Chez un certain nombre d'insectes sociaux, le corps est adapté aux fonctions de l'individu. Les fourmis ou termites soldats, par exemple, arborent de puissantes mandibules fichées sur d'énormes têtes. Ce n'est pas le cas des abeilles, qui assurent pourtant de nombreux rôles durant leur vie. Une exception vient confirmer la règle, avec la première abeille guerrière jamais décrite : l'abeille Jadai.

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    Les abeilles soldats (de l'espèce Tetragonisca angustula) représentent en quelque sorte une arme de défense pour la colonie. Bien que plus petites que leur ennemis, elles n'hésitent pas à aller au combat et à mourir pour protéger le nid. © Université de Sussex

    Les abeilles soldats (de l'espèce Tetragonisca angustula) représentent en quelque sorte une arme de défense pour la colonie. Bien que plus petites que leur ennemis, elles n'hésitent pas à aller au combat et à mourir pour protéger le nid. © Université de Sussex

    • L'abeille, sentinelle écologique, un dossier à lire 

    Les insectes sociaux peuvent parfois être répartis en castes sur la base de critères physiquesphysiques ou temporels. Les plus beaux exemples de ségrégationségrégation à partir de caractéristiques morphologiques s'observent chez les fourmis et les termites. Les individus spécialisés dans la garde des colonies, les soldats, sont beaucoup plus grands et plus puissants que les autres.

    Chez les abeilles, les ouvrières sont plutôt réparties en castes temporelles. Chacune change de rôle à plusieurs reprises durant son cycle de vie. Les jeunes abeilles fabriquent les cellules accueillant le pollen ou les larves tandis que les plus vieilles deviennent des butineuses. Elles peuvent éventuellement assurer la garde de la colonie (1 jour en moyenne). Malgré tous les costumes endossés, la morphologiemorphologie des ouvrières ne change pas.

    Une équipe de l'université du Sussex, dirigée par Francis Ratniek, a trouvé une espèce d'hyménoptère peu commune au Brésil. Des abeilles soldats se développent directement à partir des larves. Elles appartiennent à l'espèce Tetragonisca angustulacommunément appelée abeille Jadai au Brésil. Cette découverte est publiée dans la revue Pnas.


    Les abeilles Tetragonisca angustula (abeilles Jadai) possèdent des individus morphologiquement adaptés pour protéger leurs colonies. Cette protection est à la fois terrestre et aérienne. © Christoph Grueter, université du Sussex

    Abeilles Jadai : des soldats surdimensionnés

    En observant certaines colonies Jadai, des chercheurs ont remarqué des abeilles qui ne s'éloignaient jamais de l'entrée du nid, restant posées sur le tube de cire ou en vol stationnaire autour. Des spécimens ont été marqués avec un point de couleurcouleur puis observés. Ils sont restés plus d'une semaine en position, une période considérable par rapport à la duréedurée de vie de l'espèce.

    Certaines de ces abeilles ont été prélevées et analysées en laboratoire. Elles sont 30 % plus grandes que les ouvrières de la même espèce. Leurs pattes sont également plus longues, probablement pour mieux lutter et s'agripper à l'adversaire. Ces abeilles soldats représenteraient 1 à 2 % de la population totale d'une colonie. Les Jadai possèdent donc à la fois une protection aérienne et terrestre pour se défendre face à des intrus.

    Le monde des abeilles est moins conflictuel que celui des fourmis ou des termites. Alors, contre qui doivent-elles se défendre ? Les Jadai soldats protègent leurs congénères contre des attaques d'abeilles voleuses, Lestrimelitta limao, qui préfèrent voler leur nourriture plutôt que de la rechercher dans l'environnement. Une telle attaque peut détruire une colonie Jadai.

    L'objectif des abeilles soldats est de repérer une abeille voleuse envoyée en éclaireur. Bien que plus petites que leur prédateur, les Jadai tentent alors de pincer les ailes de l'intrus avec leurs mandibulesmandibules. Cette action immobilise les abeilles voleuses, les empêchant ainsi de repartir renseigner leur colonie. Malheureusement, les abeilles Jadai meurent souvent dans les combats.  

    Selon les auteurs de l'étude, ces abeilles soldats représentent le summum du comportement communautaire puisqu'elles n'hésitent pas à se sacrifier pour le bien de la colonie.