Développer des procédés de biotechnologie pour la conservation de la faune sauvage. Tel est l’objectif d’un curieux laboratoire installé au sein de la Réserve de la Haute-Touche, parc zoologique du Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN) situé dans le parc naturel régional de la Brenne, dans l'Indre (en région Centre-Val de Loire). Cet enquête est normalement réservée aux abonné(e)s de Futura. 


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    C’est le grand jour à la Réserve zoologique de la Haute-Touche. Pas moins de six soigneurs, vétérinaires et scientifiques se pressent dans les locaux où doit se dérouler la délicate opération prévue pour ce matin : une récolte d’ovocytes (ou ovules) de « markhor », un caprin des montagnes d’Asie centrale et d’Afghanistan, classé parmi les espèces « Quasi-menacées » de la liste rouge de l’IUCN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Une à une, les trois femelles qui vont participer à l’expérience sont extraites des caisses, anesthésiées, pesées, auscultées et intubées avant d’être transportées les quatre pattes en l’air jusqu’à la salle de soins où, assisté du technicien de recherche Colin Vion, Yann Locatelli officie en tenue de chirurgien. Guidé par l’image d’un endoscope diffusée sur un écran, le biologiste, chercheur au MNHN et directeur adjoint de la Réserve zoologique incise les parois abdominales, fouille les tractus génitaux et pique les parties violacées des ovaires pour aspirer l’intérieur des follicules à l’aide d’une seringue. Son but : « récupérer du matériel en vue d’une fécondation in vitro (FIV), obtenir des embryons de markhors puis les transférer sur des chèvres domestiques (ou des hybrides chèvres-markhors, comme dans cette expérience-là, ndlr) afin d’aboutir à des naissances et ainsi participer à la conservation de ce bouquetin sauvage, dont les effectifs au niveau de la sous-espèce Capra falconeri heptneri ne dépassent pas les 700 individus en liberté. »

    Confier à des espèces communes le soin de porter les bébés d’autres menacées d’extinction ? Yann Locatelli est arrivé à démontrer que ce déroutant projet est faisable. Le markhor né en 2022 d’une mère-porteuse chèvre par la curieuse méthode de gestation pour autrui qu’il a mis au point lui a servi de preuve : il est une première mondiale en matière de conservation et d’élevage. Jusque là, seul un gaur (bœuf sauvage d'Asie du Sud-Est) avait pu être produit par le truchement d’une vache. Mais il s’agissait d’un clone et non d’un individu crée en mélangeant le patrimoine génétique d’une mère et d’un père par des techniques de fécondation in vitro, comme pour le petit caprin que l’on apercevra un peu plus tard gambader dans un enclot avec cinq de ses congénères...

    Yann Locatelli, directeur adjoint et responsable du programme de recherche de la réserve de la Haute-Touche. Ce biologiste s’est spécialisé dans l’étude de la reproduction et du cycle sexuel d’espèces menacées.
    Yann Locatelli, directeur adjoint et responsable du programme de recherche de la réserve de la Haute-Touche. Ce biologiste s’est spécialisé dans l’étude de la reproduction et du cycle sexuel d’espèces menacées.

    Situé dans l’Indre, dans une réserve de 150 hectares où le public peut admirer pas moins de 1500 animaux issus de 125 espèces différentes, dont vingt de cervidés, le laboratoire spécialisé dans l’exploitation des biotechnologies pour la protection de la faune est sans équivalent en France. Il est la seule structure de ce type attachée à un parc zoologique, autorisée à réaliser des expérimentations sur des animaux sauvages. La vocation de cette institution créée en 2001 ? « Mettre au point des procédés de conservation des espèces en danger ». On ne le répétera jamais assez : celles-ci sont toujours plus nombreuses. La situation est devenue à ce point désespérée que certains animaux ne survivent plus que dans les zoos. C’est le cas du Cheval de Prjevaski, de l’Oryx algazelle ou encore du Cerf du père David dont Yann Locatelli montre plusieurs spécimens dans un pré depuis une plateforme d’observation récemment aménagée à l’intention des visiteurs. D’autres, tels que le Cerf d’Eld du Siam ou le Daim de Mésopotamie sont en voie d’extinction dans leurs milieux naturels. D’où la mise en place, depuis les années 1980, par l’Association européenne des zoos et des aquariums (EAZA) de « Programmes d’élevages européens » (EEP) destinés à maintenir les effectifs et la qualité (en termes de consanguinité et de diversité génétique) de certaines des espèces conservées dans les parcs à un niveau susceptible de permettre une éventuelle réintroduction.
    Problème, explique Yann Locatelli : « la mise en œuvre de ces...


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