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    A-t-on la preuve formelle que l'hypothèse chamanique pour l'art paléolithique et les croyances dont il témoigne est valide et doit être obligatoirement acceptée ? Certainement pas, pas plus que pour beaucoup d'autres aspects de la vie aux temps préhistoriques.

    Peinture rupestre à San rock Cape Town. © Discott, <em>Wikimedia commons</em>, CC by-sa 4.0

    Peinture rupestre à San rock Cape Town. © Discott, Wikimedia commons, CC by-sa 4.0

    En revanche, tout au long de cet article, je me suis efforcé de montrer, aussi clairement que possible et en dehors de toute polémique , sur quoi, précisément, cette hypothèse s'est fondée, et quelles méthodes et quelles constatations concrètes ont été utilisées pour ce faire, comme il se doit pour une hypothèse scientifique.

    Qu'en est-il des conditions indispensables pour qu'elle soit considérée comme une best-fit hypothesis ? On peut aisément constater qu'elle explique à la fois un plus grand nombre de faits et une plus grande diversité de faits que les autres hypothèses, qu'elle n'est pas contradictoire avec des faits solidement établis et que ses bases, ici brièvement exposées (pour plus de détails, cf. Lewis-Williams, 2002, Clottes & Lewis-Williams, 1996, 2001), sont vérifiables et réfutables.

    Quant à son potentiel prédictif, il suffit de voir les découvertes, observations et informations faites depuis qu'elle a été émise. Aucune ne va à son encontre et beaucoup la renforcent. Ainsi, de nouveaux exemples de créatures composites ont été signalés, le plus spectaculaire étant celui du Hohle-Fels (Conard, 2003), associé à une sculpture d'oiseauoiseau qui, selon le découvreur, renforce l'idée chamanique (Conard, ce volume). Les trouvailles d'esquilles fichées dans les fissures de grottes ornées se sont multipliées (Tuc d'Audoubert, Troubat, Miers, Sainte-Eulalie, Altxerri, etc.). Le caractère hallucinogène des grottes a été confirmé par divers témoignages. La prise en compte plus fréquente, non seulement des contours naturels dont l'importance est depuis longtemps reconnue, mais des fissures, des ouvertures et des fonds de galeries, révèle bien la manière dont les Paléolithiques intégraient la roche à leurs dessins et l'état d'esprit que cela suppose. Enfin, tout récemment, on a mis en évidence la participation d'enfants dans la réalisation de tracés digitaux sur des plafonds de Rouffignac (Sharpe & Van Gelder, 2004), ce qui s'explique très bien dans l'optique d'une mise en contact avec les forces surnaturelles présentes dans la roche.

    L'hypothèse chamanique, la mieux adaptée à l'heure actuelle à ce que nous savons de l'art et des pratiques paléolithiques, n'est pas une hypothèse fermée, qui aurait son intérêt en soi, mais qui ne serait pas susceptible de nouvelles avancées et de développements. À l'occasion des recherches en cours ou à venir dans les grottes ornées européennes, comme lors des découvertes qui ne manqueront pas de se produire, elle pourrait - je serais tenté de dire, elle devrait - être mise en œuvre pour mieux comprendre les phénomènes. C'est ce qui fut fait dans certains cas, par exemple pour les ossements plantés ou pour les utilisations des reliefs. Il va de soi que l'applicationapplication d'une hypothèse scientifique doit se faire de deux points de vue contradictoires : voir ce qu'elle explique, mais aussi ce qu'elle n'explique pas et qui pourrait ressortir de causes différentes, de changements ou d'évolutions.