Alors que la COP15 sur la biodiversité se tient actuellement à Montréal, un rapport alerte sur l’urgence de mettre en place une stratégie globale pour un usage durable des espèces marines sauvages.


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    S'il est urgent que nous agissions pour éviter une dérégulation totale du climat, la dégradation rapide de la biodiversité doit être une autre de nos préoccupations majeures. Car l'activité humaine impacte sévèrement de nombreuses espèces, notamment aquatiques. Pollution du milieu marin mais surtout surexploitation de certaines populations ont en effet entraîné une baisse drastique de la biodiversité marine ces dernières décennies. Si les techniques de pêche intensive affaiblissent certaines espèces que nous consommons, elles mènent également à la capture accidentelle d'autres espèces déjà vulnérables. C'est le cas notamment des requins et des raies, dont 34 % des espèces sont actuellement en état de forte vulnérabilité, voire en danger d'extinction à cause de ces pratiques de pêche.

    Les pratiques de pêche intensive mènent à l'affaiblissement des populations que nous consommons mais également d'autres espèces, qui sont piégées accidentellement dans les filets. © C. Ortiz Rojas, Wikimedia Commons, domaine public
    Les pratiques de pêche intensive mènent à l'affaiblissement des populations que nous consommons mais également d'autres espèces, qui sont piégées accidentellement dans les filets. © C. Ortiz Rojas, Wikimedia Commons, domaine public

    Assurer la préservation des espèces marines, c’est assurer notre survie

    Quelque 7 500 espèces de poissons et de vertébrésvertébrés aquatiques sont en effet concernées par l'industrie de la pêche. C'est donc une part très importante des 10 à 12 000 espèces que nous exploitons pour notre usage alimentaire. En juillet dernier, un rapport de l’Ipbes (plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) sur l'utilisation durable des espèces sauvages alertait sur le fait que l'humanité ne dépendait ainsi, pour sa survie, que de 50 000 espèces sauvages. Notre avenir dépend donc en grande partie de notre capacité à conserver ces espèces tout en assurant un usage durable et raisonné pour notre alimentation.

    Une opération difficile mais qui semble possible, d'après les chercheurs de l'Ifremer, si l'on met rapidement en place des mesures de préservation appropriées, notamment pour les espèces déjà en surexploitation.

    Il est possible de faire marche arrière grâce à une gestion raisonnée et durable de la pêche

    C'est le cas par exemple pour le thon rouge. Pêché depuis l'Antiquité, le thonthon a, depuis les années 1980, fait les frais d'une surpêchesurpêche, résultat d'une augmentation incontrôlée de la demande. Dès 1990, des institutions avaient d'ailleurs alerté sur l'état critique de l'espèce. Il aura cependant fallu attendre 2010 pour assister à l'adoption d'un plan visant notamment à une réduction des prises d'environ 40 % et imposant une série de mesures pour assurer la régénération de l'espèce. Force est de constater que depuis, grâce à ces restrictions, la population de thon rougethon rouge a réussi à se reconstituer. Elle est aujourd'hui exploitée de façon considérée comme durable. Cet exemple montre qu'il est tout à fait possible de faire marche arrière et d'enrayer les cas de surexploitation.

    L'explosion de la demande en thon rouge a failli mener à l'effondrement de l'espèce. © Cafe Nervosa, Wikimedia Commons, CC BY-SA 2.5
    L'explosion de la demande en thon rouge a failli mener à l'effondrement de l'espèce. © Cafe Nervosa, Wikimedia Commons, CC BY-SA 2.5

    Malheureusement, l'Ipbes souligne que de nombreuses pêcheries artisanales dans le monde ne fonctionnent pas sur une logique de durabilitédurabilité. Les mesures de gestion mises en place ne sont en effet pas toujours respectées, car jugées trop restrictives par les pêcheurs qui dépendent essentiellement de cette exploitation pour vivre. Dans certains cas, l'implication directe des pêcheurs traditionnels, avec la mise en place d'une gestion communautaire prenant en compte les aspects socio-économiques de la pêche dans certaines régions très dépendantes, a toutefois donné de bons résultats, avec une régénération rapide des populations de poissons. Cette stratégie impliquant des acteurs locaux dans la gestion de la pêche a ainsi permis de reconstituer les populations de pirarucupirarucu dans le bassin amazonien, une espèce jusqu'alors menacée d'effondrementeffondrement.

    L’importance d’anticiper l’impact du réchauffement climatique

    Les chercheurs soulignent le fait que cet objectif de gestion durable des espèces consommées va devoir rapidement prendre en compte les effets du réchauffement climatiqueréchauffement climatique, qui impacte lui aussi sévèrement de nombreuses espèces marines. D'ici à 2100, le changement du climat pourrait ainsi faire baisser de 15 % les prises de pêche. Afin de gérer au mieux la pêche des espèces les plus menacées par le changement climatique et d'adapter la législation en amont de toute surexploitation, il est donc urgent d'anticiper leur évolution dans ce contexte. C'est l'objectif de plusieurs projets de recherche, comme FORESEA 2050, dont le but est de proposer des scénarios pour la mise en place d'une pêche commerciale durable à l'horizon 2050, en prenant en compte le contexte global.

    Ces préoccupations font partie intégrante des discussions qui ont lieu en ce moment à Montréal dans le cadre de la COP15 sur la biodiversité.