Un étonnant genre de batracien s'est diversifié sur l'île des Célèbes, en Indonésie, haut lieu de la biodiversité. À la différence de la plupart de ses congénères, cette espèce ne pond pas des ovules ou des œufs fécondés mais des larves à la métamorphose déjà bien avancée.

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    Découvert en 1996, le genre Limnonectes, endémique du Sulawesi, a divergé en plusieurs espèces qui se sont adaptées à différents habitats et régimes alimentaires. Ces grenouilles pèsent entre 2 et 900 g. Seules 4 des 25 espèces estimées sont réellement connues. Ici, un adulte et deux têtards (cercle jaune). © Djoko T. Iskandar, Ben J. Evans, Jimmy A. McGuire, Wikimedia, CC by-sa 4.0

    Découvert en 1996, le genre Limnonectes, endémique du Sulawesi, a divergé en plusieurs espèces qui se sont adaptées à différents habitats et régimes alimentaires. Ces grenouilles pèsent entre 2 et 900 g. Seules 4 des 25 espèces estimées sont réellement connues. Ici, un adulte et deux têtards (cercle jaune). © Djoko T. Iskandar, Ben J. Evans, Jimmy A. McGuire, Wikimedia, CC by-sa 4.0

    Une grenouille pourvue de crocs et qui donne directement naissance à des têtards : un cas unique dans l'histoire des amphibiens. Découverte il y a plusieurs années dans la forêt équatoriale du Sulawesi, une île indonésienne à l'est de Bornéo, le batracienbatracien baptisé Limnonectes larvaepartus n'avait curieusement fait l'objet d'aucune publication scientifique. C'est à présent chose faite dans le journal Plos One.

    Son découvreur, le zoologistezoologiste Djoko Iskandar, de l'école des Sciences de la Vie et des Technologies de Bandung (Indonésie), avait émis l'hypothèse d'un mode de reproduction très particulier chez cette espèce de batracien, à savoir, une fécondation interne et la mise au monde de têtards. Aujourd'hui, son confrère, Jimmy McGuire, en a apporté la preuve visuelle. Cet herpétologue à l'université de Californie (États-Unis) est le co-auteur de l'article scientifique. Lors d'une expédition nocturne, l'été dernier, il capture une femelle d'environ 5 cm. « Dès que je l'ai ramassée, elle a répandu des têtards dans toute ma main », se souvient-il.

    La découverte reste une exception dans le monde des anoures. En effet, la plupart des quelque 6.500 espèces connues à ce jour se reproduisent par fécondation et développement des œufs externes, c'est-à-dire que le mâle dépose sa semence sur les ovulesovules déjà pondus par la femelle. La formation des organismes n'a lieu que par la suite.

    Les têtards de <em>Limnonectes larvaepartus</em> mesurent 1,5 cm de long à la naissance et se développent dans de petites mares en forêt humide. Leur géniteur pourrait les surveiller après leur mise au monde par la femelle. © Djoko T. Iskandar, Ben J. Evans, Jimmy A. McGuire, Wikimedia, CC by-sa 4.0

    Les têtards de Limnonectes larvaepartus mesurent 1,5 cm de long à la naissance et se développent dans de petites mares en forêt humide. Leur géniteur pourrait les surveiller après leur mise au monde par la femelle. © Djoko T. Iskandar, Ben J. Evans, Jimmy A. McGuire, Wikimedia, CC by-sa 4.0

    Une fécondation interne qui reste incomprise

    Les chercheurs avaient déjà découvert d'autres espèces capables d'incuber leurs œufs dans leur dos, sous un repli de leur peau, puis de libérer de petites grenouilles de 2 cm, entièrement métamorphosées, comme sait le faire la spectaculaire Pipa pipa ou crapaud du Suriname (voir la vidéo).

    Il existe aussi une douzaine d'espèces à fécondation interne. Le mâle de la grenouille à queue Ascaphus truei, aux États-Unis et au Canada, possède ainsi une expansion de son cloaquecloaque qu'il insère dans la femelle pour y déposer son spermesperme. Celle-ci pond alors ses œufs sous les pierres des ruisseaux où les têtards mettent deux ans à atteindre leur forme adulte. Dans le cas de notre espèce indonésienne, reste à savoir comment le mâle s'y prend pour féconder la femelle.