À la fin du XVe siècle, la France est le royaume le plus puissant d’Europe. L’Angleterre émerge de la guerre des Deux Roses, le Saint Empire germanique est une entité politique très morcelée, l’Espagne est divisée en plusieurs royaumes et l’Italie constitue un ensemble de petits États dont la seule unité est linguistique et culturelle. Dans un tel contexte, aucun État ne peut rivaliser seul avec la France, ce qui incite le roi Charles VIII, en 1494, à partir conquérir le royaume de Naples, occupé par le roi Ferdinand d’Aragon.


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    L'origine des revendications françaises sur Naples remonte au XIIIe siècle, lorsque le frère de Saint Louis, Charles d'Anjou, s'empare du royaume napolitain ; il en est cependant chassé par une révolte en 1282. La maison d'Anjou estime, depuis cette date, avoir des droits sur le royaume de Naples et elle est incorporée au domaine royal de Louis XI en 1481, après la mort de René d'Anjou. Louis XI ne s'intéresse pas à l'Italie et c'est Charles VIII qui va reprendre pour la couronne de France, la question des prétentions angevines sur Naples.

    Portrait du roi de France Charles VIII, école française XVI<sup>e</sup> siècle. Musée Condé, Chantilly. © RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly), René-Gabriel Ojéda
    Portrait du roi de France Charles VIII, école française XVIe siècle. Musée Condé, Chantilly. © RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly), René-Gabriel Ojéda

    Charles VIII entre dans Naples avec son armée en mai 1495 mais l'expédition est un véritable échec puisqu'il se retrouve face à une alliance entre le pape, la puissante ville de Venise, l'empereur germanique Maximilien de Habsbourg et Ferdinand d’Aragon. Son successeur, Louis XII, souhaite s'impliquer politiquement et militairement dans le nord de l'Italie car il estime avoir des droits sur le duché de MilanMilan, par la succession de sa mère. En 1498, Louis XII se proclame duc de Milan et son armée part à la conquête du Milanais en 1500, puis du royaume de Naples l'année suivante (à nouveau perdu en 1503).

    Louis XII se fait piéger par les subtilités de la diplomatie italienne et le pape Jules II l'entraîne d'abord dans une guerre contre la république de Venise. Puis, en 1511, Jules II crée la Sainte Ligue, alliance entre la papauté, les cantons suisses, Venise, Ferdinand d'Aragon, puis le roi d'Angleterre Henry VIII et l'empereur germanique Maximilien (en 1512), pour chasser les Français d'Italie. Après la difficile victoire de Ravenne en avril 1512, l'armée de Louis XII est battue à Novare en juin 1513 et doit évacuer le duché de Milan. 

    Le roi de France Louis XII en armure, campagne d'Italie entre janvier et mai 1507 ; enluminure extraite du <em>Voyage de Gênes</em> par Jean Marot. Bibliothèque nationale de France, département manuscrits français 5091, folio 15 verso. © <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Le roi de France Louis XII en armure, campagne d'Italie entre janvier et mai 1507 ; enluminure extraite du Voyage de Gênes par Jean Marot. Bibliothèque nationale de France, département manuscrits français 5091, folio 15 verso. © Wikimedia Commons, domaine public

    Le rêve italien

    François Ier succède à Louis XII en janvier 1515 et manifeste rapidement son intention de récupérer le duché de Milan. La première étape est celle de la diplomatie : en reconnaissant et en réglant les dettes de la France au roi d'Angleterre, François Ier neutralise Henry VIII. Les choses sont nettement plus délicates avec l'empereur germanique Maximilien qui souhaite récupérer le duché de Bourgogne pour son petit-fils Charles (futur Charles Quint) alors que le territoire est intégré au domaine royal français depuis 1482. En mars 1515, est signée une promesse de mariage entre Charles et Renée de France, fille de Louis XII : le mariage ne se fait pas et il y a dédommagement territorial par la livraison de plusieurs villes du nord de la France à la maison des Habsbourg.

    Les préparatifs militaires débutent au mois de mai 1515 ; François Ier réussit à sceller une nouvelle alliance avec la république de Venise et traverse les Alpes à la tête de l'armée royale début août. Cependant, des négociations avec les Suisses, le pape et le royaume de Naples se poursuivent et un projet de traité est même élaboré début septembre. Devant l'échec des négociations et la division des troupes suisses, François Ier dirige l'armée vers Milan.

    Armure équestre de François I<sup>er</sup>, réalisée par un armurier autrichien vers 1540 (le roi ne l'a donc pas portée à Marignan). Exemplaire exceptionnel conservé au musée de l'Armée, Hôtel des Invalides, Paris. © RMN-Grand Palais, Pascal Segrette
    Armure équestre de François Ier, réalisée par un armurier autrichien vers 1540 (le roi ne l'a donc pas portée à Marignan). Exemplaire exceptionnel conservé au musée de l'Armée, Hôtel des Invalides, Paris. © RMN-Grand Palais, Pascal Segrette

    François Ier a mobilisé une armée de 60.000 hommes, composée également de mercenaires allemands et d'alliés vénitiens. En face, les Suisses et les Milanais sont soutenus par la papauté. Le camp français est établi à Marignan, à une dizaine de kilomètres au sud-est de Milan. Marignan est l'une des premières batailles où l'artillerie militaire est utilisée de manière décisive. La combinaison des trois armes - cavalerie, infanterie et artillerie - est un vrai succès face aux troupes adverses essentiellement composées d'unités de fantassins. Malgré les difficultés d'utilisation (lenteur, lourdeur, positionnement), les canons sont dévastateurs : la bataille fait près de 16.000 morts.

    <em>Bataille de Marignan</em> par le Maître de la Ratière, XVI<sup>e</sup> siècle. Les soldats suisses sont à droite, blasons des treize cantons en arrière-plan ; en avant-plan au centre, on devine le roi de France (parure fleurs de lys sur fond bleu) sur son cheval au milieu de la bataille.  Musée Condé, château de Chantilly. © <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Bataille de Marignan par le Maître de la Ratière, XVIe siècle. Les soldats suisses sont à droite, blasons des treize cantons en arrière-plan ; en avant-plan au centre, on devine le roi de France (parure fleurs de lys sur fond bleu) sur son cheval au milieu de la bataille.  Musée Condé, château de Chantilly. © Wikimedia Commons, domaine public

    Les conséquences de Marignan

    La victoire de Marignan, le 14 septembre 1515, demeure dans les mémoires du fait de ses conséquences territoriales, politiques et culturelles. C'est un grand succès diplomatique pour le roi et pour la France. François Ier prend rapidement le contrôle de la Lombardie qu'il conserve jusqu'à la défaite de Pavie en 1525. En août 1516, François et Charles signent le traité de Noyon qui confirme pour François Ier, la possession du Milanais. Le 13 octobre, il signe le traité de Viterbe avec le pape : Léon X reconnaît l'autorité du roi de France sur le duché de Milan et lui offre Parme et Plaisance, en échange de son soutien contre Venise.

    <em>La bataille de Marignan</em> par Alexandre Evariste Fragonard en 1836. Château de Versailles, Galerie des Batailles. © RMN-Grand Palais, Jean -Luc Manaï.
    La bataille de Marignan par Alexandre Evariste Fragonard en 1836. Château de Versailles, Galerie des Batailles. © RMN-Grand Palais, Jean -Luc Manaï.
    • François Ier signe la « Paix perpétuelle » de Fribourg, le 29 novembre 1516, avec l'ensemble des cantons suisses (ils sont treize) ; ce traité reste en vigueur jusqu'à l'invasion de la Confédération helvétique par l'armée révolutionnaire française en 1792. Il oblige les Suisses à ne jamais s'engager militairement dans une alliance hostile à la France. Le roi octroie 700.000 écus d'or de dédommagements aux cantons helvétiques.
    • Les relations entre le roi de France et le pape doivent être redéfinies : l'accord du pape est indispensable pour l'acquisition durable des conquêtes. Le Concordat de Bologne signé le 18 août 1516, va régir les relations entre le royaume de France et la papauté jusqu'à la Révolution française. Désormais, le roi, chef temporel de l'Église de France, nomme les évêques et archevêques qui sont confirmés par le pape.
    • Léonard de Vinci vient s'installer en France en 1516 ; cela fait vingt ans que la France courtise l'artiste car Charles VIII et Louis XII ont déjà tenté de le débaucher. François Ier va inviter l'artiste à venir en France après Marignan : il lui octroie une confortable rente de 2.000 livres tournois, lui prête le Clos Lucé près d'Amboise. Léonard arrive avec le titre de premier peintre et d'ingénieur en chef du royaume, et la Joconde dans ses bagages.
    Portrait de <em>Mona Lisa del Giocondo</em>, la Joconde, par Léonard de Vinci (entre 1503 et 1506 ? Incertitude sur la date de création de l'œuvre). Musée du Louvre, Paris. © <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public 
    Portrait de Mona Lisa del Giocondo, la Joconde, par Léonard de Vinci (entre 1503 et 1506 ? Incertitude sur la date de création de l'œuvre). Musée du Louvre, Paris. © Wikimedia Commons, domaine public 
    • l'élection impériale de 1519 : deux prétendants, François Ier et Charles Quint vont se disputer la couronne du Saint Empire germanique, à la mort de Maximilien de Habsbourg. Fort de sa victoire à Marignan qui lui confère un prestige politique international, le roi de France se lance dans l'aventure très coûteuse de l'élection à l'Empire. Il a la très mauvaise idée de rétribuer d'avance les grands électeurs qui élisent finalement Charles Quint, lequel leur a promis par lettres de change interposées, une très forte rémunération s'il sortait vainqueur de l'élection.  
    Traité de Paix perpétuelle de Fribourg, signé en 1516 entre les treize cantons suisses et le roi de France. Exemplaire en latin conservé aux Archives nationales de France. © <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Traité de Paix perpétuelle de Fribourg, signé en 1516 entre les treize cantons suisses et le roi de France. Exemplaire en latin conservé aux Archives nationales de France. © Wikimedia Commons, domaine public

    Les conséquences de Marignan sont donc très importantes : la Paix perpétuelle de Fribourg et le Concordat de Bologne de 1516, replacent la France au centre du jeu politique européen.