Même si les études en laboratoire ne sont pas unanimes sur le sujet, les oiseaux utilisent bien leur bec pour s’orienter en fonction du champ magnétique terrestre ! Les magnétodétecteurs innervés par les nerfs trijumeaux, qui établissent une connexion nerveuse entre le bec et le cerveau, seraient même impliqués dans la détection de la longitude. Mais comment peut-on le savoir ? 

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    Comment fonctionne la magnétodétection chez les oiseaux, par exemple chez les espèces qui parcourent des milliers de kilomètres durant leurs migrations ? Voilà une question qui taraude les scientifiques depuis des décennies. Plusieurs théories s'affrontent. Pour certains, les magnétorécepteurs doivent se situer dans le bec, mais une étude parue en 2012 a invalidé cette hypothèse. Pour d'autres, les cellules magnétosensibles riches en ferfer doivent se trouver dans les yeux... mais une étude de 2012 a aussi balayé cette idée. Enfin, reste l'implication de l'oreille interneoreille interne, une théorie qui a été appuyée en 2013 par la découverte de billes de fer dans les cellules ciliées aviaires.

    Cependant, les partisans de l'option du bec et de l'œilœil n'ont pas dit leur dernier mot. Pour Henrik Mouritsen de l'université d'Oldenburg (Allemagne), les passereaux migrant de nuit auraient une boussole dans les yeux (elle indique donc le Nord), et un second sens magnétique qui implique la branche ophtalmique (V1) des nerfsnerfs trijumeaux, celle-là même qui innerve le bec. Pourtant, et de l'aveu même de ce chercheur, des rouges-gorges dont cette connexion a été sectionnée ont malgré tout su s'orienter à la perfection en 2009.

    Non convaincu par ce résultat, l'expert s'est depuis demandé si le bec n'est pas utilisé pour détecter une position longitudinale, c'est-à-dire selon un axe est-ouest, ce qu'il n'a pas pu tester avec l'expérience menée en 2009. Avec l'aide de collaborateurs, un nouveau protocole dprotocole d'étude a été mis au point. Les résultats obtenus viennent d'être publiés dans la revue Plos One : le bec intervient bien dans la navigation géomagnétique chez les oiseaux !

    Naturellement, les rousserolles effarvattes qui vivent à Rybachy migrent en volant vers le nord-est, en direction de la zone entourée d'un cercle sur l'image. Celles lâchées à Zvenigorod se sont soit dirigées vers la même destination (flèche 2), soit dirigés au nord-est, comme à leur habitude (flèche 1). Ces dernières n’avaient pas de connexion neuronale entre leur bec et leur cerveau. © Kishkinev <em>et al.</em>, 2013, <em>Plos One</em>

    Naturellement, les rousserolles effarvattes qui vivent à Rybachy migrent en volant vers le nord-est, en direction de la zone entourée d'un cercle sur l'image. Celles lâchées à Zvenigorod se sont soit dirigées vers la même destination (flèche 2), soit dirigés au nord-est, comme à leur habitude (flèche 1). Ces dernières n’avaient pas de connexion neuronale entre leur bec et leur cerveau. © Kishkinev et al., 2013, Plos One

    Le bec des oiseaux : un détecteur de longitude ?

    Contrairement aux autres études récentes sur le sujet, les expériences menées en 2010 et 2011 ont été réalisées sur le terrain, avec 57 rousserolles effarvattes (Acrocephalus scirpaceusAcrocephalus scirpaceuscapturées près de Kaliningrad (dans l'enclave russe située en Pologne). Ces oiseaux sont migrateurs, et réalisent chaque année un trajet de 1.000 km en direction du nord-est pour rejoindre le sud de la Scandinavie, et s'y reproduire. Pour les besoins de l'expérience, des connexions bec-cerveau ont été sectionnées chez plusieurs sujets, avant qu'ils ne soient déplacés de 1.004 km vers l'est, en compagnie des oiseaux sains. 

    Lors de leur libération à la station biologique Zvenigorod, 40 km à l'ouest de Moscou, plusieurs comportements ont été observés. Les rousserolles effarvattes saines ont pris la direction du nord-ouest, filant droit vers le sud de la Scandinavie. En revanche, les sujets ayant des nerfs trijumeaux sectionnés sont partis vers le nord-est, comme ils auraient dû le faire s'ils avaient décollé de Kaliningrad. Ainsi, ils n'ont pas su déterminer leur position de départ, et donc le déplacement artificiel ouest-est, à l'aide du champ magnétique terrestre

    Les branches ophtalmiques des nerfs trijumeaux sont donc bien impliquées dans la magnétodétection des oiseaux, mais en est-il de même pour le bec ? Difficile à dire pour le moment, puisque les cellules nerveuses innervent la région supérieure du bec, mais aussi le palais, la cavité nasale et une partie de la cavité oculaire. Les chercheurs vont maintenant tenter de localiser les magnétodétecteurs pour apporter une réponse finale, malgré les doutes émis par les partisans des autres théories...