Depuis plusieurs années, le constructeur canadien D-Wave assure avoir fabriqué le premier ordinateur quantique. Cette fois, la machine aurait trouvé un client, et non des moindres : Lockheed Martin, fabricant d’avions, de fusées, de drones et de missiles. Dans le même temps, l’entreprise publie un article scientifique décrivant un ordinateur quantique… mais ce n’est pas le même.

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    En 2007, l'entreprise canadienne D-Wave annonçait à la surprise générale la réalisation d'un ordinateur quantiqueordinateur quantique fonctionnel, baptisé OrionOrion. L'accueil fut plutôt réservé devant l'absence de preuves que la physique quantiquephysique quantique était pour quelque chose dans le fonctionnement d'Orion et cette machine n'a jamais vu le jour.

    L'informatique quantique en est effectivement encore au stade du laboratoire mais promet beaucoup, en offrant une puissance de calcul phénoménale et surtout un mode de fonctionnement très différent de celui d'un ordinateur classique. Les unités d'informations ne sont pas représentées par des bits (binary digits, donc des chiffres binaires, 0 ou 1) mais par des qubitsqubits (quantum bits). Eux aussi ont deux états possibles, 0 ou 1, mais ils peuvent se trouver dans les deux états à la fois. Cette particularité permet des calculs parallèles massifs et, pour certains problèmes, comme le décryptage d'un message codé, ou encore la simulation de phénomènes physiques, elle accélère considérablement les opérations.

    Les plus grands noms de l'informatique mondiale y travaillent avec ferveur depuis les années 1990. L'un des enjeux est de trouver un bon support  physique pour ces qubits puis de parvenir à écrie une donnée et enfin à la lire. En somme, le tout début du début... En avril dernier par exemple, des physiciensphysiciens autrichiens annonçaient avec fierté un système comprenant 14 qubits, prenant la forme d'atomesatomes de calciumcalcium. Ils battaient ainsi un record mondial, mais restent encore très loin de ce qu'il faudrait pour réaliser un ordinateur véritable.

    Payer pour voir ?

    C'est pourquoi cette nouvelle annonce de D-Wave d'un ordinateur qui comporterait 128 qubits et serait capable d'effectuer certains calculs laisse de nouveau les commentateurs sceptiques. Pourtant, un communiqué de presse annonce que l'entreprise américaine de défense et de sécurité Lockheed Martin serait prête à l'acheter, « avec un contrat portant sur plusieurs années pour la maintenance ». On parle de 10 millions de dollars et la question est de savoir ce que Lockheed a vraiment acheté. D-Wave assure que son ordinateur est idéal pour « le test de logiciels, l'analyse de risques financiers, l'analyse d'opinion, la reconnaissance d'images, l'analyse d'images médicales ou la bio-informatique ». Les performances réelles sont inconnues mais on peut aussi remarquer qu'une somme de 10 millions de dollars n'est pas une grosse dépense pour un fabricant d'avions et de matériels militaires en tout genre. Lockheed Martin a pu, comme au poker, payer pour voir...

    Dans le même temps, D-Wave a publié dans Nature un article scientifique décrivant ses récentes avancées dans le domaine, avec la réalisation d'un système à 8 qubits, qui aurait démontré un fonctionnement réellement quantique, et saurait suivre une méthode de calcul d'optimisation particulière, une version quantique (quantum annealing) des algorithmes basés sur le recuit simulé. Le travail semble différent de la réalisation de l'ordinateur qui séduit Lockheed Martin. Le scepticisme est donc toujours de rigueur, comme l'expliquent plusieurs scientifiques qui s'expriment dans Science.