La reconstitution complète d’organes pour soigner des malades est une utopie vers laquelle les chercheurs essaient de tendre. Des poumons artificiels made in labo, issus de deux laboratoires distincts sont prometteurs.

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    La puce-poumon mime les particularités biologiques et mécaniques des vrais poumons et pourra être utilisée comme modèle d'étude. © Kristin Johnson, Science

    La puce-poumon mime les particularités biologiques et mécaniques des vrais poumons et pourra être utilisée comme modèle d'étude. © Kristin Johnson, Science

    Si des organes simples ont déjà été reconstitués in vitroin vitro, la peau par exemple, les poumons forment un système compliqué basé sur des échanges gazeux. Il n'a jamais été possible de recréer une telle complexité in vitro. Toutefois, ces derniers jours, deux articles publiés dans la revue Science donnent de l'espoir pour la conception in vitro d'organes pouvant remplacer les poumons défaillants.

    Le premier article, issu des recherches développées à l'Université de Yale aux Etats-Unis, décrit une technique de reconstitution d'un poumon, à partir d'un poumon « décellularisé ». Ce procédé auparavant testé sur un cœur avait déjà fait ses preuves. Il consiste à décoller les cellules à l'aide d'un détergent, ne laissant que la structure basale de l'organe constituée de matrice extracellulaire fibreusefibreuse. Dans le cas des poumons, les structures des vaisseaux sanguins et des voies aériennes sont conservées.

    Cette charpentecharpente est ensuite mise en culture pendant huit jours dans bioréacteur. Il contient un milieu mimant le liquideliquide fœtal et dans lequel baigne un mélange de cellules pulmonaires. Les chercheurs ont montré que les cellules ont pu coloniser la structure basale et que chaque type cellulaire a su trouver sa place afin de reconstituer un poumon fonctionnel. Transplantés dans un rat, ces poumons ont été capables de se remplir d'airair de façon cyclique et d'effectuer des échanges gazeux entre le dioxygène et le dioxyde de carbonedioxyde de carbone pendant plus de deux heures.

    Les enjeux semblent énormes mais les limites sont réelles. Pour éviter les rejets, la compatibilitécompatibilité entre le patient et le poumon est essentielle mais la faible multiplication des cellules pulmonaires des patients malades constitue un vrai problème. Il faudrait alors utiliser des cellules souches pluripotentes induites (CSPi), à partir de cellules prélevées sur le patient, et qui, elles, se multiplient plus facilement. Mais elles ne sont toujours pas bien maîtrisées. Autre problème majeur, l'expérience n'a été concluante que sur une duréedurée très courte, ce qui est encore loin d'être satisfaisant.


    Des poumons recréés à partir de cellules pour l'implantation in vivo. Les poumons ont d'abord été décellularisés, puis plongés dans une solution contenant des cellules pulmonaires. Les organes reconstitués ont été réimplantés dans une souris, et ont fonctionné plus de deux heures. © Laura Niklason et Thomas Petersen, Science

    Un poumon sur une puce

    Le deuxième poumon artificiel tient sur une puce de 1 à 2 centimètres. Créé au Wyss Institute for Biologically Inspired Engineering à l'Université de Harvard, ce prototype recrée l'interface alvéolo-capillaire. La face inférieure est recouverte de cellules pulmonaires et la face supérieure est recouverte de cellules sanguines, séparées par une fine couche poreuse et flexible. De l'air est envoyé de manière cyclique vers les cellules pulmonaires et un milieu riche mimant le sang irrigue les cellules sanguines.

    Alors que le système d'échanges gazeux semble être au point, son efficacité sur le plan immunologique a aussi été vérifiée. Des bactéries injectées dans la partie « air » du poumon artificiel ont pu être détruites par des globules blancs recrutés à partir de la partie irriguée.

    Cependant, cet outil n'a pas pour objectif de remplacer un organe malade mais plutôt de pouvoir étudier facilement et à moindre coût cette interface cellulaire encore mal appréhendée. Il pourra même permettre de remplacer l'utilisation d'animaux pour tester l'efficacité de moléculesmolécules vouées à traiter certaines maladies du poumon ou au contraire de mimer les effets de diverses agressions comme la pollution ou les nanoparticulesnanoparticules.

    Ces deux avancées sont vraiment surprenantes et laissent surtout espérer une évolution radicale des transplantationstransplantations, alors que les organes disponibles sont trop rares. Il y a même fort à parier que les chercheurs soient déjà en train de réaliser le même type d'expérience en ciblant d'autres organes.