Les collectionneurs connaissent certainement les quartz des Alpes, dont certains spécimens sont parmi les plus beaux minéraux au monde. La présence de ces cristaux de roche n’a cependant rien du hasard et est intimement liée à l’activité tectonique qui caractérise cette chaîne de montagnes.


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    Si les Alpes sont célèbres pour leurs massifs, elles le sont aussi pour les cristaux de quartz qu'ils renferment. Aujourd'hui prisés des collectionneurs, les quartz des Alpes étaient déjà connus des Romains, Pline l'AncienPline l'Ancien y faisant référence dans ces écrits. Car ces « cristaux de roche », comme on les appelle parfois, n'ont rien à envier aux plus fameux gisements mondiaux, comme ceux de Madagascar, du Brésil ou des États-Unis. Certains spécimens présentent en effet une esthétique remarquable, comme cette croix composée de deux cristaux qui s'interpénètrent (une macle) et qui est exposée au musée des minérauxminéraux et de la faune des Alpes de Bourg-Saint-Maurice en Savoie.

    Impressionnant spécimen de quartz maclé en croix provenant des Alpes, exposé au musée de Bourg-Saint-Maurice. © 2004 Pierre Thomas (planet-terre.ens-lyon.fr)
    Impressionnant spécimen de quartz maclé en croix provenant des Alpes, exposé au musée de Bourg-Saint-Maurice. © 2004 Pierre Thomas (planet-terre.ens-lyon.fr)

    Quartz des Alpes : des bijoux aux lustres de Versailles

    Un gisement alpin en particulier a produit de nombreux échantillons remarquables quant à leur pureté et leur cristallisation. Il s'agit du gisement de La Gardette, en Isère. Les quartz qui en ont été extraits par de multiples générations de « cristalliers » ont depuis longtemps été exploités pour fabriquer des bijoux, des vases... mais également pour la fabrication des lustres d'apparat du château de Versailles ! Pour la petite histoire, c'est d'ailleurs un cristallier, Jacques Balmat (1762-1834) qui gravit en premier le mont Blanc le 8 août 1786, habitué qu'il était à arpenter le massif à la recherche des précieux cristaux.

    Exemplaire de quartz des Alpes trouvé dans la célèbre mine de La Gardette, France. © Rob Lavinsky, iRocks.com, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Exemplaire de quartz des Alpes trouvé dans la célèbre mine de La Gardette, France. © Rob Lavinsky, iRocks.com, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Il ne faut pas se méprendre cependant. S'il est fréquent de trouver des fragments mal cristallisés provenant de veines de quartz, la découverte de beaux cristaux n'est pas à la portée du premier randonneur venu. Pour les trouver, il faut être bien équipé et surtout, savoir où chercher. Notons au passage que la collecte de cristaux de quartz est fortement réglementée afin d'empêcher le pillage sauvage de cette richesse naturelle des Alpes. Seuls des chercheurs de cristaux professionnels sont autorisés et suivant des pratiques bien encadrées. Hors de question désormais de prospecter à l'explosif et de ramasser des centaines de kilos de cristaux, comme ce fut le cas dans les années 1970.

    Pour avoir des chances de trouver les plus beaux cristaux, les chercheurs ont d'abord besoin de savoir comment ceux-ci se forment.

    Une croissance dans des « fours à cristaux »

    La forme parfaite des quartz des Alpes témoigne de conditions optimales de cristallisation au sein d'environnements protégés. Les cristaux ont ainsi grandi au sein de cavités (géodes, encore communément appelés « fours à cristaux » dans ce cas précis) plus ou moins grandes qui se trouvent au milieu de filons ou de lentilleslentilles remplis de quartz amorpheamorphe. Les filons et lentilles peuvent être horizontaux ou verticaux. Ceux du Dauphinois et du Briançonnais datent principalement du MiocèneMiocène.

    Les réseaux de filons et lentilles représentent des fentes de tension qui résultent des contraintes tectoniques qui s'appliquent sur les roches formant le massif des Alpes. Du quartz va alors cristalliser à l'intérieur de ces fractures grâce à la circulation des fluides. Parfois, ce remplissage est uniforme et va combler entièrement la fracture, formant un filon ou une lentille de quartz. Mais il arrive que le remplissage ne soit que partiel, menant à la formation de cavités de tailles très diverses. Ces cavités vont alors présenter un environnement protégé possédant des conditions stables dans lesquelles les cristaux de quartz vont pouvoir pousser en toute sécurité et de manière optimale, d'où l'idée de « four à cristaux ». La croissance des cristaux se fait grâce à la percolationpercolation de fluide à travers le filon de quartz amorphe.

    Les cristaux exceptionnels de la mine de La Gardette

    Les fours à cristaux les plus recherchés se trouvent généralement dans les massifs du mont Blanc et de l'Oisans. Ils se forment au sein de filons et de lentilles isolés, de taille modeste. Il en existe cependant de bien plus grands. Le quartz y est alors souvent associé à d'autres minéraux et plus particulièrement à des minerais métalliques (galène, sidéritesidérite, chalcopyrite, or natif). Ces grands filons ont été exploités depuis le Moyen Âge. La mine de La Gardette, à Bourg d'Oisans, en Isère, est une de ces mines.

    Le filon de quartz mesurait ici de 0,50 à 1 mètre de large. Il a d'abord été exploité pour l'or natif qu'il contenait, avant qu'il ne produise parmi les plus beaux cristaux de quartz du monde. Le filon a été exploité sur 120 mètres de haut et 500 mètres de large jusqu'à la fermeture de la mine en 1901. Il contenait d'énormes géodesgéodes dont les parois étaient tapissées de cristaux de quartz extrêmement limpides à la forme remarquablement parfaite. Cette mine a même délivré des cristaux maclés bien spécifiques. On parle ainsi aujourd'hui de macle de La Gardette pour définir deux cristaux qui s'assemblent entre eux avec un angle presque droit, de 84,33°.

    Exemple de macle dite de La Gardette. © Rob Lavinsky, iRocks.com, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Exemple de macle dite de La Gardette. © Rob Lavinsky, iRocks.com, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0