2020 SO. Un débris d’une fusée des années 1960. L’objet était en orbite autour de la Terre depuis plusieurs mois au moins. Il s’apprête désormais à rejoindre une orbite solaire.


au sommaire


    Le 17 septembre 2020, un télescope chasseur d'astéroïde, Pan-STARRS 1, débusquait un petit objet devenu satellite de la Terre. Une nouvelle mini-lune ? Pas tout à fait puisque quelques semaines plus tard, la Nasa le confirmait : il s'agissait d'un propulseur de la fuséefusée de la mission Surveyor 2, lancée en 1966 en direction de la Lune.

    Les astronomesastronomes nous apprennent aujourd'hui qu'après être passé à une distance relativement proche de notre Terre -- comprenez quelque 220.000 kilomètres -- aujourd'hui, mardi 2 février 2021, 2020 SO -- comme il a été baptisé -- quittera l'orbite terrestre pour rejoindre, d'ici au mois de mars, une orbiteorbite solaire.

    Grâce au projet de télescope virtuel, il sera possible à tous les amateurs de dire au revoir à 2020 SO, ce soir, à partir de minuit -- la diffusiondiffusion initialement prévue le 1er février ayant été reportée pour cause de ciel nuageux.


    On connaît l'identité de l'objet mystérieux qui s'est approché de la Terre

    On le supposait, c'est désormais confirmé : le petit corps 2020 SO, temporairement en orbite autour de la Terre, est bien un propulseur de la fusée de la mission Surveyor 2, lancée vers la Lune en 1966.

    Article de Adrien CoffinetAdrien Coffinet paru le 04/12/2020

    Découvert en septembre dernier, le petit corps 2020 SO laissait planer le mystère sur sa véritable nature : petit astéroïde ou débris spatial ? Il faut dire que sa trajectoire n'est pas des plus habituelles. En effet, son orbite était très similaire à celle de la Terre et son mouvementmouvement indiquait qu'il allait devenir, pour quelques mois, un satellite temporaire de la Terre.

    Une étude plus poussée montra que cet objet était passé près de notre Planète à quelques reprises au cours des décennies précédentes, en particulier en 1966, ce qui laissait envisager qu'il l'avait quitté à ce moment-là. Paul Chodas, directeur de Cneos, identifia plus précisément un suspect : le propulseur de l'étage supérieur du lanceurlanceur Centaur de la mission Surveyor 2, lancée le 20 septembre 1966 à destination de la Lune. La mission a échoué et l'étage supérieur de la fusée, qui mesure 12 mètres de long sur trois mètres de large, s'est retrouvé en orbite autour du SoleilSoleil. Cependant, plus d'observations étaient nécessaires pour confirmer cette identification.

    Une trajectoire affectée par le rayonnement solaire

    La première chose regardée pour vérifier si 2020 SO était un objet naturel ou artificiel, ce fut sa trajectoire. Marco Michelli, astronome au Centre de coordination des objets proches de la Terre de l'ESAESA, explique avoir obtenu de l'astrométrie (mesures de sa position) de 2020 SO, laquelle présenta une signature de pressionpression de rayonnement solairerayonnement solaire assez forte, montrant que 2020 SO était trop léger pour s'être formé naturellement.

    La pression de rayonnement affecte en effet d'autant plus un objet que sa surface est grande en proportion de sa massemasse. Pour être autant affecté, 2020 SO devait donc être très léger et peu dense, comme ce qu'ont tendance à être les objets artificiels fabriqués par l'Homme (un propulseur ou un étage de fusée n'étant pas un bloc plein comme un gros rocher).

    L'objet 2020 SO. © ESA.
    L'objet 2020 SO. © ESA.

    Un spectre bien spécifique

    De son côté, une équipe dirigée par Vishnu Reddy, professeur associé et planétologue au Laboratoire lunaire et planétaire de l'université de l'Arizona, a effectué des observations spectroscopiques de 2020 SO en utilisant l'Infrared Telescope Facility (IRTF), télescope infrarougeinfrarouge de la Nasa installé sur le Mauna Kea, à Hawaï. Des observations effectuées avec le Grand Télescope binoculaire (LBT) suggéraient que 2020 SO n'était pas un astéroïde.

    Grâce à ces observations de suivi, Reddy et son équipe ont analysé la composition de 2020 SO et ont comparé son spectrespectre à celui de l'acier inoxydableacier inoxydable 301, le matériaumatériau des propulseurs de fusée Centaur dans les années 1960. Les deux ne correspondaient pas parfaitement, mais Reddy et son équipe réalisèrent que la différence pourrait provenir du fait que le spectre de référence correspondait à de l'acier frais, alors que celui de 2020 SO aurait été exposé aux conditions difficiles de l'espace pendant 54 ans. Le matin du 1er décembre, Reddy et son équipe observèrent alors un propulseur de fusée Centaur D lancé en 1971, lui bien identifié, et purent comparer son spectre à celui de 2020 SO. Les spectres étaient alors cohérents, confirmant que 2020 SO devait bien un être un propulseur de fusée Centaur.

    Reddy se réjouit de ce résultat : « Cette conclusion est le résultat d'un formidable effort d'équipe. Nous avons finalement pu résoudre ce mystère grâce au grand travail de Pan-STARRS, Paul Chodas et l'équipe du Cneos, LBT, IRTF et les observations autour du monde ».

    2020 SO est passé au plus près de la Terre le 1er décembre 2020, à 50.000 kilomètres et restera dans la sphère de Hill de la Terre (sa sphère de dominance gravitationnelle, qui s'étend jusqu'à environ 1,5 million de kilomètres) jusqu'à ce qu'il reparte sur une orbite autour du Soleil, en mars 2021.


    Quel est le mystérieux objet 2020 SO qui sera satellite temporaire de la Terre ?

    Article d'Arien Coffinet publié le 23 septembre 2020.

    Un objet d'une dizaine de mètres de large, découvert le 17 septembre dernier, est devenu un satellite temporaire de notre Planète. Cependant, sa nature est encore incertaine : est-ce un astéroïde ou bien le retour d'un étage de fusée lancé dans les années 1960 ?

    La Terre peut capturer en orbite des objets qui passent à faible vitessevitesse à sa proximité. Plusieurs tels objets ont déjà été repérés, aussi bien des petits astéroïdes (2006 RH120 et 2020 CD3) que des débris de véhicules spatiaux lancés depuis la Terre et qui, après avoir voyagé autour du Soleil, repassent près de leur planète d'origine (par exemple J002E3 et probablement 6Q0B44E, bien que ce dernier n'ait pu être relié à aucun lancement).

    2020 SO a été découvert le 17 septembre dernier par Pan-STARRS 1, un télescope chasseur d'astéroïdes installé à Hawaï. Des observations remontant au 19 août 2020 ont ensuite été retrouvées.

    Ces observations montrent que 2020 SO suit une orbite autour du Soleil très similaire à celle de la Terre : demi-grand axedemi-grand axe de 155,1 millions de kilomètres (contre 149,6 pour la Terre), excentricitéexcentricité très faible de 0,034 (comparable aux 0,016 de la Terre) et inclinaison minime de 0,14° par rapport à l'orbite terrestre. En supposant un albédoalbédo typique pour un astéroïde (entre 0,05 et 0,25), sa taille est estimée à entre 6 et 15 mètres de diamètre.

    L'orbite de 2020 SO (en blanc) et des planètes (Mercure en rose, Vénus en violet, la Terre en bleu et Mars en rouge) autour du Soleil. © JPL Small-Body Database
    L'orbite de 2020 SO (en blanc) et des planètes (Mercure en rose, Vénus en violet, la Terre en bleu et Mars en rouge) autour du Soleil. © JPL Small-Body Database

    Un nouveau satellite temporaire

    Les éphémérides prédisent que, en octobre, 2020 SO deviendra un nouveau satellite temporaire de la Terre. Cet objet passera relativement près de notre planète le 1er décembre prochain, à environ 51.000 kilomètres du centre de la Terre, soit 45.000 kilomètres de sa surface. On s'attend à ce qu'il atteigne alors une magnitude apparentemagnitude apparente visuelle d'environ 14. Un télescope, ou une lunette, sera donc nécessaire pour espérer l'observer.

    Il est difficile pour le moment de savoir combien de temps cet objet restera en orbite autour de la Terre. Étant donné ses passages relativement près de la Terre et de la Lune, il reste difficile de connaître précisément sa trajectoire au-delà du mois de janvier prochain. Cependant, il est vraisemblable que cet objet fera au moins deux orbites autour de notre Planète et ne la quittera pas avant mai 2021. Des observations supplémentaires permettront d'affiner ces prédictions.

     Trajectoire nominale simulée de 2020 SO. La Terre est le point vert et l'orbite de la Lune est en jaune. © Daniel Bamberger
     Trajectoire nominale simulée de 2020 SO. La Terre est le point vert et l'orbite de la Lune est en jaune. © Daniel Bamberger

    Astéroïde ou étage de fusée ?

    Alan Harris, chercheur à l'Institut de recherche planétaire du Centre aérospatial allemand (DLRDLR), nous rapporte que « Paul Chodas [manager du Nasa NEO Program Office au Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory, ndlr] a, sans certitude, identifié cet objet avec le corps de fusée Centaur de [la mission] Surveyor 2, lancé le 20 septembre 1966. La très faible vitesse de rencontre avec la Terre (0,6 km/s) est faible même pour un éjecta lunaire, donc il est peu probable que ce soit un objet naturel, même un éjecta lunaire, mais il est plus probable que ce soit un débris spatial. »

    Malheureusement, il ne pourra pas y avoir d'observations radar de cet objet pour aider à confirmer ou infirmer cette hypothèse. Cependant, « nous pouvons espérer obtenir un spectre [de 2020 SO]. Si c'est un étage de fusée Centaur, alors la peinture au dioxyde de titanedioxyde de titane sera facile à détecter », se réjouit Daniel Bamberger, astronome amateur aux Northolt Branch Observatories.

    Une telle analyse avait, par exemple, permis de révéler en 2002 que l'objet J002E3, qui avait été aussi capturé temporairement par la Terre et avait été pris initialement pour un astéroïde, était le troisième étage de la fusée Saturn V de la mission ApolloApollo 12, lancé en 1969. « Ça fonctionne aussi dans l'autre sens, précise Daniel Bamberger. Si l'objet est naturel, alors la spectroscopie nous le dira. 2006 RH120 était initialement suspecté d'être artificiel. Son spectre révéla une origine naturelle. »

    Si 2020 SO s'avérait être un astéroïde tout ce qu'il y a de plus naturel, ce serait alors le troisième astéroïde connu pour avoir été un satellite temporaire de la Terre, après 2006 RH120 et 2020 CDCD3.