L’intelligence artificielle deviendra-t-elle le futur Big Brother des Big Datas médicaux ou bien représente-t-elle une promesse d’un nouveau challenge médical au service de l’humain ?

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    Le récent rapport de Cédric Villani sur l'intelligence artificielleintelligence artificielle (IA) cible différents axes de développement parmi lesquels la santé. Dans ce domaine, la logique proposée est de faire émerger des applicationsapplications et des usages contribuant à améliorer les performances économiques tout en étant au service du bien collectif. Cela peut paraître très stimulant et on ne peut qu'apprécier que nos figures tutélaires aient une vision d'avenir dépassant un quinquennat.

    Miser sur la santé ne peut que me satisfaire et cette option est à même de stimuler les vocations. Il faut des agitateurs d'idées et ce rapport peut en être un. Mieux détecter les pathologies, mieux coordonner les différents acteurs de santé avec un dossier médical partagé qui ne joue plus l'arlésienne. Rappelons-nous le flop économique inadmissible du carnet médical sur papier que bon nombre de nos concitoyens (dont moi) ont jeté à la poubelle à l'heure de la montée en puissance de l'informatique.

    Dans son dernier essai passionnant, La symphonie du vivant, Joël de RosnayJoël de Rosnay évoque la médecine « 4P », pour personnalisée, préventive, prédictive et participative, ainsi qu'un « patient augmenté ». La médecine connaît une nouvelle révolution, celle de la cartographie de nos gènes. On entre dans l'intime. On parle de microbiote, de plasticitéplasticité des organes, de dialogues inter-organes, on parle de ce qui est le plus important de nous.

    On quitte les consignes générales, les protocolesprotocoles stéréotypés et l'alignement des patients sur une seule rangée où on parle à chacun la même langue et où les mêmes normes s'appliquent à tous sans tenir compte des spécificités individuelles. On arrive enfin à cette médecine personnalisée avec des conseils élaborés sur la foi d'analyses biologiques, d'imagerie médicale et ainsi faire en sorte que les conseils et les thérapeutiques soient personnalisés. On parle au patient, ce qui est quand même le but des médecins...

    La salle d'opération du futur ? © Dr SJS, sasint, Pixabay, DP

    La salle d'opération du futur ? © Dr SJS, sasint, Pixabay, DP

    Rester près de l'humain, voire s'en approcher encore

    Toutes ces données vont être collectées, agrégées puis analysées grâce à des capteurscapteurs externes comme les applications santé « serious game » contenues dans les smartphones, des capteurs internes de glycémie sous-cutanéssous-cutanés, etc. On mesure nos paramètres vitaux en temps réel, on évalue également notre environnement via les mesures de pollution, du bruit.

    Ces banques de données ne risquent-elles pas de nous échapper et un Big Brother ne va-t-il pas s'en emparer ? Ces intelligences artificielles sont-elles encore humaines et ne dépersonnaliseront-elles pas les entités humaines ? On nous dit que le dossier médical partagé (DMP) sera un espace de collecte sécurisé « où les individus pourraient stocker leurs données, en ajouter eux-mêmes, autoriser leurs partages à d'autres acteurs et les récupérer pour en créer d'autres usages ». Le partage des données n'est-il pas la voie ouverte à une rupture du secret médical ?

    L’intelligence artificielle ne doit être qu’une aide

    Les questions d'éthique ne vont pas manquer et le débat promet d'être tumultueux. Il faut éduquer le patient, ainsi que le médecin et le législateur. L'intelligence artificielle peut être un acteur majeur du futur médical au service du patient, donc de l'humain. Il est hors de question de faire sortir l'humain de cette évolution-révolution. Le médecin doit pouvoir conserver le particularisme de l'entretien médical en tête à tête dans le secret du cabinet.

    L'intelligence artificielle ne doit être qu'une aide apportée au thérapeute pour s'approcher encore plus de l'humain. Le problème majeur de notre société est que le temps sociétal n'est pas le même que le temps humain. Et tout va très vite. Trop vite ? Cela risque de modifier l'ADN sociétal et l'humain sera peut-être le perdant.

    Le scénario du film AI intelligence artificielle avait été imaginé par Stanley Kubrick et adapté à sa mort par Steven Spielberg. Je n'aimerais pas qu'on mette dans cette intelligence artificielle l'esprit maléfique de Shining...