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Regarder vivre les animaux, les photographier et parfois raconter leurs histoires, les petites comme les grandes, je peux le faire et je le fais. Ce que j'aimerais, c'est pouvoir les interroger, les faire parler d'eux, de leur monde, de leur vie. Je suis sûr, hélas, qu'ils me demanderaient pourquoi ? Pourquoi l'homme les condamne sans chercher à les connaître ? Pourquoi, de jour en jour, il réduit leurs territoires et les pousse à l'extinction ? Pourquoi ? Cette question, je me la suis posée souvent en partageant leur quotidien. Si je fais des images, des livres, c'est pour leur rendre ce qu'ils me donnent, montrer leur beauté et leur originalité ; pour essayer de sensibiliser le plus grand nombre d'entre nous au respect qu'il leur est dû et enfin partager notre planète, avec eux aussi… Mais pour combien de temps encore ?… Alain Pons Septembre 2002
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Biographie
Pour avoir la chance de réaliser d'excellentes images, il faut connaÎtre le territoire, connaître les gens. A partir de là, tout se met en place: plus vous donnez, plus vous recevez..."
Amoureux de la nature, graphiste et photographe de talent, accompagnateur de safaris-photos pour "Objectif Nature": grand voyageur, inconditionnel, de l'Afrique... Alain Pons présente ici son album de moments forts vécus par lui au cour de la vie sauvage. Naturellement merveilleux.
- Chasseur d'Images : Avez-vous toujours été attiré par la photographiephotographie animalière ?
- Alain Pons : J'ai commencé dans le domaine professionnel par le graphisme, ma première passion ! Au cours de mes études, je me suis rendu compte que la photographie était un élément fondamental dans la communication : j'ai commencé à tâtonner en faisant du studio. Or, très vite, j'ai compris que ce secteur n'était pas le mien: je suis passionné par la nature, le monde animal, j'aime voyager... alors je me suis attaché à vivre ma passion de l'image et de la nature grâce à la photographie animalière.
- Chasseur d'Images : Vous avez aussitôt réalisé de belles images animalières ?
- Alain Pons : Ce fut plutôt galère ! Même en France, l'universunivers est inquiétant, les forêts difficiles. Je n'avais pas de connaissances spéciales sur ce type de photo. Heureusement, différentes rencontres avec des gens qui avaient un vécu dans les domaines photo et nature m'ont permis d'avancer. Et j'avais la chance d'habiter dans la banlieue sud de la région parisienne: j'ai pu facilement m'exercer dans des forêts avoisinantes. Mais en France les animaux sont compliqués à photographier : ils sont très farouches et détalent au moindre bruit.
- Chasseur d'Images : la meilleure école c'est donc le terrain?
- Alain Pons : C'est incontestable ! Impossible d'apprendre la photographie animalière dans les livres ou à l'ècole . il faut se confronter à la nature, Rapidement, on s'aperçoit que l'homme est un élément perturbateur. Un animal est capable de vous détecter avant même que vouspuissiez imaginer qu'il se trouve dans un rayon de cinq cents mètres ! C'est sur le terrain, en multipliant les échecs, les envies de contact, que petit à petit vous abordez les animaux. Avant de réussir une bonne photographie, avec la moindre expression, il faut déjà arriver à fixer quelques images sur la gélatine. Un apprentissage qui demande plusieurs années.
- Chasseur d'Images : Votre formation de graphiste est-elle ici une aide ?
- Alain Pons : Je n'ai jamais abandonné mon côté graphiste. La connaissance de la mise en pages est une aide. Dans la nature, je pense toujours à la composition, à la manière dont l'animal entre dans l'image : c'est aussi du graphisme ! De plus, j'ai une profonde admiration pour le photographe Ernst Haas, disparu il y a quelques années. Bien avant les autres, il avait compris ce qu'est l'harmonie de ce petit rectangle. Ma formation de graphiste m'a permis de faire des livres, des mises en pages. Et mon travail photographique a certainement rassuré des clients demandeurs d'images de nature.
- Chasseur d'Images : Un travail que vous réalisez principalement en Afrique... votre terrain de prédilection?
- Alain Pons : Il faut savoir que le continent africain est le plus gros réservoir de la planète. Et c'est près de chez nous. Le Maroc - pays où je suis né - n'est certes pas l'Afrique noire que j'aime... mais, gamin, j'ai été bercé par des noms qui avaient pour moi une résonancerésonance magique: Okavango, Serengeti, KilimandjaroKilimandjaro... A cette époque, en lisant les auteurs d'aventures et de voyages, j'avais des odeurs, des lumièreslumières merveilleuses, et déjà l'impression de ressentir, de connaître des choses! Alors, à la fin des années soixante-dix, après avoir dépensé mes premiers deniers pour du matériel, j'ai voyagé pour aller voir ces lieux qui m'avaient tant fait rêver. Mais je ne voulais pas aller là-bas simplement pour mettre une couleurcouleur ou un site sur un nom que j'avais entretenu dans mon esprit. Et sur ces territoires, je me suis rendu compte que c'était comme je l'avais imaginé en dévorant les livres d'Ernest Hemingway, notamment "Les Vertes Collines d'Afrique".
- Chasseur d'Images : En somme, l'Afrique c'est magique..
- Alain Pons La photographie animalière peut se pratiquer n'importe où dans le monde: la beauté des paysages reste relativement équilibrée sur toute la surface de la planète. En revanche, l'Afrique est fascinante par son côté sensitif: on a vraiment l'impression de prendre ce continent par les pores de la peau. D'ailleurs, je pense que c'est en Afrique qu'il reste certainement laplus grande étendue sauvage encore vierge. Vous savez, j'aiaccompagné beaucoup de personnes là-bas pour d'extraordinaires safaris-photos organisés par "Objectif Nature" : la plupart n'avaient jamais visité l'Afrique... mais elles ont été véritablement séduites ! L'Afrique est un continent magique, avec des traditions fortes, même si le développement est visible. Il faut s'y plonger. Or le photographe de nature est quelqu'un qui s'imprègne et qui ressent peu têtre les choses plus profondément que les autres. Aussi, pour avoir la chance de réussir d'excellentes images, il faut apprendre à connaître le territoire, connaître les gens. A partir de ce moment les choses se mettent naturellement en place: plus vous donnez, plus vous recevez...
- Chasseur d'Image : Vous êtes aussi accompagnateur sur des safaris-photos organisés par "Objectif Nature", association que vous avez créée avec quelques collègues... n'est-ce pas trop contraignant pour vos activités de graphiste et de photographe ?
- Alain Pons : Mon métier de graphiste et mon travail dans la communication m'ont toujours permis d'être libre dans la manière d'aborder la photographie. Au début, je partais une fois par an. Et puis, grâce à "Objectif Nature", j'ai pu voyager plus souvent. Accompagner des safaris-photos est une activité très agréable: on partage la même passion de la nature et de l'image avec tout le monde. Et j'ai toujours eu la chance de voyager avec des gens de grande qualité !
- Chasseur d'Image : Quels sont vos conseils de base pour être efficace sur le terrain de la prise de vues?
- Alain Pons : Il ya deux grandes lignes photographiques. L'une consiste à glaner quelques images parce que vous aimez profondément un endroit. Vous allez donc en Tanzanie, au Botswana en Namibie ou au Kenya. A partir de là, vous construisez vos reportages, sachant que vous allez peut-être raconter l'histoire d'un lieu, d'une région, d'un pays. Il faut alors essayer de transmettre le plus possible ce que vous avez ressenti. En revanche, lorsque vous faites la photo d'un animal, cela se complique. Il faut d'abord se renseigner, connaître parfaitement l'espèceespèce. Pour ma part, je suis fasciné par les félinsfélins et plus particulièrement par les léopardsléopards. C'est un animal merveilleusement intelligent, mais très fragile, qui vit principalement à l'aubeaube ou au crépusculecrépuscule. Et c'est le seul à monter sa proie dans un arbrearbre pour protéger sa nourriture... Vu ce mode de fonctionnement, vous vous doutez bien des difficultés qui vous attendent !
- Chasseur d'Image : Donc il est essentiel de connaître parfaitement le sujet ?
- Alain Pons : Sans cette connaissance, vous ne pouvez pas faire de photos. A moins d'avoir une chance incroyable, vous ne réussissez jamais votre travail au premier reportage. Il est impératif de se renseigner auprès des guides locaux, des gens qui pratiquent le terrain : collectez un maximum d'informations ! A partir de ce moment, le travail photo commence. Soyez patient, multipliez les confrontations avec l'animal... et un jour vous obtiendrez le coup de pouce de la chance! Avant de réussir une superbe photo, il peut se passer plusieurs jours, plusieurs semaines voire plusieurs années. Ainsi, plusieurs fois il m'est arrivé de rencontrer un léopard de manière fugitive, d'arriver avec la bonne lumière, à cinquante, cent mètres de l'arbre dans lequel il était installé... et de le voir descendre et s'éloigner. Cela dit, il est plus facile de photographier d'autres espèces, celles qui n'ont pas peur de l'homme. L'éléphant par exemple: on peut approcher tranquillement, rester à proximité et, avec un peu de chance, saisir de bonnes images au coucher du soleilsoleil.
- Chasseur d'Image : Vous parlez souvent de 1a chance! C'est indispensable ?
- Alain Pons : Prenons l'exemple du tigretigre,qui vit en Inde. C'est certainement l'un des plus beaux mammifèresmammifères de la planète! mais l'un des plus rares aussi. J'ai des amis qui sont allés spécialement dans une réserve pour photographier des tigres: ils ont passé un mois et demi sur place et sont revenus avec quelques films seulement ! A devenir fou... Or, en début d'année, j'ai eu une chance incroyable. En deux semaines, j'ai fait neuf rencontres avec neuf tigres différents, dans des conditions de lumière phénoménales ! Lorsque vous racontez ce que vous venez de vivre à vos amis photographes, c'est clair... ils vous en veulent ! C'est tellement difficile d'avoir toutes les conditions optimales que, lorsque cela arrive, c'est le bonheur. C'est ça qui me fait tant aimer la photo animalière. En revanche, vous pourriez être le mieux placé, avec la lumière la plus extraordinaire, les films les mieux adaptés, le matériel le plus performant, et revenir bredouille! C'est également la meilleure motivation pour recommencer .
- Chasseur d'Image : Accordez vous une importance au choix du matériel ?
- Alain Pons : Je suis équipé en Nikon depuis le début. Aujourd'hui, j'ai des F5 et F100. Au-delà des polémiques de marques, il y a un photographe, du matériel, et la photo est le résultat de la confrontation des deux. Pour tout vous dire, je suis tombé amoureux de l'esthétisme du F3, tout en aimantaimant profondément la mécanique du Leica. Hélas, il est impossible de mlonter un 4/500 AF-S sur un Leica.
- Chasseur d'Image : La mise au point autofocus est donc devenue incontournable ?
- Alain Pons : Quand l'autofocus est arrivé, je me suis rendu compte qu'en animalier travailler avec des longues focalesfocales devenait facile. Avant,c'était la galère, comme pour suivre les oiseaux en plein vol avec une rampe hélicoïdale ! Dans le même temps, j'ai commencé à travailler en programme....alors que pendant des années je ne photographiais qu'en manuel. Maintenant, je me mets en autofocus, avec retouche manuelle, en mode programme, jouant simplement avec la motette à l'arrière du boîtier pour modifier la vitessevitesse ou le diaphragmediaphragme.
- Chasseur d'Image : Pour vous, quelle est la focale de base en animalier ?
- Alain Pons : Cela varie entre 200 et 500 mm, ouverture f/2,8 ou f/4. Par expérience le 500 mm est l'objectif idéal. Chez Nikon, j'aime aussi le f/4 300 mm, qui est compact et léger. Je regrette seulement qu'il ne soit pas stabilisé. Comme il n'est pas possible de travailler sur pied, on cale l'objectif sur un sac de riz de quatre à cinq kilos, ce qui procure une grande stabilité. Dans ces conditions on peut oser descendre au 1130 s, pour travailler les lumières. Mais, on est vraiment tranquille entre le 1/500 et le 1/125 s, voire le 1/60 s si l'animal ne bouge pas.
- Chasseur d'Image : Quels sont les films que vous préférez ?
- Alain Pons : Je suis un inconditionnel de Fuji. Lorsque j'étais en Inde, j'ai testé le Provia 400 F pour les photos de tigres : le grain est pratiquement inexistant. C'est devenu "LE" film des photographes animaliers. J'utilise couramment du Velvia en savane ouverte, dans le désertdésert, lorsque la lumière est contrastée. Autrement, en fonction de l'éclairage, je privilégie soit du Provia 100 F, soit du Sensia 100, plus neutre mais avec un peu plus de grain. En animalier ce n'est pas gênant. Le matin, le soir, ou lorsque la lumière est difficile, je n'hésite pas à travailler avec du Provia 400 F.
- Chasseur d'Image : Comme tous les amoureux de la nature, vous portez sans doute un regard négatif sur la chasse et les chasseurs... non ?
- Alain Pons : Il ya une différence fondamentale: lorsque chacun atteint sa "cible"". celle du photographe continue de gambader ! Sans vouloir faire de polémique, quand on me dit que les chasseurs sont des amoureux de la nature, je pense que le pourcentage est extrêmement faible ! D'autant qu'il n'y a pas pléthore d'animaux et que certains territoires qui étaient occupés par le monde animal disparaissent. Bien entendu, ce n'est peut-être pas uniquement le fait de la chasse... il ne faut pas exagérer, mais il est évident qu'il y a certaines exactions qu'il faut dénoncer et éliminer.