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Le riz est l'une des sources primaires de nourriture dans de nombreux pays asiatiques. Pour pousser, il a besoin de beaucoup d'eau. Problème : l'eau des rizières est parfois très riche en arsenic, un poison puissant aux mérites reconnus dans la tradition de l'empoisonnement, mais aussi un facteur de risque dans l'apparition de certains cancers dans le cas d'expositions chroniques. La céréalecéréale s'en imprègne donc et se retrouve ensuite sur les marchés du monde entier.
Cela, on le savait déjà. Mais très peu d'études se sont intéressées à cet effet sur les populations humaines, et encore moins sur des périodes sensibles de l'existence comme la grossesse. Margaret Karagas et ses collègues de l'université du Michigan (États-Unis) ont alors tenté de mesurer les taux d'arsenic chez 229 femmes enceintes de 6 mois. Les résultats viennent de paraître dans la revue Pnas. Et peuvent susciter l'inquiétude...
Ces rizières en terrasse constituent des chefs-d'œuvre esthétiques d'art paysan. Mais l'eau qui s'y trouve est parfois riche en arsenic, et imbibe donc les plantes qui poussent. © kin0be, Fotopedia, cc by 2.0
Consommation de riz : 56 % d’arsenic en plus
Pour ce faire, les scientifiques ont prélevé les urines des futures mamans lors d'une visite de contrôle, ont fait remplir un questionnaire par les sujets sur leur consommation en eau, en produits de la mer et en riz, avant d'aller mesurer les concentrations en arsenicarsenic dans l'eau du robinet. Ils ont alors pu mettre en commun toutes ces données.
Quel constat ont-ils fait ? Les 73 femmes qui ont consommé du riz (environ 30 g par jour) lors des deux jours précédant l'analyse présentent des taux urinaires d'arsenic de 5,27 µg/L en moyenne quand chez les autres, on ne décèle que 3,38 µg/L. On détecte de aussi l'arsenic non organique chez les non-amatrices de riz car l'eau du robinet n'en est pas exempte. Tout de même, les différences sont très significatives et la consommation d'un bol de riz par jour augmente les concentrations urinaires en arsenic de plus de 50 % !
On peut rapprocher ces résultats d'une autre étude, menée elle aussi aux États-Unis en 2009. Elle avait démontré que la population d'origine coréenne ingurgitait jusqu'à 6 fois plus de riz que la moyenne américaine et que leurs taux d'arsenic étaient alors 3 fois plus élevés.
L'arsenic est un élément chimique que l'on trouve à l'état brut sous forme de pierre. C'est lorsqu'il se trouve à l'état inorganique (non lié à un atome de carbone) que ce poison devient le plus ravageur. © Rob Lavinsky, iRocks.com, cc by sa 3.0
Vers une mise en place d’un seuil maximal d’arsenic dans le riz ?
Des précédentes études réalisées au Bangladesh ont montré les dangers sur la santé à court et long termes de très hautes concentrations d'arsenic sur le fœtus - bébés plus petits à la naissance, affaiblissement du système immunitaire ou apparition de cancers chez le jeune adulte. Il semble que cette période du développement représente une fenêtrefenêtre vulnérable à l'exposition à l'arsenic. Mais dans le cadre de cette étude, les taux décelés sont incomparables et à vrai dire, personne ne peut dire s'ils ont des conséquences sanitaires.
« Bien que cette étude révèle le potentiel d'exposition à l'arsenic à partir de riz, beaucoup de recherches supplémentaires sont nécessaires avant qu'il soit possible de déterminer s'il y a de réels impacts sur la santé de cette source d'exposition » commente Margaret Karagas. Les auteurs de l'étude défendent l'idée d'instaurer aux États-Unis et en Europe un seuil limite d'arsenic dans le riz, comme cela existe en Chine. Seule l'eau potable est actuellement concernée, et l'OMSOMS l'a fixé à 10 µg/L.
Cependant, si l'arsenic contenu dans le riz le rendait impropre à la consommation, comment faudrait-il agir ? La céréale représente l'aliment de base de milliards de personnes sur la planète. Prendre en compte ses bénéfices nutritionnels paraît donc indispensable.