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Au Groenland, de nombreux glaciers glissent inexorablement vers la mer. L'un d'entre eux, le Jakobshavn Isbræ (ou Sermeq Kujalleq dans la langue locale) a pris l'habitude de faire parler de lui depuis quelques années. De fait, il aurait donné naissance à l'iceberg qu'a percuté le Titanic en 1912, peu de temps avant de sombrer. D'ailleurs, ce flux de glace produirait chaque année environ 10 % des icebergs dérivant depuis les eaux groenlandaises, sachant qu'il draine 6,5 % de l'inlandsis recouvrant le territoire considéré.
Une autre raison justifie sa célébrité toute relative. Sa fonte s'est brusquement accélérée dans les années 1990, après plusieurs décennies de stabilité. Par conséquent, son front a commencé à reculer (55 km enregistrés en 2003), tandis que son épaisseur se voit chaque année réduite d'environ 15 m. Bien évidemment, le réchauffement climatique est pointé du doigt. La disparition des imposantes massesmasses d'eau à l'avant du glacier a eu une importante répercussion : son écoulement s'est accéléré, alors qu'il était déjà l'un des plus rapides connus au Groenland.
Profitant de nouvelles données récoltées en 2012 et 2013, des scientifiques de l'université états-unienne de Washington viennent de faire le point sur ce sujet. Publiés dans la revue The Cryosphere, leurs résultats sont sans appel : le Jakobshavn Isbræ est devenu le glacier le plus rapide de l'histoire, sachant que seuls le Groenland et l'Antarctique ont été pris en compte.
Le fjord glacé d’Ilulissat et le flux de glace. La flèche à droite de l'image indique la zone de crevasses du glacier Jakobshavn Isbræ. Au bout de la langue de glace se trouve le front du glacier. Dans cette zone, le vêlage génère les icebergs (calving front en photo). Les icebergs continuent leur chemin jusqu'à la ville d'Ilulissat (Ilulissat town). Certains blocs de glace s'échoueront ici (stranded icebergs) et d'autres se retrouveront dans l'océan. © Carsten Egestal Thuesen
Une accélération par 4 des flux de glace en été
Pour le vérifier, les chercheurs ont travaillé sur des photographiesphotographies prises par le satellite TerraSAR-X du Centre aérospatial allemand (DLRDLR, pour Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt). Les mouvements de glace ont été quantifiés dans les derniers kilomètres du glacier en comparant des images deux à deux. En effet, en connaissant la distance parcourue en un temps donné, celui qui sépare les dates et heures de prises de vue, une vitessevitesse peut être calculée.
Durant l'été 2012, les glaces terminales du Jakobshavn Isbræ ont atteint la vitesse record de 17 km/an, ce qui représente un déplacement d'environ 46 m par jour. Cette même année, le pic de vitesse estival a donc été quatre fois plus important que celui de 1992 (augmentation de 420 %)), et 30 à 50 % plus important que ceux des étés antérieurs. Les chiffres de 2013 ne sont pas disponibles en raison d'une défaillance qui a rendu le satellite inopérant durant les quelques jours... où le pic a probablement eu lieu.
La glace ne s'écoule pas à la même vitesse toute l'année, ses mouvementsmouvements étant plus rapides en été. Ainsi, sa vitesse moyenne pour l'année 2012 a été de 11,6 km/an, ce qui représente une augmentation de 286 % par rapport à 1992. Or, cette accélération a une conséquence non négligeable : de plus grandes quantités de glace se déversent dans les océans... ce qui fait monter leurs niveaux. À lui seul, le Jakobshavn Isbræ les aurait fait s'élever de 1 mm entre 2000 et 2010. Étant donné l'accélération du flux de glace observée depuis lors, sa contribution devrait encore augmenter dans la décennie en cours.