L'eskétamine est un nouveau médicament qui sera bientôt disponible pour les patients américains. Se présentant sous forme de spray nasal, il sera proposé à des personnes chez qui les autres médicaments sont inefficaces.


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    L'agence américaine du médicament (FDA) a donné son feufeu vert pour la vente de l'eskétamine. Cette moléculemolécule, commercialisée sous forme de spray nasal, doit soulager des patients adultes dont la dépression résiste aux molécules actuellement disponibles, comme le Prozac par exemple. Le nouveau médicament sera vendu aux États-Unis sous le nom de Spravato, produit par le laboratoire Janssen qui regroupe les activités pharmaceutiques de Johnson & Johnson, et ne pourra être pris que sous surveillance médicale en raison de possibles effets secondaires.

    « C'est une évolution majeure dans le traitement de la dépression », souligne auprès de l'AFP le docteur Pierre de Maricourt, chef de service de l'hôpital Sainte-Anne à Paris, qui a participé à deux des essais cliniques de phase 3 financés par Janssen, concernant les patients atteints de dépression résistante aux traitements habituels et la lutte contre les risques imminents de suicide chez les déprimésdéprimés. Selon les spécialistes, la dernière évolution majeure dans le traitement de la dépression remonte à une trentaine d'années et la mise sur le marché de la fluoxétine (Prozac).

    C'est une évolution majeure dans le traitement de la dépression

    « Notre programme de recherche très complet sur l'eskétamine sous forme de spray nasal démontre un profil risques-bénéfices positif pour des adultes souffrant d'une dépression résistant aux traitements actuels », a indiqué Husseini K. Manji, responsable des thérapies dans le domaine des neurosciences chez Janssen. Selon le laboratoire, la molécule a également démontré qu'elle permettait de combattre les pensées suicidaires.

    Le saviez-vous ?

    Selon l'Organisation mondiale de la santé, quelque 300 millions de personnes dans le monde souffrent de dépression, une maladie qui limite la capacité à mener une vie quotidienne normale mais dont la gravité est souvent sous-estimée ou confondue avec une déprime passagère. Les cas les plus graves peuvent mener au suicide : « Chaque année, près de 800.000 personnes meurent en se suicidant. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans », note l'OMS sur la page consacrée à la maladie, soulignant aussi que moins de la moitié des personnes affectées dans le monde bénéficient des traitements existants.

    Mi-février, un panel d'experts avait donné à la FDA un avis positif, par 14 voix contre 2 et une abstention, pour la commercialisation de l'eskétamine en se basant sur une dizaine d'études. Parmi ces études, cinq essais de phase 3 devaient déterminer l'efficacité de la molécule sur des patients jugés résistants aux antidépresseurs existants. La FDA juge qu'un patient tombe dans cette catégorie si au moins deux traitements se montrent inefficaces. Un tiers des personnes dépressives ne répondent pas aux traitements actuels.

    Un traitement plus rapide délivré sous contrôle médical

    L'eskétamine agit très vite - au bout de quelques jours seulement - comparée à la plupart des antidépresseurs commercialisés actuellement, qui peuvent mettre plusieurs semaines avant d'avoir un effet.

    300 millions de personnes souffrent de dépression dans le monde. © Rido, Fotolia
    300 millions de personnes souffrent de dépression dans le monde. © Rido, Fotolia

    Une des craintes suscitées par l'utilisation de l'eskétamine réside dans les possibles effets secondaires. En effet, la kétamine, parfois surnommée « Special K » ou Kit Kat ou encore vitamine K est utilisée comme une droguedrogue euphorisante qui intensifie les perceptions sensorielles, mais elle peut aussi parfois mener à un sentiment de dissociation, de sortie de son propre corps.

    Selon le laboratoire, cet effet a été observé pendant les tests cliniques moins d'une heure après la prise du médicament, quand les patients étaient encore sous surveillance des équipes médicales, et il se dissipe le même jour. Pour cette raison, « ce sera a priori un traitement à délivrance hospitalière en raison de la nécessité d'une surveillance du patient dans l'heure qui suit l'administration du médicament. On ne le prend pas tous les jours et pas à la maison », explique le docteur de Maricourt. Le médicament pourra être inhalé une ou deux fois par semaine, selon le laboratoire, qui juge aussi que le risque d'addictionaddiction, également évoqué, ne s'est pas concrétisé lors des essais cliniques.

    Kim Witczak, qui représente les consommateurs dans le panel de la FDA et qui dénonce les effets secondaires d'antidépresseurs depuis la mort de son mari, a voté contre l'autorisation de mise sur le marchéautorisation de mise sur le marché. Elle estime que Janssen « a précipité la mise sur le marché de l'eskétamine sous forme de spray nasal ». Janssen a également déposé une demande de mise sur le marché auprès de l'Agence européenne des médicaments en octobre 2018.