurs moments de ma vie.  

    L'ESA présente la nouvelle génération d'astronautes. © ESA
    L'ESA présente la nouvelle génération d'astronautes. © ESA

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    Quel est le programme maintenant ? Que va-t-il se passer pour vous ces prochaines années ? 

    Pablo Alvarez Fernandez : D'abord, l'entraînement de base débutera en avril. Cela va durer toute une année. Ensuite, commence l'entraînement « incrémentiel », où vous avez de plus en plus d'expérience avec les différents modules de la station spatiale internationale. Après, on attend d'être assigné à une mission. Il faudra alors deux ans de plus pour s'y entraîner et s'y préparer.  

    L’entraînement s’annonce dur !

    Pablo Alvarez Fernandez : Je suis plus que prêt ! 

    Certaines situations au cours de vos futures missions nécessiteront de garder la tête froide, et de rester concentré malgré le danger. Êtes-vous déjà prêt à ça ? 

    Pablo Alvarez Fernandez : Au cours du processus de sélection, on regarde comment vous réagissez à ce genre de situation. J'ai déjà vécu quelques expériences, bien qu'elles ne soient pas aussi extrêmes. Ça m'a fait prendre parfois des décisions qui n'étaient pas forcément les plus intelligentes mais je sais que ces expériences m'ont aidé. 

    Avez-vous déjà une préférence du vaisseau spatial que vous aimeriez piloter ? 

    Pablo Alvarez Fernandez : J'aurais bien sûr adoré voler à bord de la navette spatiale américaine comme l'a fait Pedro Duque. Mais je saute dans n'importe quel vaisseau car chacun est un magnifique bijou de technologie. J'espère quand même qu'un jour je pourrais être à bord du vaisseau OrionOrion, sur lequel mes collègues ont travaillé très dur [Airbus Defence & Space est le maître d'œuvremaître d'œuvre du module de service du vaisseau, ndlr].

    L'astronaute Pedro Duque lors de son premier vol à bord de la navette spatiale Discovery au cours de la mission STS-95. D'ailleurs, l'équipage comptait un certain John Glenn, le tout premier Américain à avoir fait un vol orbital. © Nasa
    L'astronaute Pedro Duque lors de son premier vol à bord de la navette spatiale Discovery au cours de la mission STS-95. D'ailleurs, l'équipage comptait un certain John Glenn, le tout premier Américain à avoir fait un vol orbital. © Nasa

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    Comment sont choisis les astronautes et quelles sont les missions qui les attendent ?

    Il faudra avoir déjà volé une ou deux fois avant de faire une mission lunaire. 

    Pablo Alvarez Fernandez : Tout à fait. Pour le moment, les astronautes de la promotion de 2009 sont ceux qui sont prêts à voler à bord d'Orion et à faire une mission lunaire. Nous, nous sommes les « rookies » (les débutants). Nous avons un long chemin à parcourir avec des entraînements et des missions dans l'ISS avant de penser à cela. 

    Quand pourriez-vous faire un premier vol ? 

    Pablo Alvarez Fernandez : Le plus tôt serait 2026, mais c'est très peu probable. J'espère avant 2030, car la collaboration de l'ESA à l'ISS va jusque-là. 

    Quel message souhaiteriez-vous passer à la future génération qui voudrait un jour devenir astronaute ? 

    Pablo Alvarez Fernandez : Ne laissez jamais personne vous dire que vous ne pouvez pas accomplir vos rêves. Il faut toujours les suivre, se battre pour eux. Soyez sincère avec votre travail, mettez tous vos efforts et votre cœur dans vos rêves, et ils se réaliseront.  

     Pablo Alvarez Fernandez. © P. Sebirot, ESA
     Pablo Alvarez Fernandez. © P. Sebirot, ESA