En Biélorussie, des cyber-activistes connus sous le nom de Belarus Cyber Partisans sont parvenus à pirater pratiquement toute l'administration mise en place par Alexandre Loukachenko. Leur objectif : fragiliser le dictateur à la tête du pays depuis 1994, en publiant des preuves des crimes commis par les autorités.


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    Depuis la victoire contestée du président biélorusse Loukachenko aux élections présidentielles en août 2020, les manifestations massives ont été violemment écrasées par le pouvoir. Au total, plus de 27.000 personnes ont été arrêtées et souvent condamnées à de lourdes peines de prison. Mais depuis 1994, le « code » a changé pour le dirigeant autoritaire, qui s'accroche au pouvoir et en use depuis près de trente ans. L'utilisation d'Internet est moins aisée à mater que les manifestations et c'est désormais une cyberguerre que mènent les opposants au régime. Ainsi, des cyber-activistes connus sous le nom de Belarus Cyber ​​Partisans, égrainent publiquement des informations collectées directement dans des dizaines de bases de données des différentes administrations du régime. Dès septembre dernier, ils avaient ainsi publié les noms et les informations personnelles de plus de 1.000 policiers biélorusses de haut rang.

    Les données collectées sont également constituées d'innombrables preuves de crimes commises par la police. Les informations montrent également que les autorités masquent le véritable taux de mortalité de Covid-19 dans le pays. Les hackers sont aussi en leur possession de nombreux fichiers audio d'enregistrements compromettants pour le pouvoir et notamment les services de police. Leur dernière série d'attaques leur a permis de récupérer des images filmées par drones de la répression des manifestations, ainsi que la liste des numéros de téléphone surveillés par le régime. Ils auraient aussi accès aux caméras de surveillance placées dans les centres de détention.

     

    Les activistes publient régulièrement les données collectées sur le canal <em>Telegram Nexta</em> qui est utilisé pour coordonner les manifestations et informer les opposants au régime. © Futura
    Les activistes publient régulièrement les données collectées sur le canal Telegram Nexta qui est utilisé pour coordonner les manifestations et informer les opposants au régime. © Futura

    Des cyber-activistes soutenus par des agents à l’intérieur du pouvoir

    Pour le moment, les éléments publiés ne représenteraient qu'une infime partie des données collectées, puisque les activistes affirment avoir piraté pratiquement tous les serveursserveurs de l'administration du dictateur. Il s'agirait d'ailleurs de la plus grosse opération de piratage menée contre le pays.

    Interrogé par MIT Technology Review, le porteporte-parole du groupe de cyber-activistes a indiqué vouloir ramener le pays à l'état de droit et arrêter la violence que mène le régime sur la population. Le groupe serait constitué d'une quinzaine d'experts informatiques issus des startups du pays. Parmi les membres de ce groupe, seuls quatre mèneraient véritablement les opérations de piratage, les autres planchent sur le travail de tri et d'analyse des données.

    Le problème pour Loukachenko, c'est que ces pirates n'agissent pas seuls et ne se considèrent même pas comme de véritables hackers. Si les données fuitent de tous les ministères, c'est parce qu'ils bénéficient de soutiens à l'intérieur même du régime depuis des mois. Des agents de police et des renseignements, ainsi que des fonctionnaires haut placés de l'État en poste, ou exilés forment ainsi un groupe baptisé BYPO. Et c'est ce groupe qui guide les pirates pour qu'ils puissent collecter le maximum de données compromettantes pour le pouvoir. Face à cette armée de l'ombre insaisissable, ce pouvoir qui ne sait répondre que par la violence, reste totalement désemparé. C'est certainement sur le réseau que la révolution biélorusse va se poursuivre, à moins qu'il ne soit coupé.