Dans un contexte de logements de plus en plus rares et inaccessibles pour ceux qui ne présentent pas les garanties nécessaires, le réseau d’agences immobilières Gestia Solidaire essaie de rendre l’immobilier accessible à tous.
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Selon le 28e rapport annuel que vient de publier la Fondation Abbé Pierre, 14 823 000 millions de personnes connaissent des difficultés de logement en France : 4,1 millions de personnes mal logées, c'est-à-dire privées de logement personnel ou vivant dans des conditions de logement très difficiles, auxquelles s'ajoutent les 12,1 millions de personnes fragilisées par rapport au logement. Gestia Solidaire a donc été créée en faveur d'un secteur plus responsable, comme l'explique Anne-Sophie Thomas, sa cofondatrice et CEO.
Futura : Quelle est votre solution ?
Anne-Sophie Thomas : Gestia Solidaire se positionne à mi-chemin entre une agence immobilière classique et un bailleur social, en conciliant les besoins de rentabilité et de sécurité des propriétaires avec ceux des locataires qui présentent moins de garanties. Notre mission est donc d'aider les 8 millions de locataires « invisibles », étudiants sans garant, actifs sans CDI et familles monoparentales avec de petits revenus qui ne parviennent pas à se loger. Du côté des propriétaires, en plus de la philanthropie, nous montrons que la location solidaire peut être aussi rentable avec des loyers moindres mais compensés par les aides de l'État. Nous souhaitons aussi co-construire les logements intermédiaires de demain avec les acteurs du logement : promoteurs, bailleurs privés et publics.
Futura : Pourquoi votre initiative peut changer le monde ?
Anne-Sophie Thomas : La situation de l’immobilier en France est difficile et tend à se durcir selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre. Alors que le logement est le premier poste de dépense des Français, la hausse des prix de l'immobilier fragilise encore plus la situation, d'autant plus avec cette inflation galopante qui réduit le pouvoir d'achat. Notre intention n'est pas de remplacer l'État, qui doit jouer son rôle de régulateur, mais au contraire d'intervenir en complément, faire mieux connaître les nombreux dispositifs qui existent et ainsi faire porter l'effort national par le privé.
Futura : Pensez-vous que des solutions comme AirBnB aient aggravé la situation ?
Anne-Sophie Thomas : Des solutions comme AirBnB auraient pu être de bonnes opportunités si elles n'avaient pas été poussées à leur extrême. Elles incitent les propriétaires à spéculer sur des biens dans des secteurs déjà en tension, notamment les grandes villes, avec des abattements fiscaux jusqu'à 71 %. Cela a déréglé encore plus le marché. Il ne s'agit pas pour autant de les interdire, il faut un équilibre dans tout, juste qu'elles reviennent à l'essence même de leur création, une sorte de solution de couch surfing.
Futura : Comment a grandi le projet ?
Anne-Sophie Thomas : Après un master en droit immobilier et un MBA en gestion urbaine et immobilière, j'ai eu six ans d'expérience professionnelle dans l'immobilier solidaire. J'ai cofondé Gestia Solidaire en mars 2020mars 2020 suite à un concours remporté avec French Tech Tremplin qui nous a permis de financer le démarrage et d'être accompagné sur les parties finances, comptabilité et marketing. Sans ce dispositif, il est vrai qu'il est difficile de démarrer sans réseau et de rentrer dans les grilles d'analyse des fonds d'investissement qui reposent encore sur des profils traditionnels. Nous avons ainsi pu commencer à tester nos services et démarcher les propriétaires et les bailleurs sociaux.
Futura : Alors que de nombreux secteurs sont ouverts aux initiatives à impact, la proptech semble encore timide sur le sujet. Comment l’expliquez-vous ?
Anne-Sophie Thomas : Le secteur de l'immobilier s'est digitalisé à partir des années 2000 sur les parties promotion, gestion, conseil et a su saisir les opportunités législatives sur l'environnement. Mais le marché est en telle tension avec une rentabilité forte que les propriétaires ne se posent souvent pas la question de l'immobilier solidaire tant que ça ne devient pas une contrainte.
Futura : Quelle est la suite de l’histoire ?
Anne-Sophie Thomas : Nous voulons tout simplement devenir les leaders de l'investissement et de la location responsable en France. Pour le moment présent, à Lyon et Paris, nous allons donc continuer notre déploiement dans les principales métropoles, Marseille, Bordeaux, Lille mais aussi dans les départements d'outre-mer, dans lesquels la donne est un peu différente mais où nous pouvons avoir une action significative.
Futura : Si vous étiez Première ministre, quelle mesure phare mettriez-vous en place ?
Anne-Sophie Thomas : Il existe selon moi un hiatus entre la planification quinquennale des mesures en faveur du logement et le nécessaire temps plus long des chantiers à l'horizon parfois de plusieurs décennies. Par ailleurs, même si de nombreuses avancées ont été réalisées depuis quelques années, il reste encore beaucoup à faire par exemple sur la décentralisation des décisions pour permettre aux communes ou aux régions de faciliter les permis de construire et ainsi tenir les objectifs nationaux. En tant que Première ministre, j'essaierais aussi de rendre un peu plus puissantes les lois de défiscalisation, de mieux les faire connaître, mais aussi de résoudre certaines incohérences sur les niches fiscales comme celle de la location meublée, qui incitent les propriétaires à se tourner vers la rentabilité au détriment du logement pour tous.
Futura : À quoi va ressembler le monde en 2050 ?
Anne-Sophie Thomas : Je constate que beaucoup de choses évoluent sur de nombreux volets. Nous assistons à un changement de paradigme qui questionne énormément le modèle purement capitaliste pour rééquilibrer société, environnement et économie. En 2050, je pense, et le souhaite fortement, que nous aurons évolué sur notre manière d'appréhender toutes ces questions.
Futura : Quel sujet d'actualité de Futura vous a passionnée ?
Anne-Sophie Thomas : L'article « Antarctique, une clé de voûte du monde en péril ? » parce que la crise climatique est un enjeu plus que d'actualité. J'ai un combat tourné vers le social. Mais aujourd'hui, il ne faut pas oublier l'enjeu climatique. Il faut vulgariser et informer sur le sujet. J'ai été passionné par cet article car il met en avant la fragilité de notre écosystèmeécosystème et la puissance de la nature à s'autoréguler. Dans cet article, on comprend parfaitement que l'être humain est le problème. C'est un peu une répétition des erreurs humaines de toujours vouloir pousser tous les modèles à l'outrance pour gagner en productivité et la lucrativité. Et détruire par la même occasion son lieu de vie.