Selon une étude de l’Inserm sur la propagation du virus, réduire les mouvements de personnes en provenance d’un pays où sévit l’épidémie d’Ebola ne sert à peu près à rien, tout au plus à retarder l’événement de quelques jours.

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    La connaissance sur la transmission d'un virus permet une modélisation de la propagation. La science peut donc évaluer, dans une certaine mesure, l'efficacité des différents moyens de lutte. Bilan : l'isolement d'un pays n'est pas une bonne solution. © Phovoir

    La connaissance sur la transmission d'un virus permet une modélisation de la propagation. La science peut donc évaluer, dans une certaine mesure, l'efficacité des différents moyens de lutte. Bilan : l'isolement d'un pays n'est pas une bonne solution. © Phovoir

    Comment empêcher l'épidémie d’Ebola de se propager à d'autres pays ? Le premier réflexe fut pour beaucoup de réduire les communications avec les états concernés, notamment par le biais des moyens de transport aérien et terrestre. Or ces moyens ne feraient que retarder l'arrivée du virus. Ils représenteraient un délai supplémentaire de 2 jours en Amérique du Nord, 11 en Asie, 22 en Europe, 27 en Océanie et 30 dans le reste de l'Afrique. C'est tout ce que gagneraient les pays indemnes d'Ebola avant l'arrivée du virus sur leur sol. Une équipe française de l’Inserm (unité 1136 Inserm, UMPC Paris 6, institut Pierre Louis d'épidémiologie et de santé publique) a calculé ces résultats grâce à un exercice de simulation, basé sur des données réelles.

    Ainsi des suppressions de vols ou la fermeture de frontières ont-elles bien été décidées au cours du mois d'août par de nombreux états. Des compagnies aériennes européennes ont notamment supprimé leurs vols vers la zone épidémique. Afin d'observer l'effet de ces mesures de restriction sur la propagation de la maladie, les auteurs ont utilisé un modèle informatique de diffusiondiffusion virale. Celui-ci tient compte de la distribution de la population humaine dans le monde, de la mobilité locale et internationale ainsi que des caractéristiques du virus Ebola lui-même : duréedurée d'incubation, taux d'infection, probabilité et rapidité de l'infection aux différents stades de la maladie...

    Diminuer les échanges avec les pays où le virus est présent n’empêche pas la propagation et, à l’inverse, entrave les envois de moyens médicaux et génère un impact sur l’économie. © Médecins du monde

    Diminuer les échanges avec les pays où le virus est présent n’empêche pas la propagation et, à l’inverse, entrave les envois de moyens médicaux et génère un impact sur l’économie. © Médecins du monde

    « Le lien aérien est essentiel »

    Résultats pour les chercheurs, « ces restrictions ne servent à rien... ou presque ». Puisqu'elles ne font que retarder l'arrivée du virus et ce, de quelques jours seulement. En outre, « elles sont très controversées, car elles ont un impact économique et logistique important », rappelle Vittoria Colizza, coauteure de l'étude.  « Elles peuvent même priver les pays endémiquesendémiques de certaines ressources pour lutter contre la maladie. » C'est ce que rappelait Stéphane Mantion, président du CICR, lors d'une conférence de presse à l'Académie nationale de médecine. « Le lien aérien est essentiel, entre autres pour transporter le matériel nécessaire à la lutte contre Ebola. »

    C'est d'ailleurs pourquoi l'OMS et les Nations unies plaident depuis le début de la flambée, en défaveur de ces mesures. « Avec cette étude, nous avons voulu apporter des données chiffrées pour informer au mieux les décideurs », souligne Vittoria Colizza. « Si un État souhaite empêcher l'importation du virus, alors fermer une frontière ne servira à rien. En revanche, cette mesure peut lui laisser le temps de s'organiser pour les soins à venir », précise-t-elle. D'autres travaux montrent qu'une solution efficace : « lutter contre la transmission du virus au niveau local, à sa source, via une hospitalisation plus rapide des nouveaux cas ou encore via l'augmentation des capacités d'accueil en centres de soins ».