Comme en 2016, des physiciens (les mêmes) pensent avoir repéré une « cinquième force » qui viendrait s'ajouter aux quatre que la science reconnaît aujourd'hui. Il ne s'agit pour le moment que d'un article déposé sur arXiv, sans vérification par des groupes indépendants. On peut toujours avancer les mêmes raisons de ne pas prendre cette annonce au sérieux.


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    Ces derniers mois, on constate une augmentation inquiétante des annonces de découvertes fracassantes dans les médias, découvertes qui ne reposent en réalité sur rien ou presque. Il y a eu l'annonce complètement intenable d'une soi-disante découverte par la Nasa d'un moteur révolutionnaire. Il ne s'agissait que de la mise en ligne sur un site, lié à la Nasa, d'un article d'un de ses ingénieurs qui ne comprenait visiblement pas que la théorie de la relativité restreinte qu'il utilisait impliquait nécessairement la conservation de la quantité de mouvement, loi de conservation dont à ce jour il n'existe aucune réfutation par des expériences. L'ingénieur ne comprenait pas qu'il ne pouvait logiquement pas affirmer que ses calculs, basés sur la théorie de la relativité restreinte, impliquaient un nouveau moteur qui violait la conservation de la loi de mouvement alors que la théorie d'EinsteinEinstein implique clairement le contraire.

    En résumé, il n'existait aucune publication officielle de la Nasa, aucune validation par un processus normal avec autorisation de publication dans un journal sérieux, aucune cohérence dans la dérivation du principe du moteur révolutionnaire, et pire, aucune preuve expérimentale de violation de la loi de la conservation de la quantité de mouvement. Aucune publicité n'aurait dû être faite dans les médias à ce sujet.

    Une publication sur arXiv n'est pas synonyme de preuve

    Sans atteindre le même niveau dans l'inacceptable, on ne peut qu'être agacé par le buzz à nouveau lancé dans les médias concernant les annonces de la découverte d'une cinquième force ou laissant entendre qu'on l'a peut-être fait. Il prend racine dans un travail même pas publié et seulement déposé sur arXiv, tout récemment, par une équipe de chercheurs dont plusieurs avaient déjà fait une annonce similaire dans un article, qui à l'époque par contre avait déjà suivi le processus canonique d'évaluation avant le départ du buzz à son sujet. Futura y avait consacré un article (voir ci-dessous).

    Le physicienphysicien Don Lincoln du Fermilab aux États-Unis, bien connu pour ses vidéos de vulgarisation sur la physique des particules mais qui a participé à la découverte du quark top et du bosonboson de Brout-Englert-Higgs, s'est visiblement senti, et à juste raison, dans la nécessité de remettre les pendules à l'heure dans une publication à ce sujet dans Forbes.


    Une cinquième force pourrait être la manifestation d'une théorie unifiée des quatre forces déjà connues en physique. Dans cette vidéo, le physicien Don Lincoln parle des théories unifiées. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Fermilab

    Mais avant d'examiner ses arguments, rappelons que ce n'est généralement pas une bonne idée de parler, ne serait-ce que d'une possible découverte quand on n'est encore en présence que d'un article déposé sur arXiv. Autant parler d'un possible best-seller dès qu'un manuscrit est déposé dans la boîte aux lettres d'une maison d'édition !

    On peut parfois relayer ce genre d'évènement quand il s'agit d'un article théorique venant d'un ou de plusieurs chercheurs très sérieux et très réputés, par exemple par un Stephen Hawking, ou de résultats d'expériences par un groupe important de physiciens qui ont donc déjà fait un grand nombre de vérifications comme c'est le cas des collaborations des grands détecteurs du LHCLHC ou celles de Ligo-Virgo.

    Qu'en est-il dans le cas présent ?

    Des expériences jamais reproduites indépendamment

    Nous avons une équipe de chercheurs, dont plusieurs sont les mêmes physiciens hongrois qui avaient fait état dans un article publié dans Phys. Rev. Lett, en 2016, de la découverte d'une anomalieanomalie dans une expérience de physique nucléaire concernant les noyaux d'un isotopeisotope du BérylliumBéryllium, le 8Be. Des paires d |4c4ccb2fa59e3bfe8eef709a9a3f5359|-positronpositron étaient émises en faisant un angle depuis leur point de création à partir d'un photonphoton gamma lors d'une transition nucléaire qui ne correspondait pas aux prédictions de l'électrodynamique quantiqueélectrodynamique quantique. Par contre, on pouvait en rendre compte en postulant l'existence d'une nouvelle particule, un boson scalaire comme ceux impliqués dans plusieurs théories au sujet d'une cinquième force.

    La particule en question devait avoir une massemasse d'environ 17 MeV, soit 34 fois la masse d'un électron. On peut parler de ce boson hypothétique sous le nom de X17 pour une raison qui est donc maintenant évidente.

    Aujourd'hui, dans un article sur arXivarXiv, les chercheurs annoncent qu'ils ont découvert une anomalie similaire mais dans une expérience avec un isotope de l'HéliumHélium, à savoir 4He. Pour eux, la même particule X17 est impliquée avec précisément la même masse.

    Mais comme le rappelle Don Lincoln, personne n'a confirmé indépendamment les résultats des physiciens hongrois dans le cas du 8Be. Pire, déjà dans un article consacré à l'époque à l'hypothétique boson X17 par le réputé journal Quanta magazine, on apprenait que les chercheurs hongrois avaient déjà affirmé en 2008 et 2012 l'existence d'un boson similaire, existence qui n'avait pas résisté à des analyses plus fouillées. En outre, aucune autre expérience ne montre l'existence du boson X17.

    Nous sommes donc en présence d'un article sur arXiv non encore évalué indépendamment, produit par la même équipe qui a déjà fait des affirmations similaires sans qu'aucune expérience ne vienne les confirmer avec d'autres groupes de chercheurs et ce depuis 2008, et il faudrait y consacrer des articles dans les médias sur ces bases en suggérant, voire carrément en affirmant, qu'il existe des preuves de l'existence d'une cinquième force ?

    Allons donc !


    Buzz : a-t-on découvert une cinquième force ?

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 16/08/2016

    Des physiciens affirment avoir repéré une « cinquième force » qui viendrait s'ajouter aux quatre que la science reconnaît aujourd'hui. Est-ce une révolution de la physique ? Pas sûr. Depuis des décennies, des physiciens viennent présenter une telle cinquième force, pour, à chaque fois, mordre la poussière. On a donc du mal à prendre au sérieux cette énième annonce.

    On dit parfois en plaisantant que l'universunivers observable est gouverné par la bande des quatre, entendez la gravitationgravitation, la force électromagnétique et les forces nucléaires faibleforces nucléaires faible et forte. Plusieurs tentatives pour prolonger et unifier les théories de ces interactions dans le cadre d'une nouvelle physique impliquent l'existence de nouvelles forces. En général, elles doivent être peu intenses et agir à très courte portée pour avoir échappé aux expériences menées depuis plus d'un demi-siècle. Les tentatives pour mettre en évidence une cinquième force ont été nombreuses, et toutes les expériences qui semblaient aller en ce sens n'ont pas résisté à la critique

    Un obscur groupe de chercheurs hongrois est parti modestement à la recherche de cette cinquième force, non pas à l'aide du LHC mais avec des expériences de physique nucléaire à basses énergiesénergies. En cherchant des signes de l'existence des « photons noirs », ils ont découvert une curieuse réaction. Des noyaux de béryllium, produits en bombardant des noyaux de lithiumlithium avec des protonsprotons, se désexcitent en produisant des photons gamma, lesquels donnent à leur tour des paires d'électron et de positron, avec des caractéristiques incompréhensibles dans le cadre du modèle standardmodèle standard.

    Lors d'une conférence de presse, le 25 janvier 1983, les physiciens du Cern annonçaient la découverte du boson W. On reconnaît, à gauche, Carlo Rubbia et Simon van der Meer, prix Nobel pour cette découverte. En sera-t-il de même pour les chercheurs hongrois ? © Cern
    Lors d'une conférence de presse, le 25 janvier 1983, les physiciens du Cern annonçaient la découverte du boson W. On reconnaît, à gauche, Carlo Rubbia et Simon van der Meer, prix Nobel pour cette découverte. En sera-t-il de même pour les chercheurs hongrois ? © Cern

    Un nouveau boson neutre 34 fois plus lourd que l'électron ?

    Un célèbre chercheur états-unien, Jonathan Feng, de l'University of California, a sorti de l'ombre ce résultat en proposant avec des collègues dans un article sur arXiv que cette expérience n'indique pas la présence de photons noirs mais d'un autre type de boson neutre. Sa masse serait d'environ 17 MeV, soit 34 fois celle d'un électron, et il est lui aussi lié à de la nouvelle physique et à une cinquième force. Feng, et d'autres chercheurs, affirment n'avoir pas trouvé de failles dans la présentation de l'expérience des physiciens hongrois. C'est peut-être pour cela que cette affaire a finalement été relayée dans le journal Nature.

    L'histoire, cependant, reste difficile à prendre au sérieux. S'il n'est effectivement pas impossible de tester des théories comme celle du modèle électrofaible avec des expériences de petites tailles, il est douteux qu'une particule d'une aussi faible masse et possédant même un couplage assez faible et ad hoc à d'autres particules, ait échappé depuis des décennies aux expériences en accélérateurs. Il est tentant de parier que tout va rapidement finir comme l'affaire des neutrinos transluminiques, du boson à 750 GeV et de Bicep II, même si la théorie de Feng semble testable avec des expériences comme LHCb et DarkLight au Jefferson Laboratory.

    Un article dans le très sérieux Quanta magazine fait état de l'avis de plusieurs experts qui sont en effet franchement sceptiques. L'équipe hongroise avait déjà affirmé avoir découvert un nouveau boson en 2008, puis en 2012, avant de se rétracter sans donner d'explications. Les mauvaises langues disent qu'ils ne contrôlent pas vraiment leur mesure et qu'un biais expérimental est tout a fait probable.