Faut-il rendre accessible le génome de la grippe espagnole de 1918 ? Francis Pisani a raison de donner de l'audience à ce débat, car il est emblématique de celui qui traverse l'internet depuis quelques années sur les bienfaits ou les méfaits de l'Open Access.

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    Explications : le génomegénome complet de l'épidémieépidémie du virus responsable de l'épidémie de "grippe espagnolegrippe espagnole" (H1N1), qui tua plus de 20 millions de personnes dans le monde en 1918, est disponible sur l'internet. "C'est une folie" , clament Ray Kurzweil et Bill Joy dans un éditorial publié par le New York Times . Selon eux, il est désormais plus facile de créer et produire ce virus à partir des informations publiées qu'il ne le serait de créer et produire une bombe atomique, pour un résultat qui pourrait être tout autant, voire plus catastrophique. "On devrait traiter le séquençageséquençage générique de pathologiespathologies virales avec autant de précautions que la conception d'armes nucléaires" .

    Jamais Cascio de WorldChanging, dans un billet intitulé "la sécurité par la connaissance ", répond point par point à leur inquiétude légitime. Il réaffirme sa confiance dans la plus grande circulation possible des connaissances en étant rassurant sur la dangerosité relative du H1N1 aujourd'hui. Et de rappeler qu'étudier sa nature, - le H1N1 était aussi une grippe aviairegrippe aviaire qui avait muté jusqu'à contaminer les êtres humains -, peut nous permettre de mieux comprendre l'évolution du H5N1H5N1 qui nous menace. Pour lui, c'est la libre circulation des connaissances disponibles sur le SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévèreSyndrome respiratoire aigu sévère) qui a permis à un réseau de scientifiques de trouver très vite les moyens de limiter son influence. La disponibilité rapide d'information sur le SRAS a eu pour résultat que de nombreux chercheurs à travers le monde ont été capables de mieux comprendre le virus, de développer et tester des traitements d'une manière plus efficace et rapide qu'ils n'auraient pu le faire autrement.

    Caisco estime que la publication du génome de la grippe de 1918 "est beaucoup plus utile pour ceux qui essaient de nous défendre des pandémiespandémies que pour la poignée de ceux qui pourraient essayer de nous attaquer" . Il va plus loin : "L'accès ouvert et global aux informations fondamentales sur les virus et les pathologies ne nous met pas en danger, mais renforce notre pouvoir. Parce que les scientifiques ont séquencé et publié le génome de la grippe de 1918, les efforts pour comprendre les mécanismes donneront aux chercheurs un point de départpoint de départ indispensable pour trouver des traitement et combattre la pandémie à venir."

    Le débat ne repose pas sur l'opposition entre propriété et ouverture, entre libre accès et copyright comme on le voit souvent, mais dépasse le cadre caricatural de la propriété pour interroger l'accès à la connaissance, sa sécurité et sa pérennité. Il pose surtout la question du rôle qu'entretien le secret et la non-information sur la connaissance.

    Il manque peut-être à la démonstration convaincante de Jamais Caisco, la preuve irréfutable que la santé publique est mieux garantie par la divulgation du génome que le contraire. L'occasion d'apporter cette preuve sera peut-être donnée par les conséquences et avancées scientifiques que cette publication va permettre en terme de délais de recherche et d'accès par des biologistes du monde entier.