Nouveaux venus dans les villes en effervescence du XIIe siècle, les étudiants partagent leur temps entre apprentissage, vie en communauté et conflits avec les sergents du roi. 


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    La figure de l'étudiant émerge dans l'effervescence de la Renaissance du XIIe siècle et le dynamisme de la culture et des savoirs de l'époque. Logement, nourriture, accès aux livres sont autant de dilemmes auxquels font face ces nouveaux venus lors de leur arrivée dans les écoles et universités au cœur des villes. Plongés au cœur de la frénésie urbaine de ce siècle, ils apprennent à vivre ensemble et partagent leur quotidien entre études et vie en communauté.

    La vie quotidienne de l'étudiant au Moyen Âge

    Les étudiants sont de jeunes hommes mobilesmobiles aux origines sociales diverses. Si la majorité des étudiants est issue de familles nobles, certains d'entre eux sont issus de familles de seigneurs modestes et rien n'empêche, en théorie, un paysan de suivre l'enseignement d'un maître. Lorsqu'ils décident de poursuivre leurs études, ces étudiants doivent déménager pour rejoindre Paris ou Boulogne et le cœur de l'enseignement urbain dans des villes en pleine recomposition. Ces jeunes déracinés doivent alors trouver de quoi vivre et subvenir à leurs besoins. La vie étudiante est coûteuse : l'étudiant au Moyen Âge se doit d'assurer sa subsistance par lui-même. Pour cela, il enchaîne les petits boulots : assistant dans une librairie ou encore étudiant secrétaire d'un chanoine. Ses revenus lui permettent d'assurer ses repas. Sa journée est généralement rythmée par deux repas qui sont principalement composés de pain et de vin ou de bière. Ensuite, le nouvel arrivant doit trouver un endroit où se loger dans un contexte de forte concentration estudiantine, de hausse des loyers et de pénurie de logements. Si les étudiants membres d'ordre religieux ou issus de familles aisées n'ont pas de mal à trouver où se loger, la réalité est tout autre pour les étudiants plus modestes qui ne bénéficient d'aucun réseau de solidarité locale.

    L'apparition des collèges dès la fin du XIIe siècle dont le plus connu est le collège de Sorbon (aujourd'hui collège de la Sorbonne) permet de répondre en partie à ce problème. En effet, ces collèges sont au départ faits pour accueillir et héberger les étudiants les plus pauvres. Cette insertion dans le tissu urbain des collèges et de l'université entérine l'apparition de nouveaux quartiers estudiantins dont le plus célèbre est très certainement le quartier latin de Paris.

    Vue du collège de Sorbon en 1550. © INRP - Domaine public
    Vue du collège de Sorbon en 1550. © INRP - Domaine public

    L'étudiant doit également acheter tout le matériel nécessaire à ses études : manuscrits, parchemins, bougies. Enfin, il doit payer ses études. En effet, c'est l'étudiant qui paie directement son maître. À partir du XIIIe siècle, il doit également régler l'inscription à l'université. Pour l'anecdote, il faut également payer pour pouvoir s'asseoir au premier rang lors d'un cours. La vie étudiante est dispendieuse, c'est d'ailleurs à cette époque que naît l'image de « l'étudiant pauvre ». 

    Cette communauté étudiante nouvelle qui s'installe au cœur des villes apprend à vivre ensemble et à étudier ensemble. Elle est bruyante, instable et bagarreuse. Les altercations avec les soldats du roi sont fréquentes et peuvent avoir des conséquences politiques. En 1200, une rixe entre étudiants parisiens et sergents de Philippe Auguste provoque une vive réaction de l’Église et la promulgation d'une charte qui entérine l'existence juridique de la communauté estudiantine et préfigure la naissance de l’université de Paris en 1215. 

    Apprentissage et études au Moyen Âge 

    Une fois établi, l'étudiant peut pleinement se consacrer à ses études. Élève d'un maître auquel il est attaché pendant toute la durée de ses études, il évolue au sein d'une école (XIIe siècle) puis au sein d'une université à partir du XIIIe siècle. Il apprend les arts libéraux hérités de l'Antiquité avec une prédilection, au Moyen Âge, pour la grammaire et la rhétorique que viennent compléter la logique et la science épistolaire. 

    L'enseignement dispensé par le maître est organisé autour d'exercices très codifiés. Le premier de ces exercices est la lectio, c'est-à-dire la lecture suivie. Cet exercice fondamental de l'enseignement médiéval a pour objet le commentaire, paragraphe par paragraphe, d'un texte donné par le maître. À contre-courant des idées reçues sur le Moyen Âge, ces jeunes en plein apprentissage étudient les grands auteurs classiques comme Virgile et AristoteAristote. Le second de ces exercices est la disputatio qui s'impose au XIIIe siècle comme l'exercice de référence. C'est un échange entre le maître et ses élèves autour d'une question posée par le maître. Cet exercice est un véritable spectacle intellectuel, une joute verbale de haute volée.

     

    Disputatio. Wikimedia Commons - Domain public
    Disputatio. Wikimedia Commons - Domain public

    À partir du XIIIe siècle, les études sont sanctionnées par des diplômes. Ces derniers valident le cursus au sein de l'université qui peut durer plus de 15 ans. L'étudiant commence ses études vers 18 ans au sein de la Faculté des Arts où il obtient le statut de bachelier vers 20 ans puis sa licence vers 22 ans. Il peut ensuite intégrer la Faculté de Théologie où il étudie pendant 13 ans afin de devenir Docteur et Maître à son tour aux alentours de ses 35 ans. 

    Être étudiant au Moyen Âge, c'est adopter un mode de vie urbaine, communautaire et précaire. Pour autant, l'étudiant participe à l'incroyable effervescence intellectuelle de son siècle, à la circulation des savoirs, à la recomposition des villes et à l'institutionnalisation des écoles avec l'émergenceémergence de l'université.

    Maître et étudiants - Guy de Chauliac, auteur de <i>Chirurgia Magna </i>(la <em>Grande chirurgie),</em> 1363. © BnF, Fr. 396, fol. 1r.
    Maître et étudiants - Guy de Chauliac, auteur de Chirurgia Magna (la Grande chirurgie), 1363. © BnF, Fr. 396, fol. 1r.