Une égyptologue espagnole étudiant un papyrus oublié dans les recoins d'un musée de Majorque depuis plus de sept ans a réussi à résoudre un puzzle antique : le « Dialogue entre un homme et son Bâ », manuscrit philosophique égyptien vieux de 4 000 ans et préservé depuis plus de 150 ans, vient enfin de retrouver son texte introductif. 


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    Il aura fallu près de sept ans de recherches pour décoder un mystérieux papyrus datant de l'Égypte antique. Mais la persévérance de l'égyptologue Marina Escolano-Poveda aura fini par payer. Professeur à l'université de Liverpool (Royaume-Uni), la chercheuse se penchait sur l'étude du « Dialogue entre un homme et son Bâ » en 2015. Ce manuscrit, conservé depuis 1842 à l'Ägyptisches Museum de Berlin et rédigé il y a 4 000 ans, était amputé de son introduction. Grâce aux travaux du docteur Escolano-Poveda, le « Dialogue » a désormais recouvré les premières lignes de son texte, permettant de recontextualiser l'intégralité de l'œuvre.

    Un papyrus caché dans un petit musée

    Le « Dialogue » se révèle être un manuscrit philosophique, ayant suscité l'interrogation des historienshistoriens pendant des décennies. À l'instar du tragique Hamlet, dépeint par Shakespeare en 1603, le papyrus met en scène les questionnements existentiels d'un homme face à la mort. Parlant avec son Bâ, conception de l’âme après la mort, l'homme semble exprimer un profond attrait pour voyager vers l'au-delà. L'individu se fait alors sermonner par son Bâ sur la valeur de la vie.

    Ce papyrus préservé dans un musée de Majorque s'avérait être la partie manquante d'une œuvre philosophique écrite il y a presque 20 siècles. © Musée biblique Casa de la Iglesa
    Ce papyrus préservé dans un musée de Majorque s'avérait être la partie manquante d'une œuvre philosophique écrite il y a presque 20 siècles. © Musée biblique Casa de la Iglesa

    Écrit en hiératique, le « Dialogue » date du Moyen Empire, plus précisément de la XIIe dynastie égyptienne qui s'étend de 1991 à 1783 avant J.-C. Dans les couloirs d'un musée de Majorque au cours des années 2010, Escolano-Poveda découvrait des fragments de textes hiéroglyphiques, qu'elle se mit à reconstituer pour en comprendre le sens. L'égyptologue dresse alors le lien entre ce papyrus déchiré et le document exposé à Berlin. En déchiffrant ces lignes tracées durant l'Antiquité, la doctorante réalise qu'elle vient de dévoiler l'introduction perdue du « Dialogue ». Après vérification par des pairs, le lien entre les deux papyrus est avéré, offrant de nouvelles pistes de compréhension du texte.

    Un papyrus extrait du <em>Livre des Morts</em> de Pinedjem II, 21<sup>e</sup> dynastie, vers 990-969 av. Originaire de la cache royale de Deir el-Bahri. Cette scène représente Pinedjem II dans son rôle de Grand Prêtre faisant une offrande au dieu Osiris. EA 10793/1. © <em>British Museum, Wikimedias Commons</em>, CC by-sa 3.0
    Un papyrus extrait du Livre des Morts de Pinedjem II, 21e dynastie, vers 990-969 av. Originaire de la cache royale de Deir el-Bahri. Cette scène représente Pinedjem II dans son rôle de Grand Prêtre faisant une offrande au dieu Osiris. EA 10793/1. © British Museum, Wikimedias Commons, CC by-sa 3.0

    Réflexion philosophique et dialogue intérieur

    L'introduction retrouvée du « Dialogue » met en contexte ledit manuscrit. Si le récit semble fictif, il pourrait autant être une introspection philosophique sur la vie et la mort. Certains historiens émettent l'hypothèse d'une expérience de mort imminente, à laquelle son auteur aurait réchappé. Les hypothèses vont bon train pour interpréter ce dialogue antique. Mais en attendant l'explication la plus viable, Marina Escolano-Poveda continue son étude du papyrus fragmenté. Selon un article du Point, il contient d'autres extraits de récits datant de l'ère du Moyen Empire. Affaire à suivre, donc.