La crise de la quarantaine n’est pas le propre de l’Homme puisque nous la partagerions avec les grands singes. C’est ce que vient de révéler une étude menée sur plus de 500 chimpanzés et orangs-outans maintenus en captivité dans le monde entier. 

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    De nombreux humains ressentiraient une diminution de leur bien-être vers le milieu de leur vie, indépendamment de leur statut social ou de leur niveau de santé. Cette période, appelée « crise de la quarantaine » dans les sociétés occidentales, se situe souvent entre la 35e et la 50e année et intrigue de nombreux chercheurs car ses causes ne sont pas encore connues. Plusieurs facteurs économiques et sociaux pourraient intervenir, par exemple des difficultés financières ou l'incapacité à réaliser ses ambitions. Une question peut dès lors être posée : cherche-t-on les causes au bon endroit ? 

    Pour certains scientifiques, le facteur déclenchant pourrait être d'ordre biologique. Afin de le prouver, Alexander Weiss de l'université d'Édimbourg a étudié l'évolution du bien-être durant la vie de grands singes maintenus en captivité au sein d'institutions du monde entier. Ses conclusions viennent d'être publiées dans la revue Pnas. Elles sont sans appel : nous partagerions la crise de la quarantaine avec nos cousins hominidés !

    Courbes de bien-être pour chaque échantillon de grands singes étudié (A, B et C ; voir dans le texte pour les détails) et pour l’ensemble de ces primates (en bas à droite) en fonction de l’âge. Plus la valeur en ordonnée est grande, mieux l’animal se sent. © Adapté de Weiss <em>et al.</em> 2012, <em>Pnas</em>

    Courbes de bien-être pour chaque échantillon de grands singes étudié (A, B et C ; voir dans le texte pour les détails) et pour l’ensemble de ces primates (en bas à droite) en fonction de l’âge. Plus la valeur en ordonnée est grande, mieux l’animal se sent. © Adapté de Weiss et al. 2012, Pnas

    Le bonheur des singes évolue comme celui de l’Homme

    Des informations ont été récoltées pour 508 primates répartis en 3 groupes. Les deux premiers se composaient de chimpanzés hébergés dans des zoos ou des centres de recherche japonais (155 singes) ou australiens et américains (181 individus). Le troisième groupe incluait des orangs-outans du monde entier (172 spécimens). Pour chaque primateprimate, les gardiens ont dû remplir un questionnaire visant à évaluer 4 critères : l'humeur générale de l'animal, le plaisir tiré de sa vie en communauté, les efforts fournis pour atteindre des objectifs (par exemple prendre de la nourriture dans une boîte fermée) et enfin le bonheur du gardien s'il était à la place de son protégé. 

    La courbe retraçant l'évolution du bien-être des grands singes au cours du temps affiche une forme en U similaire à celle obtenue pour l'Homme. Les chimpanzés et orangs-outans sont en effet heureux durant leur jeunesse et la seconde moitié de leur vie, mais ils affichent de nombreuses insatisfactions entre 28 et 35 ans, période équivalente à notre quarantaine. La crise de milieu de vie pourrait donc être déclenchée par un facteur biologique. Son origine serait à rechercher parmi les nombreuses caractéristiques partagées avec nos cousins.

    Les causes de la crise de la quarantaine encore à déterminer

    L'auteur a tenu à préciser qu'il était conscient de l'anthropomorphisme de ses travaux. Cependant, sa méthodologie a déjà été validée par le passé, notamment en croisant des informations fournies par plusieurs gardiens pour un même animal. Certains scientifiques regrettent déjà, sans remettre en cause les conclusions de l'étude, que des données plus objectives, par exemple des mesures de taux hormonaux, n'aient pas été réalisées. 

    Toutes les explications tentant de justifier l'existence de ce changement d'humeur relèvent pour le moment de la spéculation. En revanche, il est évident que des facteurs sociaux et économiques interviennent dans le déroulement de la crise. Comme le dit l'auteur en évoquant l'Homme, « je ne pense pas que vous ayez déjà vu des chimpanzés acheter de belles voituresvoitures rouges ! »...