Grâce aux capacités de la grille de calcul européenne Egee, en seulement un mois, 300 000 médicaments potentiels pour le traitement du virus de la grippe aviaire H5N1 ont pu être testés par des laboratoires asiatiques et européens, parmi lesquels ceux du CNRS. Le but : trouver de nouveaux inhibiteurs potentiels de la neuraminidase de sous-type N1, enzyme localisée à la surface du virus de la grippe aviaire. En permettant d'identifier à un tel rythme les molécules les plus prometteuses destinées aux essais biologiques, cette infrastructure de grille offre de nouvelles perspectives aux chercheurs pour combattre cette maladie émergente, comme c'est déjà le cas pour la malaria et bientôt pour d'autres maladies tropicales.

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    Grippe aviaire : nouveaux médicaments grâce aux grilles de calcul

    Grippe aviaire : nouveaux médicaments grâce aux grilles de calcul

    La neuraminidase N1 est une enzymeenzyme qui aide le virus de la grippe aviaire à proliférer et à infecter d'autres cellules. Elle est la cible des médicaments actuels utilisés pour le traitement de la grippe aviaire. Cependant, cette protéine est connue pour sa capacité à développer des mutations. Si la protéine mute, les médicaments actuels risquent de perdre leur efficacité.

    Cette propriété impose de rechercher de nouveaux médicaments afin d'anticiper le traitement d'un virus muté. L'enjeu considérable de cette démarche repose sur l'identification des "ligandsligands" (moléculesmolécules actives des médicaments potentiels) qui peuvent s'accrocher sur les sites actifs des enzymes du virus pour inhiber son action. Pour étudier l'impact de petites mutations sur l'efficacité des médicaments, la probabilité d'accrochage d'une large collection de composés chimiques sur la même neuraminidase a été calculée en faisant légèrement varier la structure de cette dernière. Grâce à ces résultats, les chercheurs peuvent prédire quels composés chimiques sont les plus actifs pour bloquer l'action des neuraminidases mutées.

    Cette première phase du processus de recherche de nouveaux médicaments devient extrêmement plus rapide en utilisant les infrastructures de grille comme Egee et les projets qui lui sont associés : en avril, le calcul des probabilités d'ancrage de 300 000 composés chimiques sélectionnés a été réalisé sur 8 structures différentes de la neuraminidase de sous-type N1. Ceci a mobilisé environ 2 000 ordinateursordinateurs dans le monde entier, soit l'équivalent de 100 années de calcul sur un ordinateur classique. Les résultats obtenus ont été stockés en France et à Taiwan pour être analysés.

    Cette approche permettra de concentrer les tests biologiques sur les composés chimiques les plus prometteurs, ceux dont on attend la plus grande efficacité. Les chimistes et les biologistes gagneront du temps pour répondre à des menaces à grande échelle.

    Grâce à l'expérience acquise dans le précédent déploiement de calculs d'ancrage de ligands dans le cas de la malariamalaria, celui sur la grippe aviaire a pu être mis en place en moins d'un mois, sous la coordination du Laboratoire de physiquephysique corpusculaire de Clermont-Ferrand (IN2P3/CNRS, Université Blaise PascalBlaise Pascal). Trois infrastructures de grille ont permis de produire les données : la grille européenne Egee mais aussi la grille nationale de Taiwan TWGrid et la grille régionale Auvergrid en Auvergne. Les travaux de tests et d'analyses sont le fruit d'une collaboration entre le Centre de calcul sur grille et le Centre de recherches génomiques de l'Académie des sciences de Taiwan, le Laboratoire de physique corpusculaire de Clermont-Ferrand, l'Institut de technologies biomédicales du Conseil national de la recherche en Italie et les équipes participant aux projets européens Embrace et Bioinfogrid.

    Le CNRS occupe des responsabilités très importantes dans le projet Egee. En particulier, il est responsable de l'ensemble du secteur des applicationsapplications de la grille, dont celles liées à la biologie et à la médecine. Le caractère très pluridisciplinaire du CNRS facilite grandement cette tâche et en deux ans le nombre de domaines scientifiques impliqués dans le projet Egee est passé de 2 à 12. Le CNRS est par ailleurs responsable du secteur des réseaux informatiques et joue un rôle important dans la partie opérationnelle, en faisant fonctionner l'une des 4 tours de contrôle de l'ensemble de la grille. Au total, près de 100 chercheurs et ingénieurs du CNRS sont impliqués dans Egee, en provenance des instituts nationaux (IN2P3, Insu) et de plusieurs départements scientifiques (Mippu, SDV, Ingénierie). L'effort du CNRS représente 75% de l'effort total français dans Egee.

    La prochaine initiative dans le domaine de la recherche de nouveaux médicaments sur grille s'inscrit dans la deuxième phase du projet Wisdom sur les maladies tropicales, à l'automneautomne prochain.