Tout comme la vitesse de la lumière est supposée indépassable, le zéro absolu est considéré comme inatteignable en physique. En réalité, c'est un théorème dont une démonstration plus solide et plus générale vient d'être trouvée.

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    La thermodynamique a été développée initialement sur des principes gouvernant les échanges de chaleur et de travail avec des systèmes physiques, en particulier quand il s'agit de moteurs. Elle reposait sur des mesures macroscopiques et des définitions de ce qu'il fallait entendre par pression, température, chaleur et travail totalement indépendamment de la structure atomique de la matière. Ces grandeurs étaient reliées par ce qu'on appelle des formes différentielles. Cette science héritée des travaux de Carnot, Clausius et KelvinKelvin a probablement été mise sous sa forme la plus aboutie par le mathématicienmathématicien grec Constantin Carathéodory (1873-1950) en 1909, quand il en a donné une formulation axiomatique en utilisant une approche purement géométrique.

    De la thermodynamique à la mécanique statistique

    Mais vers la fin du XIXe siècle, deux géants de la physique, l'Autrichien Ludwig Eduard Boltzmann et l'États-Unien Josiah Willard Gibbs ont réussi à dériver les principes et les équationséquations de la thermodynamique à partir des lois de la mécanique, du calcul des probabilités, et surtout de l'hypothèse de l'existence des atomes. La nouvelle discipline qu'ils ont créée s'appelle la mécanique statistique, et avec la mécanique quantiquemécanique quantique et la théorie de la relativité généralerelativité générale, elle forme les trois piliers de toute la physique moderne. Boltzmann s'en était notamment servie pour ses travaux sur la théorie cinétique des gazgaz et pour découvrir une célèbre formule donnant l'entropieentropie d'un gaz (et plus généralement d'un système physique) en fonction du nombre d'états microscopiques, ou nombre de configurations (encore appelé nombre de complexions), définissant l'état d'équilibre d'un système donné au niveau macroscopique.

    Constantin Carathéodory (1873-1950) est un mathématicien grec auteur d’importants travaux en analyse fonctionnelle, calcul des variations et théorie de la mesure mais qui s’est aussi illustré en physique théorique. © DP

    Constantin Carathéodory (1873-1950) est un mathématicien grec auteur d’importants travaux en analyse fonctionnelle, calcul des variations et théorie de la mesure mais qui s’est aussi illustré en physique théorique. © DP

    Les travaux de Boltzmann, décriés par beaucoup de ses contemporains qui ne croyaient pas à l'existence des atomesatomes, ont permis à PlanckPlanck et EinsteinEinstein de découvrir la quantificationquantification de l'énergieénergie et du rayonnement avec le problème du corps noir. Bien que reposant sur des bases mathématiques problématiques (par exemple avec l'hypothèse d'ergodicité), la mécanique statistique de Boltzmann et de Gibbs s'est finalement largement imposée au début du XXe siècle. Une version quantique en a été donnée dans les années 1930 par von Neumann et Landau.

    On pourrait croire tout de même que les fondements de la thermodynamique sont désormais bien établis, que ce n'est plus un sujet de recherche et que les physiciensphysiciens et les ingénieurs se contentent d'en déduire de nouvelles conclusions et applicationsapplications. En réalité, ce n'est pas vraiment le cas comme cela a été vu par exemple il y a quelques années avec le rebondissement concernant le concept de température négative. Un article paru récemment dans Nature Communications montre aussi, pour ceux qui l'ignoraient, que des questions et des débats sont toujours d'actualités quant aux fondations de la thermodynamique, notamment lorsque que l'on est confronté à la mécanique statistique quantique.

    Le troisième principe de la thermodynamique et la théorie de l’information

    En l'occurrence, il s'agissait d'un débat concernant le troisième principe de la thermodynamiquetroisième principe de la thermodynamique encore appelé parfois le théorème de Nernstthéorème de Nernst du nom du prix Nobel de chimiechimie allemand Walther Nernst qui a été le premier à l'introduire en 1906. Le premier principe est celui qui indique que l'énergie se conserve, bien que sous différentes formes, et qu'elle ne peut ni être détruite ni créée. Le second principe concerne la capacité à produire du travail avec de la chaleur, pour faire simple, et il introduit la notion d'entropie. Le troisième précise certaines propriétés de l'entropie et il peut s'énoncer de plusieurs façons. L'une d'elles consiste à affirmer que l'entropie de tout corps cristallisé au zéro absoluzéro absolu est nulle. Mais l'autre, et c'est celle qui nous intéresse, stipule qu'il est impossible d'atteindre le zéro absolu en utilisant une série finie de transformations thermodynamiques, ou plus prosaïquement, qu'il est impossible à l'Homme d'atteindre le zéro absolu tout comme le premier et le second principe conduisent à l'impossibilité du mouvementmouvement perpétuel.

    Walther Hermann Nernst (1864-1941) est un physicien et chimiste allemand, lauréat du prix Nobel de chimie de 1920, pour ses travaux en électrochimie, thermodynamique, chimie du solide et photochimie. © DP

    Walther Hermann Nernst (1864-1941) est un physicien et chimiste allemand, lauréat du prix Nobel de chimie de 1920, pour ses travaux en électrochimie, thermodynamique, chimie du solide et photochimie. © DP

    Toutefois, certaines des hypothèses qui conduisaient à dériver le théorème de Nersnt dans le cadre de la mécanique statistique quantique ne satisfaisaient pas certains chercheurs. Dans l'article publié, Jonathan Oppenheim et Lluís Masanes de la célèbre University College of London pensent avoir enfin écarté toutes les objections et fourni une démonstration solidesolide du théorème de Nersnt.

    La notion d'entropie est aussi liée à celle d'information, comme l'ont montré Claude Shannon, Leó Szilard et Rolf Landauer. Les deux chercheurs ont donc plongé la démonstration du théorème de Nernst dans des considérations tirées de l'information quantique, ce qui leur a permis de relier le nombre d'étapes physique pour refroidir un système à des raisonnements portant sur le nombre d'étapes pour effectuer des calculs et surtout à la vitessevitesse de ces étapes.

    De cette manière, il leur est apparu que des contraintes très générales sur les vitesses des opérations nécessaires pour refroidir un système en lui retirant à chaque fois un peu de chaleur ne permettaient pas d'atteindre le zéro absolu en un temps fini. Ce qui est bien conforme à l'une des facettes du troisième principe de la thermodynamique.