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Durant l'été 2011, des étudiants en biochimiebiochimie de l'université de Yale ont passé deux semaines en Équateur, dans la forêt amazonienne. Leur but était de récupérer des organismes endophytes, c'est-à-dire des champignons et des bactériesbactéries vivant à l'intérieur des plantes. Revenue aux États-Unis, une partie de l'équipe a étudié la résistancerésistance de plusieurs champignons à des résidus de matière plastiquematière plastique. Avec surprise, le groupe de Pria Anand a repéré un champignon ascomycète, Pestalotiopsis microspora, qui semblait dévorer un certain plastique, en l'occurrence le polyuréthane (ou polyuréthanne en bon français, d'autant qu'il ne se compose pas d'éthane). Ce polymèrepolymère d'uréthane (un carbamatecarbamate), encore appelé PU ou PUR, est très utilisé dans l'industrie pour la fabrication de mousses isolantes, de colles ou de peintures, sans oublier le Lycra, les roues de patins à roulettes et bien d'autres usages.
Considéré comme chimiquement inerte, le polyuréthane représente une masse de déchets considérable. Les polyuréthanes sont pour la plupart thermodurcissablesthermodurcissables, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être recyclés.
Une étudiante dans la forêt amazonienne en Équateur lors de l'édition 2010 de l'expédition annuelle organisée par le laboratoire de Scott Strobel, de l'université de Yale. © Scott A. Strobel Laboratory
Le champignon se nourrit vraiment de plastique
Pourtant, dans les boîtes de Petri, les biochimistesbiochimistes ont découvert que deux souches de P. microspora faisaient disparaître les petits morceaux de PUR et semblaient même dépendantes de ce plastique pour leur approvisionnement en carbonecarbone ! Jonathan Russel a, lui, étudié l'arsenal enzymatiqueenzymatique de ces champignons et a découvert l'enzymeenzyme responsable de cette prouesse, en l'occurrence une hydrolasehydrolase à sérinesérine. Cette enzyme a de plus le bon goût de fonctionner en l'absence d'oxygène, une caractéristique précieuse dans une station d'épuration. C'est la première fois que l'on découvre un organisme capable d'une telle dégradation d'un plastique et ce en milieu anaérobie.
Ce champignon fait donc bien mieux que les trois souches étudiées par des chercheurs indiens depuis 2010 pour dégrader le polycarbonate (ou BPABPA), une matière très utilisée et contenant le dangereux bisphénol A.
Est-ce à dire que Pestalotiopsis microspora va prochainement être essaimé dans toutes les stations d'épuration du monde ? Les chercheurs, qui n'en sont qu'à la publication des premiers résultats dans Applied and Environmental Microbiology, se gardent d'une telle prédiction, se contentant de conclure que la découverte démontre l'intérêt d'étudier les endophytes pour dénicher des fonctions biochimiques intéressantes.