Une équipe de scientifiques a étudié des données sur la communauté des Tsimané en Bolivie, et en particulier le rôle d’un gène lié à Alzheimer sur plusieurs mesures de fécondité. Les résultats expliqueraient pourquoi nous avons conservé ce gène ancestral malgré ses effets néfastes.
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Dans les populations européennes, l'allèle de l'apolipoprotéine-ε4 (APOE-ε4) est associé à une augmentation du risque de développer la maladie d'Alzheimer ou une maladie cardiovasculaire. Pourtant, l'allèle de ce gène ancestral est présent chez 5 à 45 % de la population mondiale. Pourquoi un allèle qui impacte négativement la vie d'une personne au cours de son vieillissement n'a pas déjà été éliminé par la sélection naturelle ? Il s'agit d'une énigme évolutive qu'une équipe interdisciplinaire a tenté de résoudre.
La fécondité particulière du peuple indigène Tsimané
Les auteurs de l'étude publiée dans Science Advances ont travaillé avec une population à la féconditéfécondité « naturelle » : le peuple indigèneindigène Tsimané de l’Amazonie bolivienne. Son mode de vie de chasseurs-cueilleurschasseurs-cueilleurs est plus proche de celui des humains d'avant la révolution industrielle que des Occidentaux d'aujourd'hui, ce qui offre un aperçu de la santé et du vieillissement sans les influences modernes.
Cette approche sous l'angle de l'anthropologie évolutionniste est détaillée dans l'étude intitulée « L'apolipoprotéine-ε4 est associée à une fécondité plus élevée dans une population à fécondité naturelle ». Les chercheurs ont recueilli des données auprès de 795 femmes du peuple Tsimané de 13 à 90 ans, dont 20 % sont porteuses de l'APOE-ε4. L'anthropologue Benjamin Trumble a déclaré : « Ce que nous avons constaté dans cette population, c'est que les femmes commençaient à se reproduire presque un an plus tôt si elles avaient l'allèle APOE-ε4 et que les intervalles entre les naissances étaient plus courts. Ces deux facteurs combinés leur permettent d'avoir environ un demi-enfant supplémentaire si elles ont une copie de l'allèle ou deux enfants supplémentaires si elles ont deux copies. »
L'avantage de cet allèle sur la fertilité - au début ou au milieu d'une vie - pourrait donc expliquer pourquoi il est encore transmis à la descendance aujourd'hui. « Les gènes associés à des maladies qui surviennent après l'âge de la reproduction sont dans "l'ombre de la sélection". De nombreux arguments ont été avancés au sujet de l'allèle APOE-ε4, selon lesquels il pourrait s'agir d'un exemple de l'ombre de la sélection, à savoir que l'on ne développe la maladie d'Alzheimer qu'après avoir eu tous ses enfants », a précisé le professeur.
Une expression génétique modulée par le mode de vie
Cependant, l'effet négatif de cet allèle sur Alzheimer est surtout observé dans les pays occidentaux. Malgré une prévalenceprévalence de 20 % de l'allèle APOE-ε4 dans leur population, les Tsimané ont les taux de démencedémence les plus bas au monde d'après des recherches menées l'année dernière. Sur 623 adultes de plus de 60 ans, la prévalence de la maladie d'Alzheimer était d'environ 1,2 % chez les Tsimané, contre 8 à 11 % aux États-Unis.
Cela signifie que l'expression des gènes dépend de l'environnement et du mode de vie. « Nos résultats s'ajoutent à une littérature de plus en plus abondante suggérant la nécessité d'étudier les populations vivant dans des environnements pertinents du point de vue ancestral, afin d'évaluer comment les allèles délétères dans les environnements urbains sédentaires ont pu être maintenus par la sélection tout au long de l'histoire de l'évolution de l'humanité », concluent les chercheurs.